L'alchimie des sentiments_Partie 1 chapitre 10
plume-scientifique
CHAPITRE 10
Aux yeux de tous, j’étais dans un salon littéraire avec Monsieur de Gurvan. En vérité, je me dirigeais vers le mariage de Lucretia. Je portais une robe bleu roi, agrémentée de touches blanches. Je ne savais pas si Lucretia avait compris mon message à travers mon bouquet, dans le doute, ma coiffure contenait quelques iris. Connaissant ma sœur, le mariage serait simple et sans trop de fioritures, inutile d’arborer une perruque. Mais je gardais un doute puisque le lieu de réception était le Jardin du roi. J’arrivais et mon m’amena sur les lieux. L’endroit était bucolique et exquis. Nous étions fort peu, un petit comité même. Ils se connaissaient tous et me connaissaient tous. Je préférais rester dans mon coin bien qu’Henri me jette des coups d’œil m’invitant à les rejoindre. J’étais pressée de revoir le fiancé dont j’avais déjà oublié le prénom mais qui restait Clairjean dans ma mémoire. Il n’était plus qu’une ombre emmenant ma sœur dans la nuit dans mes souvenirs. Un prêtre longea un sentier d’herbe qui menait à une cascade. Juste devant, un petit autel blanc était dressé, ainsi qu’à peine deux rangées de banc.
-Eh Roxana ! M’interpella la femme de l’autre fois-Amy ?- dans une robe verte. Ta sœur voudrait que tu porte la même robe.
Je la foudroyais du regard.
-Je vous prierais de ni m’appeler par mon prénom ni de me tutoyer. Où est la robe ?
Elle me rendit mon regard et m’indiqua là où me changer. J’obéis pour plaire à ma sœur. Dans la petite salle, je regardais par la fenêtre : le marié attendait à l’autel. Il était beau garçon et nerveux. Une mélodie douce retentit et ma sœur passa devant moi, j’attrapais sa traîne et la suivit. Tant de bonheur, tant de visages heureux, ma sœur belle et radieuse, une musique en hymne à l’amour. Les témoins –dont Henri- étaient à droite et nous, les demoiselles d’honneur, à gauche. La cérémonie débuta, la voix du prêtre s’éleva. Tout le monde souriait, je souriais aussi. Un sourire crispé au bord des larmes, un sourire grotesque, un sourire paradoxal à mes yeux tristes. « Seigneur, priais-je, je suis votre esclave depuis toujours, je prie tous les soirs votre Grandeur et celle de votre fils. Faites-moi un signe au moment de la phrase fatidique. ». Mais la phrase fatidique ne vint pas. Elle était enlevée du texte. Et le baiser final eut lieu.
On dirigea les invités vers la future demeure des mariés, là où aurait lieu le repas. Je dus partager mon fiacre avec De Breteuil et Amy. Après un long moment, on arriva devant un énorme château. Je sentis une rage se soulever en moi mais je devais faire bonne figure pour Lucretia. Jusqu’à demain du moins. Tous les fiacres arrivèrent, le notre clôturant le cortège. Tandis que nous sortions, je vis une silhouette près de la grille d’entrée. Une personne que je connaissais, que j’admirais. Soudain, une armée de soldats apparut et nous encercla. Même s’ils se rebellaient, les membres de l’ordre ne s’en sortiraient pas ; ils ne pouvaient qu’abdiquer.
Tandis que la silhouette disparaissait, une forte voix se faisait entendre : « Au nom de sa Majesté, le Roi Louis XV, le Bien-Aimé, vous êtes en état d’arrestation pour traîtrise à la couronne ».
Mon mariage avait été comme un rêve même si ma famille avait décliné l’invitation à part Roxana. J’avais pleinement vécu ce moment de bonheur jusqu’au plus profond de mon être. J’étais heureuse ! Nous échangeâmes nos vœux avec ferveur et notre baiser fut le plus doux qui soit.
Je sortis du fiacre avec mon mari les yeux plein d’amour quand soudain le cliquetis des armes se fit entendre et une voix s’éleva :
« Au nom de sa Majesté, le Roi Louis XV, le Bien-Aimé, vous êtes en état d’arrestation pour traîtrise à la couronne ».
Le cauchemar commença alors. Caïn et Henri furent emmenés. Ginie voulait faire couler le sang mais un regard d’Henri avait suffit à la pétrifier. Quand à moi je m’accrochais à Caïn en criant jusqu’à ce qu’on nous sépare et que j’atterrisse durement sur le sol. Le choc m’arracha des larmes. Que se passait-il !? Comment avaient-ils su, la Noctule était d’une prudence presque excessive. Et pourquoi seulement Henri et Caïn ? Quel lien y avait-il ? Ou plutôt qui ne connaissait qu’eux qu’en temps que membre. La réponse me vint aussitôt : Roxana ! Etait-ce elle qui avait trahis !? Ou avait elle cédé des confessions à quelqu’un ? Dans la foule de soldats, je reconnus un homme austère et lugubre. M de Gurvan. Ma sœur semblait choquée et je compris alors qu’elle lui avait parlé. Je me levais folle de rage :
-Vous ! M’exclamais-je.
-Capitaine, cette demoiselle n’est pas innocente à ces conspirateurs, dit cet odieux précepteur.
- Emmenez-la ! ordonna-t-on.
Deux soldats m’encadrèrent mais cela ne m’empêcha pas de cracher au visage de cet ignoble personnage :
-Aucun pardon ne vous sera accordé et je jure que je me vengerais de vous Monsieur ! Puisse une malédiction éternelle s’abattre sur vous.
-La sorcellerie est passible du bucher mais vous le savez n’est ce pas ?
-Je viendrais vous hanter. Croyez-le bien Monsieur. Ma rancune vous tuera.
Les deux brutes me tirèrent hors de son atteinte et je regardais ma sœur avec reproche. On me jeta dans la cage aux voyous mais heureusement ces voyous là étaient digne de confiance. J’avais peur et Caïn me prit dans ses bras tandis qu’Henri regardait silencieusement dehors. Je repoussais Caïn et retroussa ma robe sous leurs yeux intrigués. Je sortis un petit sac contenant des billes et leur tendis :
-Si jamais on ne s’en sort pas, croquez et s’en sera finit.
Je coinçais la bille dans une dent anciennement cariée et ils m’imitèrent. Peut importe ce qu’ils nous feraient, nous serions prêts à agir. La carriole s’arrêta et on nous fit descendre. Je reconnus cet endroit. C’était la Bastille.
Je ne comprenais pas. On nous arrêtait mais que faisais Monsieur de Gurvan ici ? Je voulus le rejoindre mais les soldats faisaient barrière. Ma sœur et les autres venaient déjà d’être embarqués. Pourquoi pas moi ? Et où était le véritable responsable ? Monsieur de Gurvan semblait perturbé et fixai un point derrière moi : Lui. Alors je compris qu’il avait provoqué ma sœur pour ne pas être démasqué et montrez sa complicité avec moi.
-Père ! Dis-je en me retournant. Qu’avez-vous fait ?
Il me regarda comme jamais auparavant : avec dégoût et une profonde souffrance.
-Tu le sais très bien.
« Traîtrise à la couronne ! ».
-Comment avez-vous su ?
-Tu penses que je laisserai mes filles ainsi ? Que je m’inquiéterai pas pour elles, de savoir ce qu’elles font lorsqu’elles s’enfuient avec un inconnu et décide de l’épouser ?
Père c’était sentit trahi, avait renié Lucretia mais malgré tout, il s’était inquiété de son devenir. Je ne savais pas comment mais il avait découvert la vérité. Et désormais, il connaissait la mienne.
-Père, je jure ne pas faire parti de cet ordre !
-Mais tu as tut leur secret, tu es complice.
-Père…
-Mes propres filles en combat contre leur famille, contre leur roi.
-Non !
-Au revoir ma fille.
Des soldats m’attrapèrent et me jetèrent dans un fourgon. Mon dernier regard fut pour Monsieur de Gurvan qui assista, impuissant, à mon arrestation.
On me conduisit dans des couloirs sombres et humides. La puanteur était ignoble et les murmures des prisonniers me donnaient la chair de poule. Le soldat s’arrêta devant une lourde porte de bois, sortit un trousseau, chercha une clé parmi la centaine qu’il avait et ouvrit la porte. On me jeta dedans et me cacha dans un coin. L’obscurité m’assaillit. Quelque chose me frôla. Il y eut du mouvement dans la cellule. Je me recroquevillais, morte de peur. Quel genre de monstre m’avait-on attribué ?
-Roxana ?
-Lucretia ! Répondis-je soulagée.
-La traîtresse ! Renchérit la voix d’Amy.
Mes yeux s’habituèrent et la faible lumière extérieure provenant de la fenêtre me dévoila leur silhouette.
-Sale traîtresse, enfant de putain ! M’agressa un homme que j’avais vu au mariage mais que je ne connaissais pas, son corps menaçant devant le mien.
-La paix, Josse ! Intervint férocement de Breteuil.
-Je n’ai trahi personne ! Pourquoi serais-je venue au mariage et aurais-je attendu jusque là ? Vous pensez que je serais parmi vous pour une petite visite sympathique ?
-C’est de Gurvan qui a balancé, lâcha ma sœur.
-De Gurvan n’y est pour rien. C’est Père.
-Tu lui as dis la vérité ?
-Bien sûr que non ! Il a mené sa propre enquête. Pas si bien dissimulée que ça votre ordre, raillais-je.
J’entendis un sifflement réprobateur mais plus personne ne parla. Ils se mirent à réfléchir de leur côté et je m’isolais. La réception me revint : le jardin, les fleurs, le château…
« Roxana ? »
Je songeais à tout ce qui avait changé depuis la naissance de cet ordre dans notre vie : les mensonges, les trahisons, les problèmes…
« Roxana ? ».
Si seulement ce foutu ordre n’avait pas existé ! Eux et leurs principes mensongers…
« Roxana !
-Assez ! Hurlais-je. Le silence se fit. Mais je n’en pouvais plus.
-Assez, assez ! Continuais-je en prenant le restant de bouquet et en le jetant à la figure de Cyan. Puis prenant un air théâtral : « Seigneur ! Regarde-nous, nous sommes les sauveurs du Peuple ! Tel Moïse secourant le peuple juif, nous sauverons le peuple français de l’oppression du règne des Louis. Nous sommes bons, nous le secourons, le guérissons, le nourrissons. ». Hypocrites ! Vous êtes les jumeaux du roi ! Vous dites aider le peuple mais vous vivez comme des rois : vous avez vos privilèges, des tonnes d’or, des châteaux ! Et vous Cyan, vous offrez le Jardin du roi et une demeure seigneuriale en mariage. Les nobles crèvent sous l’argent tandis que le peuple crève sous la faim mais eux, au moins, n’ont pas l’audace de se prétendre sauveurs du peuple.
J’avais un goût amer dans la bouche, l’acidité de mes sentiments s’étant transformée en mots.
-Et ne venir pas dire que vous œuvrez en actes bienfaiteurs, c’est vous qui avez crée l’affaire Damiens.
Je m’en étais souvenu en plongeant dans les méandres de mon passé.
1758. Nous étions à peine arrivés en France. Un scandale remuait le pays. Déguisé en soldat de la garde royale, Damiens avait attenté à la vie de Louis XV en le poignardant. Par chance, le roi n’avait pas risqué sa vie. En revanche, Damiens avait subit de nombreuses tortures. Durant celles-ci, il avait avoué que c’était pour la liberté du peuple.
L’affaire Damiens… Je ne savais rien de tout ceci. Je regardais Caïn mais se fut Josse qui éclata d’un rire sinistre :
-Damien cet imbécile de la Pléiade ! Comme si je m’abaisserais à avoir un tel idiot sous mes ordres.
-Il méritait ce qu’il lui arrive, dit Ginie. C’était un fou.
-Nous le sommes tout autant, dit Henri. A notre façon, pour suivre l’adage d’un vieil homme mort.
-C’est de ton père que tu parles, lui fit remarquer Caïn. Quand au Jardin le comte de Buffon m’a fait cadeau de la location et ma maison a été achetée à la sueur de mon travail. Aucun de nous n’est né riche demoiselle. Nous sommes tous de basse extraction. Ici vous ne trouverez que fils et filles de commerçants, prostituées, voleurs, et soldats.
-On n’emprunte pas les Jardins sur roi sur simple demande, surtout à des gens non « nés » et sans lien avec le roi, répliqua-t-elle.
-A moins d’avoir un certain lien avec monsieur Buffon.
-Rien de bien honnête.
-Mais rien de dangereux.
-Quand on nait dans une classe, on reste dans une classe, ajouta-t-elle mais comme constatation, pas comme remarque méprisante.
-Le père d’Henri nous a beaucoup financé il est vrai et introduit dans des milieux qui nous étaient fermés jusque là par le biais des membres de la Noctule.
-Laisse là donc s’énerver, dit Ginie. Elle a été choyée toute sa vie, elle ne sait rien de la vraie vie.
-Je suis aussi ignorante qu’elle dans ce cas, leur dis-je. Mais j’ai appris à vous connaître et vous n’êtes pas de mauvaises personnes. Même toi Josse.
-La bonne blague ! répliqua ce dernier. On fait quoi maintenant ? Ginie assassine le garde et on s’enfuit ou on prend tous le poison du chaton de Cyan ?
-Tu es toujours aussi brutal Josse, dit Caïn. Comment veux-tu qu’on te croit ?
-La Pléiade a tout orchestré, dit Amy. Elle nous fait porter le chapeau de ses crimes pour ne pas changer.
- Peut-on savoir de quoi vous parlez !? S’énerva Roxana.
Tous les regards se posèrent sur elle et je soupirais. Je voulais aussi savoir.
-La Pléiade, commença Henri, est une organisation antiroyaliste extrémiste. Elle est… bien pire que nous.
-A coté je suis un enfant de chœur, se moqua Josse.
-Depuis quand tu pratique l’autodérision ? rétorqua sa sœur.
-Taisez-vous, vous vous querellerez plus tard, leur ordonna Amy. Continue.
-En gros, ils excitent le peuple là ou nous tentons d’adoucir les choses et ils fournissent des armes à des éléments isolés pour semer le chaos. Ils veulent renverser le roi et faire libre le Peuple. Nous, nous tentons d’aider le peuple, alléger ses souffrances, glisser des idées d’améliorations au roi à travers les Lumières. Mais nous ne sommes pas innocents pour autant…Au départ la Pléiade et la Noctule n’étaient qu’une seule et même organisation. Nous avons juste pris des chemins différents.
-Et des maîtres aussi, dit Josse. Ce chien d’Aimar ne perd rien pour attendre.
-Aimar !? M’exclamais-je. Aimar de Masset ?
-Tu le connais ? S’inquiéta Caïn.
-C’est un ami de mon frère et mon prétendant.
-Je vois, murmura Henri. Mon frère a toujours été rancunier et possessif.
-Le hasard fait si bien les choses, dit Ginie dépitée.
-Tout cela est bien beau mais que va-t-on faire ? Leur demandais-je.
-A part attendre rien, dit Henri. Roxana vous devriez faire attention à vous. Aimar n’est pas un enfant de cœur, il se peut qu’il vous utilise.
-Tu devrais rentrer ma sœur et en parler avec notre Père, lui suggérais-je.
Je la pris dans mes bras et l’embrassa alors que le gardien revenait. Elle s’en fut visiblement perturbée.
Aimar aimait Lucretia. Henri m’aimait moi. Deux frères, deux sœurs. La Pléiade, la Noctule. Tout cela devenait ahurissant !
-Ou m’emmenez-vous ? Demandais-je timidement au geôlier.
-Dehors.
-Vous voulez dire…me libérer ?
Il se tourna sauvagement vers moi, le regard haineux, les mains contre le mur, ses bras au-dessus de ma tête, tout son corps en barrière contre moi. Une haleine fétide m’empêchait de respirer et des sueurs froides parcoururent mon dos.
-S’il ne tenait qu’à moi, traînée, j’irais te faire voir La Veuve !
Bien que je ne comprenne pas sa menace, elle me fit froid dans le dos. Mais je dus exprimer plus d’incompréhension que de peur car il se pencha vers moi : « La guillotine » susurra-t-il à mon oreille.
Je respirais à nouveau en voyant la clarté du jour, le vent frais et le bruit de la ville. De l’autre côté de la grille, un fiacre attendait. Franchir les portes me procurèrent un bien fou et en même temps, je ne pus m’empêcher de me retourner pour regarder la forteresse et songer à celle qui j’avais laissé derrière. Qu’adviendrait-il de ma moitié ? Se tuerait-elle ? Souffrirait-elle ? Serait-elle épargnée ?
Le cocher m’ouvrit et je montais dans le véhicule.
-Madame de Pompadour ? Dis-je surprise.
-Vous avez une dette énorme envers moi désormais, donna-t-elle pour toute réponse.
Je n’en doutais pas. Elle avait du jouer de sa forte influence mais aussi prouver mon innocence.
-Je vous serais éternellement reconnaissante, marquise.
En rentrant à l’Hôtel d’Evreux, la demeure était affreusement silencieuse. La marquise disparut vite dans une pièce tandis que cherchais ma famille. Je tombais en premier sur Vladimir dans la salle à manger, assis, les coudes sur les genoux, les mains croisés, le dos courbé et le menton en appui sur ses mains, dans une réflexion profonde. Son visage était soucieux et son front ridé par son froncement de sourcils. Il leva les yeux dans un regard noir.
-J’ai beau tourner et retourner les idées dans ma tête, je n’arrive pas à comprendre, dit-il.
-Chéri, dis-je en m’approchant de lui.
-Enfin ! hurla Mark, apparaissant à l’embrasure d’une autre porte. Son visage était rouge de colère. Il s’approcha à grands pas et me gifla. Il se mit à tourner en rond dans la pièce, passant sans cesse la main sur sa tête.
-Qu’est-ce qu’il te prend Roxana ? On ne te reconnait plus ! Qu’est devenue la petite sœur si docile et silencieuse d’avant ? Que Lucretia soit prise de folie, passe encore, mais toi !
J’attendais qu’il défoule toute sa colère, passivement, comme autrefois. Quand il n’en pu plus, je repris la parole. Alors je racontais tout depuis le début, comme je l’avais fait avec Monsieur de Gurvan, jusqu’à ma sortie de la Bastille. Chacun occupait un espace de la pièce, à distance les uns des autres, comme si cela était vital.
-Tu ne nous as pas fait confiance, reprocha Vladimir.
-J’ai eu tort.
-Père non plus n’a pas eu confiance, renchérit Mark.
-Qu’est-il advenu de notre famille ? Murmurais-je en regardant le sol.
Il y eut un blanc et Mark dit d’une voix à peine audible : « Aimar…Je n’aurais jamais cru cela de toi ». Puis en me regardant :
-Non, c’est impossible. Ils mentent et manipulent Lucretia. Et toi aussi, tu t’es faite bernée.
-Je ne sais pas Mark. J’ai encore des doutes mais je crois qu’ils disent vrai. Je me force à penser qu’ils disent vrai, que leur volonté n’est pas tout à fait mauvaise bien que n’étant pas irréprochable.
-Alors nous devons congédier Aimar et l’éloigner de nous le plus possible, déclara Vladimir d’une voix d’homme.
Mark secoua la tête, c’était trop dur à accepter.
-Il le faut, insista Vladimir en prenant le dessus. On ne peut pas se permettre le moindre doute.
-Laisse-le au moins s’exprimer.
-Il mentira, intervins-je.
-Et si c’était toi la menteuse ?
Cette remarque me blessa et en même temps, il n’avait pas tort ; pourquoi me faire encore confiance ?
-Nous devons rester unis, Mark !
-Comment peux-tu croire tes propres paroles, Vladimir ?
-Il le faut ou il ne nous restera plus rien.
L’aîné abdiqua.
-Où est Père ?
-Cloitré dans sa chambre.
-Même nous il refuse de nous recevoir.
Je fis sonner une petite clochette et réclama du papier et de l’encre. J’écrivis pour la troisième fois mon récit, plia et scella la lettre. Je sortis dans le couloir et alla devant sa chambre, glissant la lettre sous sa porte. Père n’avait jamais laissé de côté les attentions de Lucretia, il lirait sûrement ma lettre. La maison était dans le chaos le plus complet. Nous étions tous perdus, solitaires. Que nous restait-il ?
Il y avait nombre de choses qui m’échappait. La place qu’occupaient la Noctule et la Pléiade. Je réfléchissais à cela depuis le départ de Roxana.
-Tu es bien silencieuse mon amour, fit mon mari.
-Il y a des choses que je ne comprends pas, avouais-je. La Pléiade et la Noctule sont liées mais j’ai du mal à voir globalement la chose sans me fondre dans l’erreur.
-Tu es sourde ou quoi ? répliqua Josse.
Caïn lui adressa un regard courroucé alors qu’Henri me dit gentiment :
- Vas-y Lucretia. Soulève ce qui t’intrigue.
-Votre Père a créé cette organisation. Elle était la réunification des deux : Assassinat et aide.
-Oui.
-Comment se fait-il qu’elle se soit scindée ?
-A la mort de mon père, nous étions deux à vouloir poursuivre son œuvre. Mon frère et moi, ma sœur n’ayant jamais eu d’intérêt à la chose est partie depuis bien longtemps.
-Et tout le monde sait que toi et Aimar vous vous adorez, glissa Josse mauvais. Des idées différentes mais des amours semblables, finit il avec un regard appuyé à mon encontre.
-Hum oui. Nous avons eu quelques accrochages. Aimar a toujours aimé voir le sang couler violemment.
-Il adore la chasse il me semble.
-Surtout la chasse à l’homme, dit Ginie. Il est complètement fou. Heureusement que nous ne travaillons plus pour lui.
-Vous avez travaillé avec lui !
-Ouais, dit Josse. Ma sœur et moi. Mais pas longtemps. C’est un trou du cul et je suis pas son laquais et ma sœur sa pute.
-Merci pour ta délicatesse, lui dit Ginie acerbe.
-Reprenons, dit Henri. Je ne voulais pas de bain de sang donc au lieu de se battre on s’est séparé. Et les organisations ont été créées.
-T’es passé pour un gros lâche c’est pour ça qu’on s’est cassé, dit Josse. Heureusement que Cyan est pas venu, il l’aurait tué.
-Si tu pouvais éviter ce genre de réflexion devant ma femme ce serait sympa pour une fois, lui dit Cyan avec un regard noir.
Il n’était pas aussi gentil qu’il le laissait paraître. Sa face obscure…Je voulais la connaître mais plus tard. Je regardais les personnes réunies : Henri et ses sénéchaux. Les sénéchaux…
-Tu es bien silencieuse tout à coup, dit Caïn.
-Il y a une chose qui est étrange. Êtes-vous les seuls que le père d’Henri est aidé ?
-Non. Il y en a d’autres, dans la Pléiade.
-Ont-ils un bon rang ?
-Oui, me répondit Henri. Ils sont l’équivalent des sénéchaux. Pourquoi cette question ?
-Et bien… Ne m’en veuillez pas mais…Tous les gens que votre père a aidé on un rôle important.
-En effet.
-Et cela ne vous choque pas ?
-Non c’est un signe de reconnaissance je pense.
-Oui mais c’est tout de même étrange ! N’a-t-il pas pu jouer là-dessus pour former les futurs hommes de confiance de son organisation ?
- Que veux-tu dire par là ?
-Votre Père n’a-t-il pas usé de sa bonté afin de faire de vous ses loyaux et dévoués meilleurs éléments ?
-Lucretia ! s’exclama mon mari outré.
-C’était un homme bien, tu ne peux pas dire ça ! S’alarma Amy.
-C’est impossible, dit Henri.
-J’ai du mal à croire cela, avoua Ginie.
-Et pourtant c’est la vérité Geneviève, dit Josse à la surprise de tous. Félicite ta femme Cyan car elle est très intelligente. Elle a trouvé en quelques mois ce qui m’a pris des années. C’était très intelligent de la part du vieux renard. Nous étions si naïfs et désespérés.
Il y eut un gros silence choqué. Mais j’avoue que je l’étais bien plus par le compliment de Josse !
- Si c’est le cas, qu’allez-vous faire ? Leur demandais-je. Arrêter ou continuer ?
-Continuez ! s’exclama Amy. Il est hors de question que je laisse les enfants trainer dans la boue et la faim !
-Elle a raison, dit Ginie. Nous avons eu une chance de changer les choses. Nous l’avons saisi.
-Oui, dit Henri. Je pense que père n’avait pas prévu la séparation. La Noctule est notre ordre et non le sien.
-Dans ce cas il ne reste plus à attendre que Roxana nous sorte de là, dit Caïn. Si dans une semaine nous sommes encore là, alors on les contactera.
-Les contacter ? Qui ? Demandais-je intrigué.
-Les ressortissants de l’ordre, dit Henri la mine sombre. Les traîtres anoblis.
Huit jours. Huit jours que je me rongeais les sangs pour Lucretia. Nous avions beau réfléchir, il était évident que nous ne pouvions aider ma jumelle. Alors nous nous morfondions, je priais beaucoup et j’appelais le Seigneur à ma délivrance. Père était sortit de sa tanière deux jours après ma lettre, la mine fatiguée mais n’adressait toujours pas un mot. Monsieur de Gurvan avait demandé quelques explications complémentaires en cachette car l’Hôtel ignorait tout de même qu’il fut complice. La veille, madame Caroline était venue, fraîche et pimpante, décorée de quelques fuchsias pour l’ardeur des plaisirs charnels et de jasmins. Elle passait de plus en plus de temps dans les parages pour essayer d’aguicher un Monsieur de Gurvan plus fuyant que jamais. Si ça continue, je devrais avoir une conversation avec mon précepteur.
Tandis que je lisais, tranquillement installée dans un fauteuil, les derniers rayons chauds éclairèrent la pièce bleue. Une bonne m’apporta un pichet d’eau citronnée et quelques macarons. Je lisais Candide de Voltaire, ce roman d’apprentissage satirique qui n’était pas passé inaperçu. La vie de ce pauvre Candide faisait passer mes propres expériences récentes pour bien douces à côté.
-Mademoiselle ? Me dérangea une servante.
-Hmm ?
-Monsieur de la Carrière est présent.
François de la Carrière ? Quel bon vent l’amenait ici ?
-Faites-le entrer.
Quelques secondes plus tard, l’hôte s’installait en face de moi : une redingote mauve, des souliers dorés, des manches et un jabot blancs et cette éternelle perruque, grisâtre pour l’occasion.
-Comment allez-vous ma chère Roxana ?
-Bien, Monsieur. Et vous ?
Il ne semblait pas très à son aise.
-Vous savez, mademoiselle Roxana…Je…enfin…
-Qu’est-ce qui vous tracasse ainsi mon ami ?
-J’ai beaucoup réfléchi aux moments que nous avions partagé.
Cette entrevue prenait une drôle de tournure ! Il déglutit difficilement et semblait de plus en plus nerveux. Il sembla prendre une grande inspiration.
-Voulez-vous un verre ? Le coupais-je.
Vu son état, mieux valait le détendre un peu. Il acquiesça et je lui servis un peu d’eau. Il but lentement, le regard dans le vague. Mon esprit s’échauffait. Je n’étais pas une savante en amour mais j’en savais assez pour comprendre ce qui pouvait mettre un homme à ce point nerveux.
-Mademoiselle, Roxana…reprit-il. J’ai été fort heureux de faire votre rencontre et de passer ses moments avec vous. Chacune de nos rencontres est un délice.
Je le savais. Comme il était attendrissant de le voir si embarrassé.
-Votre amitié m’est chère mais…
Il s’essuya le front. J’étais tellement touchée que je me mis à rougir de plaisir. Je décidais de l’aider.
-N’en dites pas plus, intervins-je en me levant. Il me regarda d’un air inquiet. Je m’approchais de lui et il se leva promptement.
-Cher François. Je suis vraiment émue de tant d’attentions et vos sentiments pour moi me touchent sincèrement.
Je fis alors ce dont je ne me serai jamais cru capable : je l’embrassais la première. Un baiser rapide et léger. Il rougit jusqu’à la racine.
-Mademoiselle Roxana…
Je lui souris. On frappa à la porte.
-Mademoiselle, Monsieur de Gurvan vous fait appeler pour vos cours.
-J’arrive.
Je m’en allais en lui jetant un dernier regard. Je partis pour mon cours avec un sourire jusqu’aux oreilles.
Une longue semaine passée dans un cahot sordide. Henri avait réussi à contacter ces « traîtres anoblis » et nous avions subitement vu nos conditions de vie améliorées. On nous changea de cellule. Elle était plus grande, de la taille du salon de la Pompadour et trois grands matelas avaient été posés au sol. Je fus surprise de voir une vieille table et des chaises ainsi qu’une petite pièce avec des latrines ! Le meilleur luxe qui soit : une hygiène de vie tolérable. Les hommes nous avaient laissé profiter de cela en premières, galanterie oblige. Mais même si nous étions mieux logés, nous étions toujours prisonniers. Entendre Josse marmonner des imprécations à longueur de journée avait tout de minant. J’enfilais des vêtements propres bien que rêches et désagréables. Une vieille robe de bonne usée par l’usage mais c’était toujours mieux que rien ! Nos compagnons se lavèrent et se changèrent. Ils avaient autant d’allure que nous dans leur chemise et leur pantalon. Je soupirais alors que nous nous réunissions autour de la table. Tout le monde était las.
-Même un escargot mettrait plus vite à répondre, dit Josse avec son éternel sens de l’humour.
-Patience, lui conseilla Henri. Ils ont reçu notre demande et nous ont fait ce cadeau. Le reste ne devrait pas tarder.
- Qui sont-ils au juste ? Lui demandais-je.
-Ce sont les anciens bourgeois de l’ordre initial qui n’ont pas trouvé leur place au sein de la Noctule et de la Pléiade, dit Caïn. La plupart ont marié leur enfant avec une noble demoiselle.
-Mais en quoi sont-ils des traîtres ?
-C’est Aimar qui les a appelés ainsi, dit Ginie. Il ne supporte pas la neutralité.
-Les anciens qui nous ont quittés ne se retrouvaient dans aucun des deux camps. Ils ont préféré rester neutres. Ils n’aimaient pas la violence d’Aimar et il trouvait Henri trop idéaliste.
-Pff c’est des bouffons, souffla Josse. Leur lâcheté n’a d’égal que leur manque d’esprit.
-S’ils nous sortent de là tu les critiqueras moins, dit Henri.
-Pourquoi nous aideraient-ils ? Leur demandais-je. Ils ne sont pour aucun de nous.
-Parce qu’ils n’aiment pas les folles idées d’Aimar, dit Josse. Et qu’il préfère qu’on fasse la police pour eux ces flemmards. Sans nous, la Pléiade n’a personne dans les jambes pour l’emmerder.
-Il se fait tard, nous devrions tous dormir, conseilla Caïn.
-Seul problème, il y a trois paillasses, fit remarquer Amy.
-Je dors avec ma femme, dit-il en m’emmenant vers notre lit.
-Henri ?
- Ah non je ne dors pas avec lui ! s’exclama Josse.
-Tu préfère dormir avec ta sœur adorée ? répliqua Ginie.
-Encore moins ! Je prends Amy et damnez-vous.
Josse agrippa Amy, rouge tomate, par le poignet et la traina jusqu’à la paillasse. Ginie se tourna vers Henri avec un regard interrogateur. Il hésita un moment puis finit par hausser les épaules et à l’inviter d’un geste à passer devant. J’entendis Josse émettre un : Beurk. Puis le silence se fit.
Monsieur de Gurvan me faisait payer cher mon inattention de la veille, trop occupée à penser à François. Je voyais mon précepteur remuer les lèvres, tourner des pages, écrire et me jeter des regards en coin, mais je ne comprenais pas un seul mot. Dès que le cours serait fini, je rejoindrais François pour aller à un bal.
Mes frères avaient été surpris et ravis de savoir que je flirtais avec un homme tel que Monsieur de la Carrière.
-Roxana ! Me gronda de Gurvan.
-Pardon Monsieur, m’excusais-je pour la centième fois.
-Vous êtes énervante depuis hier. Que se passe-t-il ? Vous penser encore à Lucretia ?
Ma sœur ? Oh non ! Avec mes nouveaux états d’âmes, j’avais oublié dans quelle misère se trouvait ma sœur. Je me pris à éprouver de la culpabilité d’avoir pu l’oublier.
-Vous croyez qu’elle va s’en sortir ?
Il soupira d’exaspération.
-Je ne sais pas. Et quoi qu’il arrivera, nous n’y serons pour rien, il nous est impossible d’intervenir.
-Je devrais essayer pourtant.
Il referma son livre et s’assit devant moi, toujours si droit et sérieux, si lugubre.
-Ecoutez, dit-il fermement. Vous éprouvez de la culpabilité et que vous tentiez des coups d’épée dans l’eau ni changera rien. Alors gardez votre énergie pour des choses utiles. Mettez-vous à la prière, cela vous aidera.
-Je prie déjà, rétorquais-je.
Il rouvrit son livre mais je ne comptais pas lui laisser l’opportunité de reprendre le cours. Je n’avais pas envie d’étudier aujourd’hui et pour une fois qu’il était disposé à parler, je n’allais pas laisser passer la chance.
-Monsieur, vous connaissez bien madame Caroline ?
Il leva son nez vers moi, son air inquisiteur me fit regretter d’avoir eu autant d’audace. J’aurais voulu me reprendre mais il était trop tard. Je sentais venir un orage de colère ou une douche glaciale me rappelant de m’occuper des mes affaires.
-C’est une ancienne élève, répondit-il sans sourciller avant de parcourir à nouveau le livre, le timbre monotone.
-Vous lui enseignez depuis longtemps ? Continuais-je en m’en voulant déjà.
-Une quinzaine d’années. Pourquoi ces questions ?
Je fus prise de cours bien que cette question était inévitable. Je cherchais une réponse valable mais plus le temps passait, plus la réponse perdait en crédibilité.
-Comme ça.
Bravo Roxana ! La pire des réponses possibles.
-Madame Caroline me parle beaucoup de vous, amorçais-je.
Plus je parlais, plus je me rendais compte à quel j’étais ridicule et sans tact. Un sourd aurait déjà compris ma démarche. Monsieur de Gurvan semblait vouloir m’aider à m’enfoncer davantage.
-En bien, ajoutais-je devant ses yeux interrogateurs.
-Venez-en aux faits, Roxana, je perds patience.
Je soupirais bruyamment en regardant de côté. J’étais pathétique. Madame Caroline regretterai de s’être adressée à moi. De plus, maintenant que j’avais parlé, je ne pouvais plus reculer et je me rendis compte que j’allais devoir annoncer quelque chose d’extrêmement gênant, surtout devant cet homme là.
-Eh bien, disons que Madame Caroline…heu…
Je sentis mon visage se mettre à brûler. Pour ne rien arranger, il me regarda droit dans les yeux.
-Elle m’a avoué…ahem…
Je pris une profonde respiration et termina ma phrase à toute vitesse. Tellement vite d’ailleurs qu’il ne m’avait pas comprise et me demanda de répéter. Le supplice !
-Qu’elle a des sentiments pour vous ? Répétais-je timidement.
Il prit une expression que je n’avais jamais vue : il écarquilla les yeux de stupeur. Puis je vis ce que- j’en étais certaine- personne de vivant n’avait jamais du voir : son visage blanc se mit à rosir, ses yeux à fuir mon regard et sa bouche à balbutier. J’en fus gênée pour lui puis très vite, j’étais ravie de cette découverte. Voilà un visage qui ne devait pas être souvent vu !
Comme souvent- ce devait être une habitude- il alla près de la fenêtre, regarda dehors et me tourna le dos. Lorsqu’il se tourna de nouveau, il avait repris son visage impassible et son flegme naturel.
-Roxana, dit-il. Je suppose que madame Caroline vous a demandé de faire parvenir ce message ? J’en parlerai avec elle. Maintenant, pour l’amour de Dieu, reprenons ce cours !
Dieu je vous implore de venir à notre secours. J’allais devenir folle à force d’être entre quatre murs ! La présence de Caïn m’avait aidé à tenir le coup jusque là mais s’en était trop ! Je craquais littéralement. Je voulais sortir ! Au grand air, à la nature ! Courir, sauter, rouler dans l’herbe comme une folle ! S’en était assez !
-Assez ! M’exclamais-je les faisant tous sursauter. Ca ne peut plus durer !
-Lucretia…Tourner en rond ne sert à rien.
-Je déteste être enfermée !
-Comme nous tous, dit Amy.
-Tu ne peux pas comprendre. J’ai l’impression d’être un animal en cage.
-Mais c’est ce que tu es, se moqua Josse. Elle devient maboule.
Je lui lançais un regard courroucé. Oh oui, j’étais capable de l’étrangler !
-Dans tes rêves seulement, ricana-t-il.
Caïn me retient avant que je lui saute dessus. La rage se transforma en pleurs pour en ajouter à leur surprise. Mon mari me réconforta mais j’étais aux prises avec d’anciens souvenirs. Un visage fâché, une punition, un lieu sombre et froid, si étroit qu’on en manque d’air. Je me mis à trembler.
-Lucretia ?
-Elle est malade ? Me parvint une douce voix féminine inquiète.
-Non, elle n’a pas de fièvre. Lucretia ?
- Laisse-moi faire.
Je sentis une piqure douloureuse à la nuque qui me sortit de mes tourments. J’avisais l’endroit autour de moi, il était plus grand et il y avait des gens inquiets. J’étais tout à coup vidée.
-Qu’est ce que tu lui as fait Ginie !?
-Je l’ai juste calmé avec une technique orientale, se défendit-elle.
-Lucretia tout va bien ?
-…Juste un mauvais souvenir… Une ancienne angoisse que j’avais finie par oublier…C’était il y a longtemps.
-Tu veux m’en parler ?
-Mon oncle…était très strict et j’étais très turbulente étant enfant.
-C’est une blague ça, s’étonna Josse.
-Et donc cet oncle…
-Il m’enfermait.
-Ouais c’est comme tout le monde, sourit Josse pour la première fois. Dans ta chambre et pas de dessert !
Je secouais la tête et fermais les yeux.
-Lucretia ? M’appela Ginie. Ce n’était pas ça n’est ce pas ?
-Oui. Le placard, la cave. Le coffre parfois. Le puits aussi mais ça c’était le plus appréciable au moins les rats me tenaient-ils compagnie.
-Quel était le pire ? demanda innocemment Henri.
Le pire…Je n’avais même pas besoin de réfléchir pour qu’il me vienne à l’esprit. Le pire qui soit, le plus étroit, sombre et étouffant… Je n’osais même pas le dire à voix haute tant son souvenir m’étouffait.
-Lucretia ? M’interpella Caïn. Dis le moi mon amour. Je t’en prie.
-Le cercueil.
Il y eut un long silence que Josse brisa :
-Un cercueil ? C’était un vampire ton vieux !? La bonne blague.
-Il était fossoyeur. Il ressemblait beaucoup à M. de Gurvan…En pire.
-Lucretia…me serra tendrement Caïn. C’est fini maintenant.
-Oui c’est du passé. Mais même le passé laisse des traces. Les crises d’anxiété lorsque je suis à huit clos en font partis.
-Il te laissait une heure tout au plus, dit Henri compatissant.
-Une heure…répétais-je amère. Jusqu’à ce qu’on se souvienne que j’existais. N’allez pas répéter ça à Roxana. Je lui ai toujours dit qu’il m’envoyait au chenil avec son chien. Au moins, sa peur pour ces bêtes lui on évité cela.
-C’est vraiment ignoble, dit Amy.
-C’est vous qui êtes ignobles bande de bâtards, dit un garde. Comment on peut relâchez des gens comme vous ! Allez dehors ! Y a le commissaire qui vous attend.
C’est comme un seul homme que nous suivirent ce garde jusqu’à une salle. Etrangement j’avais la tête trop obscurcie pour m’enchanter de notre libération. Dans la salle attendait un vieil homme esclaffé par deux brutes.
-Hippolyte, dit sombrement Henri.
-Cela faisait longtemps Henri, dit le vieil homme. J’espère que votre cellule vous plait car vous allez devoir y rester ainsi que vos sénéchaux. Mademoiselle Lucretia, il semble que vous n’apparteniez pas officiellement à ce groupe, vous êtes donc libre.
-Mais…
- Vas-y mon ange, me dit Caïn. Tu as besoin de sortir plus que nous.
-Pour aller où ?
-Je vais vous prendre sous mon aile, dit Hippolyte. Votre père sera surement soulager de vous savoir hors de cause. En ce qui concerne les autres, leur sort devra encore attendre. Par ici Mademoiselle.
Il m’invita galamment mais j’hésitais. Mon mari me poussa vers lui et je le regardais avec un air de chien battu. Hippolyte prit mon bras et lança une dernière parole à ma moitié :
-Je prendrais soin de votre femme, Caïn Lanoir.
La porte se referma derrière nous et les brutes nous escortèrent dehors.