L'alchimie des sentiments_Partie 1 chapitre 12
plume-scientifique
CHAPITRE 12
Trois semaines. Trois semaines que le roi repoussait nos demandes d’entretient. Nous commencions tous à perdre vraiment patience. Si le roi nous accordait ne serait-ce que cinq minutes, il comprendrait que notre requête était capitale et l’avenir de la France lui semblerait bien peu devant ce complot. Mais rien à faire.
Je tâchais de soutenir le plus possible ma sœur qui entrait en dépression. J’envoyais une lettre tous les deux jours. Vladimir m’avait prévenu que Mark était rentré il y a une semaine ; il avait trouvé le laboratoire et ramené le plus d’ingrédients possibles et d’ouvrages. J’écrivais une énième à Lucretia tandis que François était non loin de moi. La porte s’ouvrit et Père entra, un sourire lumineux sur le visage.
-Roxana ! Dit-il avec enthousiasme. Puis apercevant François : Oh ! Je te parlerai plus tard.
-Non, qu’y-a-t-il ?
Ilse racla la gorge et me jeta un regard entendu. François se leva en vitesse, s’excusa et sortit, ce qui me contraria fortement. A peine eût-il fermé la porte que Père se jeta sur moi.
-Ca y est ! Le roi a signé un ordre de libération et a accorder la création de son ordre d’espionnage, souffla-t-il. Bénit soit ce 25 octobre.
-Quoi ? M’écriais-je.
-Chut ! Il n’a pas rien imposé, je suppose que l’on s’appelle toujours la Noctule. Fais tes bagages, on rentre.
-Le roi a accepté une entrevue et personne ne m’y a convié ?
-C’est tombé sans prévenir alors on a sauté sur l’occasion.
J’étais en rogne de n’avoir pu assister à cet entretient d’autant plus que j’aurais été une privilégiée, j’aurais approché le roi. Et maintenant, Père voulait rentrer alors que j’étais bien ici, près de François. Mais je devais laisser mon intérêt de côté pour l’instant. Je repris ma lettre, annonçant la bonne nouvelle à ma sœur et nos futures retrouvailles à l’Hôtel.
Lucretia arriva quatre jours plus tard, folle de joie. Elle avait hâte de revoir son mari. Mais cela prendrait encore quelques jours et surtout, il fallait que cette libération reste secrète. Et ensuite, tout commencerai…
-Ne vous en faites pas, mademoiselle, me dit la bonne qui m’habillait, me dévisageant à travers le miroir. Il se remettra très vite.
Cyan ? Oui, je n’en doutais pas. Même si la Bastille n’avait pas due être agréable. Je me rappelais encore cet endroit effrayant, des murs noirs, des barreaux noirs, un sol noir. L’odeur suffocante, le bruit des chaînes, les serrures, les portes lourdes griffant le sol. Les cellules humides, sales, la fenêtre minuscule, le verre opaque, le soleil emprisonné.
-Il sera tellement heureux de vous voir.
-Moi ? Ma sœur plutôt.
-Votre sœur ? Dit-elle, incrédule.
-Bien sûr ma sœur, voyons ! Elle est sa femme. Moi, je n’ai aucune attache avec lui.
-Sa…femme ?
-Mais enfin qu’est-ce que vous avez aujourd’hui ?
Tout le monde sait que Lucretia est la femme de…Cyan. Non, personne en dehors de la famille ne connait son nom. Ni où il est. Mais…
-De qui parlez-vous ? M’exclamais-je.
-De Monsieur de Gurvan.
-Comment ?!
-Je pensais…que vous saviez.
J’arrachais ma robe de ses mains et sortit à toute vitesse. Je n’étais même pas correctement habillée. J’ouvris la porte de la bibliothèque : vide. J’allais dans les salons avoisinants : vides. Je passais devant la chambre de mon Père, de mes frères et celle de Madame de Pompadour : vides ! J’allais à la grande salle à manger : vide aussi. « Mais où sont-ils tous à la fin ! » Criais-je, énervée.
-Voulez-vous que je vous conduise, mademoiselle ? Demanda timidement la bonne qui m’avait pourchassée.
-Oui, dépêche-toi !
Elle m’entraîna dans une aile que je ne connaissais pas. Il fallut au moins cinq minutes pour y aller. Elle m’abandonna devant une porte. J’entrais, furibonde. Bien évidemment, tout le monde était là. Ils tournèrent à peine la tête, vérifiant juste qui entrait. J’avais l’impression d’être inutile ou pas suffisamment importante pour être tenue au courant. Mais ma colère fut mise de côté en voyant Monsieur de Gurvan, assis devant eux. Il avait changé, je crois. Son visage avait maigri, ses cheveux blancs prenaient plus de place. Pouvait-on vraiment être en pareil état après seulement trois semaines ?
-Maintenant que mademoiselle de Saint-Germain a terminé d’interrompre mon récit, je vais pouvoir reprendre.
Je respirais un grand coup alors qu’il nous racontait ses souffrances.
-J’ai été isolé pendant des jours sans boire n’y manger avant qu’on me jette armé d’une dague dans une fosse avec les rats. Autant dire qu’ils sont vite passé dans mon estomac.
Je vis la mine de dégout de Roxana et je devais probablement avoir la même sur le visage. Du rat cru ! Peuh !
-Ce n’était que le début. J’ai été isolé à nouveau. Puis on m’a mis avec un détenu. Mais il est vite apparut qu’il n’y avait que peu de nourriture et qu’au final un seul survivra. J’ai donc dû le tuer…
Voilà donc ce que la faim pouvait faire commettre à un homme. Je ne doutais pas que la Pléiade sache l’utiliser à bon escient, et tout à coup le secours apporté par la Noctule me semblait d’un enjeu capital.
-Cela m’a permis d’intégrer la plus basse faction de la Pléiade. Ils ne m’ont donné que le strict minimum et j’ai pu monter en grade en exécutant des traîtres…Ces pauvres hommes, je peux revoir leur visage agonisant…
Il avait des difficultés à parler et je sentais à quel point ce récit l’affectait. Je n’avais jamais vraiment aimé l’homme à cause de ses similitudes avec mon oncle mais il n’avait rien à voir avec lui. Je le comprenais aujourd’hui. M de Gurvan reprit son récit le regard vide et la voix gommé de toutes émotions.
-Le sang coule à flot là-bas. Afin de monter encore, j’ai dû tuer un innocent…L’enfant d’un noble…Il était si jeune ! Mais…Ce n’est pas le plus horrible. J’ai du récupérer son cœur et son sang. Je ne savais pas ce qu’il allait en faire. Puis à midi en face de tous les soldats, ces fanatiques ont commencé un rituel d’initiation : ma cérémonie d’accueil. La cérémonie de la damnation. Ils m’ont tendu un calice de sang en prophétisant que ceci était la force de mon corps puis ils m’ont donné de la viande en me disant que ceci était le cœur de l’adversité. Le sang et le cœur…Celui de l’enfant. Ils me regardaient tous à la fois avec méfiance et joie. J’ai du manger le cœur et boire le sang…C’était horrible !
La nausée me prit soudainement. Ces actes étaient complètements barbares ! Comment pouvait-on tuer un enfant et le dévorer !?
-Je suis…monté en grade. Mais afin d’atteindre les …cavaliers, l’équivalent des sénéchaux, il me reste une dernière chose à faire.
-Quel est cette chose ? demanda Roxana alarmée.
-Je dois tuer une personne que je connais…et exposer son cadavre dans un lieu publique.
-Qui !?
-Caroline.
Un silence. Lourd, pesant. Et terriblement long.
Peut-être aurais-je du avoir mille pensées durant ce silence, comme les autres. Mais non, je ne pensais rien. Vide.
Caroline. Caroline. Caroline…
Je regardais Monsieur de Gurvan, sa mine sombre. Ses traits tirés, ses cheveux blancs. Ses yeux éteints, son dos courbé, ses mains croisées, sa pensée lugubre. Il avait souffert lourdement. Il nous avait sauvegardé du mal, nous, la famille Saint-Germain, des étrangers en somme. Il ruinait son âme, ses nuits, sa conscience…pour qui ? Pour un roi qui ne le dédommagerai jamais assez. Et maintenant, il devrait tuer. Tuer à nouveau. Mais pas un étranger, non. Sa première et plus fidèle élève. Tuer cette femme qui n’avait dans les yeux qu’amour pour lui, qui ne comprendrait pas son acte. Caroline.
Que faire ?
-Si cette tâche vous incombe trop, nous le ferons à votre place, déclara ma jumelle. Nous sommes un ordre, un clan. Nous sommes tous liés et la mission d’un seul est la mission de tous.
Il lui jeta un regard reconnaissant mais lucide. Personne ne broncha. Etais-je donc la seule à envisager autre chose ?
-Est-ce vraiment nécessaire ? Dis-je. Ne peut-on tricher ? Prendre quelqu’un d’autre ?
-Ils savent parfaitement qui elle est, riposta-t-il.
Mes illusions volèrent en éclats. Je baissais la tête honteusement.
-Comment allons-nous procéder ? Rattrapais-je.
-Il faut l’isoler, dit froidement ma sœur.
-Je m’en chargerai, ce ne sera pas difficile, continua de Gurvan.
-Non, trancha ma sœur. Vous avez déjà fait votre part. Il vous faut vous reposez et reprendre des forces. Les premiers membres de la Noctule, Josse et Ginie, s’en chargeront.
-Elle n’approchera jamais d’eux.
Ma sœur me jeta un regard désolé. Et je compris qu’elle comptait sur moi pour servir d’appât. Trahir Caroline. Cette idée me révulsa sur l’instant mais, pensais-je vraiment rester indemne des futurs évènements ? Moi aussi je devais m’impliquer et ce sacrifice serait le premier pas.
L’assemblée décida de régler les détails du complot plus tard et chacun repartis à ses occupations. L’état de Monsieur de Gurvan devait rester aussi discret que possible et il ne pouvait pas bénéficier d’une infirmière. Ma sœur se proposa de lui prodiguer des soins à l’aide de ses connaissances et me demanda de l’assister. J’étais un peu confuse de me charger de lui mais il ne me serait pas venu à l’idée de refuser. Il retira sa redingote noire, puis sa chemise à flanelle blanche. Comme il était maigre ! Ses côtes perçaient presque sa peau. Puis je vis des plaies, des griffures, des bleus un peu partout. Certains cicatrisaient, d’autres étaient à vifs. J’aurais aimé ne pas être aussi indiscrète et gênante mais mes yeux ne se détachaient plus de cette vision. Ma sœur me bouscula- intentionnellement vu le regard que je reçu ensuite- et me rappela à l’ordre.
Il souffrait visiblement de malnutrition et moi j’étais barbouillée. Il y avait beaucoup de bleus et de contusions mais rien de très grave à mon sens. Mark nous aida à inspecter les signes vitaux mais il ne décela aucune maladie contrairement à moi qui avait la nausée. Ce récit d’horreur m’avait encore plus touché. Mon frère sortit à son tour et je demandais à ma sœur de m’assister. Il fallait qu’elle voit la dure réalité des choses mais j’avoue que c’était surtout parce que je n’étais pas très à l’aise avec Monsieur de Gurvan. J’avisais Roxana qui fixait les ecchymoses comme si c’était la fin du monde et lui donna un coup de coude.
-Va demander de l’eau, chercher ma sacoche à herbes et allumer un feu veux-tu ? La priais-je.
Elle acquiesça et en profita pour filer. Je me retrouvais seule avec M de Gurvan, loin de tous je pouvais lui poser des questions plus particulières.
-Avez-vous pu voir ou avoir des informations sur Aimar ? Ces passe-temps ou ce que ses hommes disent de lui ?
-Aimar…Il est très apprécié par ces hommes avec qui il chasse l’homme et le cerf. Mais surtout l’homme. J’ai ouïe dire qu’un chat sauvage lui avait échappé au profit d’un loup et qu’il l’avait très mal pris.
-C’est plutôt mauvais. Ont-ils spécifié une quelconque vengeance ?
-Le loup finirait sur son épée et le chat enchainé à sa volonté. Mais ce ne sont que des animaux, il n’y a rien à craindre.
-Je n’en serais pas si sûre à votre place, déglutis-je. L’un des sénéchaux est surnommé le loup et il se trouve que c’est mon mari et que ses amis se plaisent à me traiter de chat sauvage.
-Dans ce cas vous devriez faire attention. Je doute qu’il s’agisse d’un simple enchainement. La chaine est le symbole de l’esclavage et la domination.
-Je vois parfaitement de quoi il est question. Je me tuerai bien avant qu’il prenne possession de mon corps et de mon esprit.
-Le poison…
-Oui. J’en ai toujours sur moi. Celui réservé à Aimar doit être amélioré mais je vais y travailler sans tarder. Roxana en mets du temps ! Restez là, je vais voir ce qu’elle fait.
-Arf c’est lourd ! s’exclama celle-ci en entrant.
Elle posa le seau et la sacoche à mes pieds et fit le feu. Je priais le blessé de s’en approcher afin de se réchauffer. Je fis infuser de la menthe dans le seau avant de demander à ma sœur de nettoyer les plaies pendant que j’inspectais le contenu de ma sacoche. Ma sagesse m’honorait. Heureusement que je faisais attention à toujours avoir des stocks irréprochables. Je récupérais deux baumes et un gros pot. Je tendis un baume à ma sœur afin qu’elle l’applique sur les bleus et je m’occupais des plaies. J’étalais sur et à l’intérieur des plaies avant d’appliquer le bandage végétal contenu dans le pot. Cette petite pâte durcissait et épousait la forme du corps. Elle aidait à ressouder les bords et empêchait aux plaies de s’ouvrir en gênant au minimum le patient. Il fallait en mettre une fine quantité et cela nécessitait une certaine fréquence de répétitions. Je montrais à ma sœur et Gurvan comment faire et leur donna les fréquences. Je pensais que le récit passé, je me sentirais mieux mais ce ne fut pas le cas. Je quittais donc ma sœur et son maître et gagna les latrines pour rendre mon repas. Je ne mangerai plus de viande avant un moment de peur que ce ne soit de l’homme. Mais j’avais aussi peur du futur. Prisonnière d’Aimar et séparée à jamais de Caïn. Cette perspective m’arracha une nouvelle nausée.
Je sortis et trouva Mark qui m’attendait.
-Tu es bien pâle ma sœur.
-Oui je crois que le récit était trop horrible même pour moi, lui répondis-je.
-Laisse-moi t’examiner, on ne sait jamais.
J’acquiesçais juste pour le rassurer. Il m’examina puis me fixa dans les yeux avec insistance. Il commençait à me faire peur. Il finit par m’énumérer :
-Framboisier, ortie, trèfle rouge, pissenlit, camomille et avoine fleuri.
C’est alors que je compris.
Mais que faisaient Mark et Lucretia ? Ils en mettaient du temps ! Je terminais de bander mon précepteur. La pièce était macabrement silencieuse, seul le bruit presque imperceptible des feuilles froissées perçait. Nous ne croisions pas nos regards et la parole nous était difficile. Je ne savais pas vraiment ce que je pouvais dire ou pas. Si je détournais le sujet, me trouverait-il fille insensible ? Si je reprenais le sujet, le supporterait-il ou voulait-il oublier ? Je soupirais pour manifester mon désarroi. Je vis du sang perler sur son pied.
-Etes-vous blessé à la cheville ?
-Non, c’est leur marque. Ils m’ont tatoué.
Il leva son pantalon. La plaie s’infectait.
-Il faut soigner.
Je pris de l’eau chaude et nettoyait. A l’encre noire, se dessinait deux croissants de lune qui joignaient leur dos. Cela devait être terriblement douloureux.
-Un symbole semblable à celui de la Noctule, dis-je.
-C’est ce que j’ai pensé aussi lorsqu’ils l’ont tatoué.
-Etait-ce…douloureux ? Demandais-je les yeux baissés.
-C’était supportable, répondit-il après un petit silence.
Vraiment ? Ou me ménageait-il ? Je ne savais pas si j’étais prête où non à entendre des horreurs mais je n’étais pas prête à ce qu’on me considère comme une enfant.
-Vous pouvez me dire la vérité, dis-je, irritée. Je ne suis pas en sucre.
Il se tourna vers moi, sourcils froncés.
-Je vous dis la vérité. M’a-t-on jamais accusé de mentir ?
Je m’empourprais.
-Que s’est-il passé ici durant mon absence ?
-Rien de bien particulier, dis-je. Je n’étais pas à l’Hôtel, j’attendais l’audience du roi à Versailles.
« A laquelle on ne me convia pas » Rajoutais-je en moi–même.
-Versailles ? Vous y êtes retourné ?
Il ne semblait pas très content de la nouvelle. Je voulus le rassurer :
-Il ne pouvait rien m’arriver, Père était là et François s’occupait de moi.
-François ?
-Monsieur de la Carrière.
Il n’avait pas l’air de le connaître mais sa pensée semblait profonde.
-Quelle relation avez-vous avec lui ?
Je rougis jusqu’aux oreilles. Quelle était cette question ? Jamais il n’avait été si…indiscret ! Si je ne le connaissais pas aussi rigide, j’aurais été offusquée.
-Je… Eh bien, nous…sommes très proches.
-A quel point lui faites-vous confiance ? Enchaîna-t-il rapidement, sa voix s’élevant un peu.
-Heu…Je ne sais pas, dis-je prise de cours, autant qu’à vous.
Il se leva d’un bond et visiblement mécontent.
-Que lui avez-vous dit ? Avez-vous parlé de la Noctule ?
-Bien sûr que non ! M’emportais-je, me levant à mon tour. Je sais tenir ma parole !
-Sauf aux gens auxquels vous avez confiance. Vous m’avez avoué le secret de votre sœur, qui sait ce que vous diriez à un homme auquel vous avez tout aussi confiance ?
-Ce…Ce n’est pas la même chose ! Vous…Je…Ce n’est pas le même genre de confiance. Je sais très bien quand je peux parler ou non de choses importantes !
J’étais terriblement vexée.
-Et de toute façon, je suis certaine que s’il était dans la confidence, François saurait être des nôtres.
-J’en doute fort !
J’en avais assez. Lui et son attitude. Je partis en le laissant seul, claquant la porte avec fracas.
J’étais dans un premier temps choquée. La surprise laissa place à un sentiment entre la joie et l’appréhension. Comment allais-je annoncer cela aux autres ? C’est en pleine réflexion que je vis ma sœur passer, furieuse, dans le couloir. Il ne pouvait y avoir qu’un seul responsable à son humeur : son tuteur. Je retournais avec celui-ci :
-Puis je savoir ce que vous lui avez dit pour la rendre furieuse ?
-De se méfier de ses sentiments vis-à-vis des autres. Votre sœur pourrait trahir notre secret au nom de l’amour.
-Votre loyauté ne vous fait-elle pas trahir vos protégés ? Vous-même comprenez à quel point cela est difficile et pourtant vous ne l’avez pas épargnez. Dans un sens vous l’aidez à grandir même si cela lui déplait et je vous en suis reconnaissante.
-Est-ce la même personne impertinente et insultante qui est arrivée à Paris il y a quelques mois ?
-Oui. Je vous avais mal jugé. Nous faisons tous des erreurs mais nous n’en mourons pas pour autant. Vous devez être fatigué, pourquoi ne pas vous reposez ? Nous trouverons peut-être une échappatoire lorsque la Noctule sera libre.
-J’en doute fort.
-Ne désespérez pas si vite. Josse a un esprit aussi rusé que tordu. C’est un stratège hors pair, peut-être aurait il une solution ?
-Je préfère ne pas me faire de faux espoirs. Mais vous avez raison sur un point, je devrais me reposer. J’ai besoin d’être seul.
-Je comprends. Je vais vous laisser.
Je quittais la pièce et retourna soulager mon estomac.
En me réveillant en ce matin du 29 octobre, j’étais encore furibonde. J’avais extrêmement mal dormi. En plus de cela, Lucretia avait passé la nuit à aller dans la salle d’eau. Je l’avais surprise entrain de vomir ses tripes et je m’étais occupée d’elle. Elle affirmait se sentir mal et avoir eu un coup de froid mais elle n’avait aucune fièvre. Que cachait-elle encore ?
Je la laissais dans le lit et étais au petit soin pour elle. Même si je vivais mal un nouveau secret.
-Mademoiselle ?
-Oui, répondis-je à un serviteur qui passait la tête par l’ouverture de la porte.
-Quelqu’un vous attend dans la bibliothèque.
-Très bien, merci, répondis-je glacialement.
Je passais un linge humide sur le visage de ma jumelle, la bordait, lui apporta à manger.
-Arrête de t’occuper de moi, ronchonna-t-elle. Va voir qui te demande.
-Monsieur de Gurvan, je présume.
-Tu veux lui faire la tête longtemps ?
-Aussi longtemps que j’en aurais envie.
-Tu es puérile !
-Tu es bien une menteuse !
Elle sembla outrée. Elle allait protester mais finit par se jeter sur la bassine pour vomir à nouveau. Je jetais rageusement le linge sur le lit et me dirigea vers la porte.
-Je suis plus une gamine, Lucretia ! Pourquoi tout le monde me considère comme cela ? Naïve et indigne de confiance ? Je sais très bien ce que signifient tes vomissements.
Je sortis, direction la bibliothèque. J’entrais en trombe, prête à m’énerver, gonflée à bloc. Pouf ! Mon courage disparut immédiatement.
-Ma chère Roxana ! Cela fait longtemps que nous nous ne sommes pas vues.
-Madame…Caroline.
Ces nausées me pourrissaient la vie et ma sœur me détestait ! Une menteuse…C’était vrai mais je voulais l’annoncer à mon mari en premier malheureusement je ne savais pas quand il serait libéré. Roxana se disait naïve mais c’était la vérité. Elle n’avait vu que la partie du monde dans lequel elle vivait et un bref aperçus de l’extérieur. Insuffisant en somme. Le mot sacrifice ne devait pas avoir grand sens pour elle mais cela risquait bientôt de changer et cela m’angoissait un peu. Je savais à quel point certaines actions pouvaient être difficiles et vous hanter la conscience. Le rôle qu’allait jouer ma sœur en faisait partie. Il suffisait juste qu’elle ne voit pas le corps pour préserver sa conscience. Je soupirais avant de vomir. Dieu que c’était énervant ! Il fallait remédier à cela et vite! Une infusion de plantes que j’avais utilisée pour une servante un jour. Elle avait très bien fonctionné. Un mélange savant de gingembre, menthe poivrée et de camomille. Il fallait attendre quelques heures avant de sentir les effets alors j’essayais de dormir un peu en chassant toutes mes préoccupations. Malheureusement la porte grinça et quelqu’un entra. C’était Père.
-Mark m’a dit que tu n’étais pas bien…
-Je lui avais pourtant demandé de se taire.
-Tu cherches toujours à assumer tout toute seule Lucretia. Ce n’est pas une solution. Nous sommes là pour toi malgré toutes tes fautes passées. Dis-moi ce que tu as, ton frère n’a rien dit à ce sujet.
-Je crains de devoir encore vous décevoir Père.
-Tu es une personne courageuse mon enfant. Je sais que tu le diras tôt ou tard mais ne m’inquiète pas plus.
-Très bien. C’est assez délicat…Et bien voyez-vous…Vous allez vous sentir bien vieux d’ici quelques temps.
-Ta vie est-elle en jeu ?
-Ma vie ? Non ! Ce n’est pas cela. Vous…Vous allez être grand-père.
Il était choqué, je le voyais à son expression. Il fronça les sourcils pour réfléchir et ces derniers se rejoignirent encore plus. Il semblait comprendre que je n’avais pas du tout été une personne honorable jusqu’au mariage. Je fermais les yeux et retient mon souffle afin de ne pas pleurer face à son regard déçu et dégoûté.
-Lucretia, soupira-t-il. Pourquoi te crispes-tu ainsi. C’est une bonne nouvelle même si les conditions sont un peu…
-Totalement inconvenable, le repris je.
-Oui mais tu es une personne passionnée…C’est à la fois une qualité et un défaut. J’ai juste longtemps vue cette facette de toi dans la qualité. C’est un peu comme si tu m’étais moitié étrangère. C’est assez inconfortable.
-Oui. Cela l’a été aussi pour moi. J’ai toujours eu voulu vous faire plaisir en agissant correctement alors que j’étouffais sous ce rôle. J’avais peur que vous me détestiez. Mais finalement c’est arrivé et je l’ai surmonté. Il y a eut beaucoup de chagrin mais aussi de joie.
-Aujourd’hui les non-dits sont révélés et nous pouvons avancer ensemble vers plus de joie et moins de chagrin. Il faudra que tu me présentes comme il le faut à ton mari.
-Bien entendu. Vous verrez à quel point c’est un homme aimant et responsable même si je lui force un peu la main je dois l’avouer.
-Nous verrons tout cela, pour l’heure repose toi mon enfant. C’est un moment difficile à passer et seul le repos t’y aidera.
J’acquiesçais et m’endormis sous son regard bienveillant qui, me semblait il, m’avait quitté il y a une éternité.
Madame Caroline, comme à son habitude, était belle et radieuse. Elle portait une robe turquoise et vert d’eau qui mettait son visage, et notamment ses yeux, très en valeur. De très belles azalées parme ornaient sa chevelure et signalaient la richesse de son statut.
-Allez-vous bien ?
Je me ressaisie et offrit un sourire. Je ne devais rien laisser transparaître de mon inquiétude, mais je ne pouvais contenir ma surprise.
-Ca alors ! Madame Caroline. Trop de temps a passé depuis notre dernière rencontre. Quel bon vent vous amène ?
-Je m’ennuyais de nos après-midi.
-Hélas, le temps est fort médiocre aujourd’hui, dis-je en regardant le ciel presque noir.
-Qu’importe, nous discuterons ici. A moins que vous n’ayez cours ?
-Non. Je ne suis plus de cours en ce moment.
-Pourquoi donc ? Demanda-t-elle surprise en s’asseyant dans l’un des fauteuils de la bibliothèque.
-Nous avons eu une discorde.
Elle éclata de rire. Mais je ne voyais pas ce qui pouvait être amusant.
-Vous aussi ? Je vois qu’Edouard ne peut lutter contre son caractère.
Ainsi donc, voilà pourquoi elle était à ce point en rogne lorsque je l’avais rencontré la dernière fois. Je me demande quelle était la teneur de cette dispute. Lui avait-elle avoué des sentiments ? L’avait-il repoussé ?
-Vous semblez bien soucieuse, Roxana.
-J’ai la tête trop remplie.
-Des tracas ?
-Ma sœur est enceinte, soupirais-je.
-Déjà ! S’exclama-t-elle, les yeux écarquillés. Mais enfin, réfléchissait-elle, cela fait quoi ? Deux mois à peine qu’elle a quitté le giron familial.
-Je sais.
-Et de combien est-elle grosse ?
-Aucune idée. Elle vomit toutes les minutes.
-Est-il hors mariage ? S’enquit-elle d’un air très curieux, prête à récupérer un bon scandale pour la Cour.
J’hésitais. Pouvais-je répondre sans craindre de semer la honte sur ma famille ? Que ma sœur soit humiliée, peu importe, c’était ses propres actes ; mais les hommes ne méritaient pas les railleries.
-Aucune idée, répétais-je en demi-vérité.
-Mettez-moi au courant lorsque vous saurez.
-Quoi de croustillant à la Cour ? Préférais-je demander.
-Beaucoup de choses ! On jase sur l’incompétence du roi à gouverner et sur la mauvaise tournure que prend la guerre. On perd du territoire. Sans compter que la Du Barry est toujours dans les parages, cette catin. Elle est d’un vulgaire en plus. Aucune robe ne lui sied, elle mange tant et plus qu’elle gonfle comme un ballon.
Madame Caroline se délectait de me raconter les ragots de Versailles. Je voyais ces jolis yeux bleus pétiller et je les imaginais éteints et vide, glacés par la mort. Je voyais son cou gracile et son décolleté de lait, battant le rythme de sa discussion, tâché de rouge. Je la voyais si vivante, animée, enthousiaste, souriante ; puis j’imaginais son cadavre gisant devant moi, ses cheveux lâches sur le sol, une princesse endormie, ce crime contre la beauté. Puis la barbarie de la Pléiade, exhibant son être comme une chose non importante, comme une poupée de chiffon, la rage au corps, excités par le sang, animés par la mort, appelant à la rébellion, à la sauvagerie.
Caroline se tut. Je gardais le regard dans le vague, n’ayant pas la moindre idée de ce qu’elle avait pu dire, ni même si elle venait de poser une question et qu’elle attendait que je lui réponde. Elle se leva et me dit : « Attendez, je vais vous trouvez ça ». Elle se mit à fouiller dans la bibliothèque. Je n’avais cure de ce qu’elle voulait me montrer mais je me retins de lui conseiller de ne pas s’embêter à chercher ce qu’elle voulait me trouver. « Ah ! Ce doit être la dedans ». Elle s’installa à la table et ce mit à feuilleter. Lasse d’être assise, je me levais à mon tour et je vis sur le bureau de Monsieur de Gurvan un coupe-papier. Je m’en approchais, attirée je ne sais pourquoi. Une jolie lame d’argent, bien effilée, que je sentais coupante sous mes doigts qui la caressait. Le manche était bien poli, noir, en ébène, à l’effigie du précepteur. Je pris le coupe-papier en main, il était un peu lourd, je le soupesais, fascinée. Je voyais mon reflet troublé dans la lame, mélange de tâches rousse, blanche et verte. Je serrais fortement le manche, glissa mon pouce sur la lame. J’entendais le froissement des feuilles, le pissement du tissu. « Venez Roxana ! J’ai trouvé ce que je cherchais ». Je me dirigeais vers madame Caroline, le coupe-papier caché dans mon dos. Je me plaçais derrière elle, mes yeux voyant par-dessus son épaule. Ma main était juste à la portée de sa gorge. Elle était seule et en position de faiblesse, n’était-ce pas l’occasion idéale ? J’attendrai qu’elle se tourne vers moi et je n’aurai qu’à enfoncer la lame.
La porte grinça et d’un même mouvement, nous tournâmes la tête en direction du bruit. Vladimir semblait figé sur le pas de la porte, un livre en main. Puis après quelques secondes, il arbora un grand sourire qui semblait forcé et feignit l’intérêt en venant vers nous : « Qu’est-ce que vous regardez avec tant d’attention, mesdames ? ». Il se plaça à côté de moi, regardant par-dessus l’autre épaule. Tandis que madame Caroline démarrait un monologue, je sentis la main de mon frère frôler la mienne. Nos regards étaient fixés sur ces pages inintéressantes mais nos esprits portés l’un sur l’autre. Il tira sur la lame du coupe-papier mais je resserrais mon étreinte. Il força sa prise, quitte à se saigner, et je finis par lâcher. Mon frère proposa à madame Caroline de la raccompagner jusqu’au fiacre et elle accepta. Il ne laissa même pas le coupe-papier dans la bibliothèque en partant.
Une bonne nuit de sommeil grâce à une tisane apaisante m’avait rendu forme et humeur. Mais c’était uniquement lorsque le breuvage agissait aussi en pris-je dès le matin, moment le plus affreux de la journée. Je sirotais tranquillement en écoutant les inquiétudes de Vlad. Roxana avait failli tuer Caroline c’est ce qu’il pensait. Pour ma part, je pensais juste que les évènements avait fait ressortir ses bas instincts et qu’ils l’avaient contrôlé sans qu’elle s’en rende compte. Elle devait être très perturbée aussi décidais-je d’aller lui en parler. Je la trouvais dans le salon et la prit à part.
-Vladimir m’a raconté pour hier, lui dis-je. Peux-tu m’éclairer à ce sujet ?
Elle semblait hésiter mais finalement elle finit par céder :
-J’ai juste pensé qu’elle serait bientôt morte. Elle qui est si vive et belle. Je me suis juste imaginé la barbarie de la scène et … J’ai vu le coupe-papier et cela m’a fascinée. Ca aurait été si facile de la tuer Lucretia ! Si simple…
-Oui je sais. Il est plus facile d’ôter une vie que de la sauver. Mais tu dois comprendre que ce n’est pas là ton rôle Roxana. C’est celui de Monsieur de Gurvan.
-Mais il a tellement souffert ! Regarde-le ! Ce n’est plus que l’ombre de lui-même. Si je peux le soulager ne serait-ce qu’un peu de son fardeau.
-Tu ne deviendrais à ton tour que ta propre ombre. Qui dit que tu ne tomberas pas dans la barbarie de la Pléiade ? Tueras-tu encore et encore sans pouvoir t’arrêter en gardant ta fascination ? La fascination a toujours été une attraction dangereuse Roxana.
-Tu ne sais rien de ce que tu dis !
-Si je le sais. Souviens-toi. Je fabrique des poisons et je les teste sur des animaux en vue de tuer un homme. Si ses pensées te tourmente alors imagine le visage de Caroline surprit de douleur. La trahison et la confusion dans ses yeux. Une fois que l’on tue un homme il n’y a aucun retour en arrière possible. Pense donc un peu à ton bel ami. Crois tu qu’il ne verrait pas le changement en toi ? Ne l’effrayeras-tu pas ? Laisse donc leur rôle à ceux qui doivent jouer. Le tien viendra bien assez tôt crois moi. Il te faudra alors l’accepter avec toutes les conséquences et Dieu sait qu’elles seront toujours lourdes à porter. Nous te surprotégeons beaucoup ma sœur parce que nous avons peur que tu ne répètes nos erreurs. J’aimerais pour toi une vie normale mais les choses en sont autrement. C’est pourquoi j’essaie de détourner le plus la fatalité des évènements de toi. Tu peux m’en vouloir mais je ne veux pas te perdre. Ton esprit doit être protégé. Je vais devoir retourner en haut mes nausées se sont calmées mais je ne souhaite pas tenter le diable.
-Combien cela fait il ?
-Pardon ?
-Combien de temps cela fait il que tu es enceinte ?
-Les nausées commencent à la sixième semaine. Je t’aime ma sœur, finis-je en l’embrassa sur la joue avant de regagner mon antre et ma tisane froide.
Installé dans le salon de chasse, tout d’émeraude et de tapisseries vêtu, je tenais ouvert mon livre dans mes mains. Je devais bien avoir relu ma page au moins deux fois et pourtant, je ne savais toujours pas ce qu’elle disait. François me manquait terriblement et il n’était pas encore venu me rendre visite. Je soupirais et ma sœur me jeta un regard lassé. « Arrête de soupirer !
-J’ai plus le droit de soupirer maintenant ? M’emportais-je.
-Ca fait une heure que tu soupires comme une âme en peine, c’est agaçant.
-Je suis une âme en peine.
-Moi aussi mais je ne fais pas de bruit.
Sa remarque m’agaça. A fleur de peau et languissante, je sentais que je pouvais m’énerver pour rien.
-Pas de bruit, dis-tu ? Laisse-moi rire !
Elle en eut assez et s’en alla. Je soupirais encore et jetait mon livre sur la table. Enlevant mes chaussures et relevant mes jupons, je m’installais en boule sur le fauteuil. Hier, Vladimir et Lucretia n’avait pas aimé l’idée que je puisse tuer madame Caroline. C’est pas que j’ai des envies de meurtres, je crois d’ailleurs que n’aurais pas pu faire l’acte, mais je voulais les aider tous, aider Monsieur de Gurvan.
J’entendis du mouvement dans le couloir, puis des voix se rapprochant, passant devant la porte puis s’éloignant. Je reconnus les prisonniers de la Noctule. C’est ma jumelle qui allait être ravie. Je regardais au-dehors, l’esprit un peu vide, songeant par moment à François, à ce que nous pourrions faire la prochaine fois. Je me fichais bien de ne pas être présente aux retrouvailles. Qui se souciait que je sois présente ou non ? A vrai dire, il serait même plus gênant que je sois là : Henri vivrait mal ma présence, ma famille serait sans cesse sur le qui-vive, à vérifier que rien ne pourrait me troubler, à peser leurs mots. Détestables en somme. Je ne fis même pas mon apparition au repas, je n’en avais pas envie. On me servit un plateau dans le salon : pain chaud, potage aux asperges et au lard, cailles rôties, chou sauce blanche et tarte au citron. J’allais me coucher de suite, comme un fantôme.
Entendre soupirer ma sœur à longueur de journée ! C’était aussi agaçant que le manque que j’éprouvais loin de ma moitié et voilà que ma souffrance était titillée par ma propre sœur. Je quittais la pièce irritée. Et ça n’avait rien à voir avec la grossesse !
-Lucretia vient donc par ici, m’ordonna Mark.
Je me tournais vers lui avec un regard peu gentil.
-Ca va te plaire, ajouta-t-il.
Je lâchais un gros soupir et le suivit. Le poison était prêt et je n’avais pas envie d’avoir à examiner une plante inconnue ces derniers temps. Mark ouvrit la porte et je poussais une exclamation de joie et me précipita sur ce qui la provoqua. Comme il était bon de sentir les bras de son homme ! Par contre on ne pouvait pas dire qu’il sentait très bon. Leurs conditions de détentions avaient-elles rechutées ? Je lui lançais un regard interrogateur et il m’embrassa.
-Chaque chose en son temps ne t’inquiète pas.
-Elle n’a plus le droit de s’inquiéter, dit Mark. Beau frère, nous nous rencontrons enfin.
-Oui. C’est un honneur même si les circonstances n’ont jamais été des plus favorables. Je vous remercie de nous avoir sortit de là.
-Sortit !? S’exclama Josse acerbe. Acheté oui. C’est bien parce que tu as une femme et qu’on a une demoiselle délicate que j’ai accepté.
-C’est pas de moi que tu parle j’espère ? dit Ginie.
-Malgré ses airs de méchant Josse est un gentleman, révéla Henri.
-Où t’as vu que j’étais gentil ? Dis lui Amy.
-Veuillez l’excuser c’est un grossier personnage, s’excusa cette dernière. Ne devrions-nous pas discuter espionnage ?
-Assassinat serait le bon mot, maugréa Monsieur de Gurvan.
-Assassinat ? releva mon époux. Que s’est il passé au juste ?
Nous leur racontèrent comment nous les avions fait libérer, la tâche qui incombait à Monsieur de Gurvan, son infiltration et son initiation à faire.
-Vous avez bien joué pour un vieux crouton, dit Josse.
-Josse ! s’exclama Henri.
-Merci, dit de Gurvan. Reste une dernière chose à faire.
-Oui, reprit Josse. Ce ne devrait pas être si difficile.
-C’est comme si tu tuais ta sœur, lui dis-je.
-Ce n’est pas un problème.
-Menteur !
-Il le ferait sans hésiter, confirma Ginie. Et la réciproque est vraie.
-Les femmes ont toujours tendance à planter des couteaux dans le dos mais toi encore plus que les autres, ricana Josse. Donc c’est qui cette noble ?
-Mlle Caroline, dit Monsieur Gurvan.
-Caroline ? demanda Amy. Caroline d’Eymet ?
-Elle-même. Vous la connaissez?
-C’est une amie si l’on peut dire. Informatrice serait plus approprié bien qu’à ses dépends. Caroline est une mine d’information à elle toute seule et compte de nombreuses amies. La perdre nous couperait tout un réseau d’informations.
-Le choix n’était donc pas si anodin que cela, commenta Henri.
-Josse va trouver une arnaque, affirmais-je confiante.
-On n’arnaque pas la Pléiade, dit ce dernier.
-Sauf si on est le serpent le plus intelligent et rusé de France.
-Le chaton me donne bien de l’importance. Je vais réfléchir à un stratagème.
-Je suppose que nous en resterons là pour aujourd’hui, conclut Mark.
-Non il reste une dernière chose à dire, dis-je ravie.
-Effectivement ma très chère sœur.
-Une bonne nouvelle ? supposa Amy.
-Je suis enceinte.
Josse fit un commentaire désobligeant comme à son habitude alors que les autres nous félicitèrent. La joie l’emporta sur les sombres préoccupations et je présentais enfin mon époux à ma famille. Leur réticence était encore présente surtout celle de Vladimir mais il supportait l’affront avec courage. Finalement lorsque le repas fut achevé et mon mari lavé, nous nous glissâmes sous les draps pour baigner dans de douces étreintes et de doux baisers avant de dormir ensemble, enfin réunis en cette froide nuit du 31 octobre 1760.