L'alchimie des sentiments_Partie 2 chapitre 17
plume-scientifique
CHAPITRE 17
Je me réveillais le cœur léger, Lucretia endormie près de moi. Je la contemplais dans son sommeil et sentit mon cœur se serrer. Je l’aimais. Je ne m’en rendais compte que bien trop tard. Elle ouvrit les yeux et plongea son regard fauve dans les miens. Ses yeux m’attirèrent irrésistiblement et nos lèvres se joignirent avec douceur. Nos langues se tâtèrent avec timidité avant d’effectuer un balai ancien et langoureux. Mes mains glissèrent le long de ses courbes familières rudoyées par les mauvais traitements. J’explorais ce corps familier et changeant avec minutie. Il me rendit de belles réactions et de bas gémissements. Lucretia agrippa ma chemise avant de passer ses mains en dessous pour finir par retirer nos vêtements. Qu’il était bon de sentir à nouveau sa peau contre la mienne. Tout se déroula en lenteur et en douceur si bien qu’elle me pressa d’en finir. Je m’exécutais et m’arrêta lorsqu’elle se braqua alors que j’approchais de son intimité. Les souvenirs corporels laissés par Aimar étaient persistants. Je la fis se détendre en prenant nos maux en patience et lorsqu’elle fut prête à n’en plus pouvoir je glissais en elle. Le plaisir nous inonda pour nous laisser à la fin étrangement bien. Lucretia finit par se lever afin de préparer un encas pendant que je me rhabillais et patientait assis devant la table du salon. Mes bas instincts étaient repus et mon ventre le serait bientôt. Je surveillais Lucretia jusqu’à ce que mon esprit dérive. Et si Aimar la récupérait ? Une angoisse diffuse passa en moi. Aimar devenait fou et l’idée de prendre sa place ne me paraissait tout à coup plus aussi insensée. Dès que quelque chose allait de travers il s’énervait et punissait pour un rien ses hommes. Brûler l’orphelinat et instaurer le carnage étaient un bon exemple. Il punissait la trahison de Grâce par le sang du peuple qu’il devait défendre. Pure folie. Lucretia me tira de mes pensées avec une assiette de pain au fromage fondu. Il fallait dire que je n’avais pas grand vivre en stock et j’en eus honte mais cela ne nous empêcha pas de manger avec appétit. Je lui jetais un coup et me rassura qu’elle avait meilleure mine. Elle me servit à boire et j’engloutis en toute confiance le verre après la dernière bouchée. On frappa alors à la porte et un homme inconnu entra sans permission :
-Aimar vous demande Cyan. Je vais vous menez à lui.
-Très bien. Attends-moi dehors le temps que j’enfile plus que cette chemise que j’ai sur le dos.
Il acquiesça et sortit. Je me rendis dans ma chambre et pris une vieille veste ainsi que mes armes avant de m’arrêter dans le salon. Lucretia semblait inquiète et elle avait toutes les raisons de l’être. Aimar pouvait être revenu sur ses propos et cet homme qui attendait me rendait méfiant. Jamais avant on ne m’avait envoyé une jeune escorte. Prudence est mère de sureté. Je tendis une dague à Lucretia :
-Prends là. Si jamais tu dois te défendre utilise là. Assure-toi de rester en vie.
Elle acquiesça surprise avant de prendre l’arme et de la faire disparaitre son le tissus. Je la quittais alors et sortit. L’inconnu m’attendait effectivement. Il acquiesça et ouvrit la marche vers notre destination.
Mon guide quitta bien vite les tunnels principaux pour les secondaires. Il me menait vers le secteur de fabrication. C’est là que l’on fabriquait tous les objets qui servaient à la cause loin au calme de l’excitation des actions de la Pléiade. Il s’arrêta finalement devant une porte.
-C’est ici. Je vous laisse.
Il ouvrit la porte et s’en retourna. J’entrais avec prudence, et bien m’en fus ! La porte se rabattit brusquement me laissant juste le temps d’entrer sans me coincer un membre entre elle et l’embrasure. Je me jetais à l’intérieur et une hache s’abattit à l’endroit où je me trouvais un instant plus tôt et l’impact résonna au contact de la pierre. Un grognement s’éleva et j’avisais mon adversaire : York… Il se remit vite de son échec et chargea. J’esquivais et lui lançais une céramique à la tête. Le sang coula et cela m’octroya une brève distraction. Je devais le tuer mais il me fallait un plan et vite ! York était plus fort et plus grand mais j’étais plus rusé, habile et rapide. J’avisais rapidement la pièce, une forge, tout en le surveillant et une issue se dessina dans ma tête.
-Qu’est ce que tu fais sombre crétin !? M’exhortais-je. On est dans le même camp !
-Hurf ! Meurs bâtard !
J’esquivais la hache et sa hache se planta dans la jonction entre deux pierres près du feu ardent. Je renversais le métal en fusion dans sa direction. Ce dernier entoura la lame et je lui envoyais un sceau d’eau ce qui la figea définitivement dans le sol. York tira sur la hache en vain pendant que je glissais sur le coté et lui tranchais la cervelle.
-Aimar, murmura-t-il avant de s’écrouler.
Je regardais cet imbécile sans vie avec son sourire figé sur le visage. Je gagnais la porte et tira le bâtant. Elle refusa de s’ouvrir. Je forçais dessus en vain. Qu’est ce qui n’allait pas avec cette porte !? Je pris ma dague afin de tester les gonds. Ils étaient rouillés et difficiles à faire sauter dans cet état. Je me tournais vers l’âtre en quête d’un outil approprié. Du métal en fusion et un marteau. Je pris un peu de métal dans un gobelet en fer chaud et le fit couler sur un gond. Une giflée me brûla le bras au passage tendit que j’abattais le marteau sur le métal fragilisé, m’arrachant un cri.
-Cyan pousse toi ! Hurla quelqu’un.
Je m’exécutais et la porte fut défoncée et tomba lourdement sur le sol. Gram et ses hommes se tenaient de l’autre coté. Il avisa le corps de York.
-Aimar lui a donné l’ordre de t’éliminer, dit-il.
-Aimar !? M’étonnais-je à moitié.
-Il est devenu fou. Il nous a même vendu au Roi, c’est la panique générale ici. Il faut fuir Cyan !
-Lucretia !
Je m’élançais en ignorant les protestations de Gram. Aimar ne laisserait pas Lucretia vivre. J’entrais en panique dans mes appartements et les trouva dans le salon. La dague d’Aimar pointait vers Lucretia qui se trouvait de l’autre coté de la table, désarmée.
-Aimar ! L’appelais-je.
Il se tourna vers moi, mauvais.
-Cyan sale traître ! Tu m’as trompé ! Je vais tous vous tuer ! Toi, elle, Mère, Gram et tous les autres qui vous opposez à moi ! Vous allez tous mou…
Son dernier mot s’étrangla dans sa gorge ouverte et sanglante. Il s’effondra sur le sol choqué. Lucretia se jeta sur lui et le poignarda avec acharnement :
-Ca c’est pour ma sœur !
-Ca suffit il est mort, lui dis-je au bout de quelques minutes.
Lucretia se releva essoufflée et me fixa. Elle ouvrit de grands yeux avant de crier mon nom. Je fis volte-face et dévia la lame qui cherchait ma gorge. Quelle fut ma surprise lorsque je vis ce regard haineux et que je reconnus finalement la personne à qui il appartenait :
-Josse…
-Cyan…murmura-t-il menaçant. Tu vas payer pour Amy !
Josse, mon pire adversaire et le meilleur. Celui qui me connaissait le mieux. Un combat épique de ruse et d’adresse. Oui, Josse me connaissait bien mais pas totalement. En jouant double jeu, j’avais caché mes vraies faiblesses et tissé des fausses. Cela me conférait un avantage. De plus, l’impétuosité de Josse le causait toujours à sa perte. Il me suffisait de le provoquer. Ainsi je déversais le venin dans mes mots mais il ne sembla pas l’atteindre. Au contraire, cela le rendait plus fort et je commençais à faiblir. La lame rafla ma gorge et je perdis pied de surprise. Lucretia s’interposa alors entre nous et lui planta sa dague dans le cœur. Josse en fut aussi abasourdi que moi.
-Pourquoi ? murmura-t-il.
-Va rejoindre Amy et ta sœur mon ami. Tu en as assez fait pour ce monde cruel.
Il s’affaissa et elle me dévisagea indécise :
-Où est la sortie ?
-Lucretia ! S’exclama de Gurvan sortit de nulle part. Cyan !
Son ton était bien moins gentil à mon égard. Je me relevais et fixa Lucretia :
-Pars avec lui.
-Cyan ? M’appela-t-elle confuse.
-Filez avant qu’ils vous attrapent!
Lucretia hésita mais de Gurvan l’empoigna loin de moi. C’était la seule chose que je pouvais faire pour elle, lui rendre sa liberté. Et maintenant je devais sauver ma peau. Je glissais dans le couloir et prit la sortie de secours avant que l’armée ne me prenne dans ses filets. La lutte continuait.
Mère me dévisageait comme à son habitude. Voilà un mois que le QG et la plupart d’entre nous avions été pris. La Pléiade était morte mais de ses cendres était née une nouvelle organisation : l’Egalité. La porte s’ouvrit sur notre joyeux luron :
-Yo mes prédateurs en herbe ! La nouvelle base est opérationnelle et les hommes sont ravis d’être parmi nous.
-Ils sont tout simplement stupides Gram, lâcha Mère. Quand je pense que c’est la stupidité d’Aimar qui nous a affaiblis… Il faut tout recommencer.
-Ce n’est pas plus mal, argumentais-je. La Pléiade a une mauvaise réputation depuis le carnage. Un nouveau nom et des actions réfléchies et tempérées seront nos meilleures bases. Ils sont motivés ?
-A qui le dis-tu ! S’exclama Gram. Tu es leur idole.
-Qu’ils s’exhortent contre les nobles ! S’énerva Mère.
-C’est aussi une des choses qui doit changer. La haine ne mène qu’à la destruction.
-Cette sorcière vous a tous les deux séduit.
-La discrimination ne mène nulle part. Notre haine ne fait que nous entraver. Elle nous empêche d’utiliser les nobles à bon escient. Un noble samaritain peut s’avérer être une bonne source de revenu et un canal de dispersion de nos idées. Celle-ci commence déjà à germer.
-Avec cette politique tu vas surtout t’endormir.
-Nous devons d’abord recruter et consolider notre position avant de rentrer dans la bataille. Toute bonne guerre se prépare. Endoctrinons d’abord nos hommes en nous appuyant sur le religieux. Il nous aime tous, Il ne fait pas de différence dans son amour, pourquoi en serait-il ici bas ? Insufflons cette vie inégalitaire entre les français comme une aberration. Une injustice et dénonçons les vices d’argent et de luxe commis là haut. Des histoires d’abus et d’histoires d’argent sale il y en a de toutes parts.
-…Fait comme tu veux du moment que j’atteins mon but !
-D’ici là tu seras macchabée, dit Gram avec humour.
-Gram ! Le foudroya-t-elle.
-Il faudra bien trente ans, confirmais-je.
-Je tiendrais jusque là. Je vous laisse je dois forger de nouveaux outils.
Elle s’en fut et Gram et moi nous dévisageâmes. Nous pensions tous les deux qu’elle passerait l’arme à gauche bien avant. La tâche était titanesque mais poser les bonnes bases étaient primordiales et je me devais de me focaliser là-dessus. Gram s’assit avec nonchalance et m’apprit :
-Ta femme va quitter Paris.
-Qu’il en soit ainsi, lui dis-je solennellement.
-Tu ne vas pas la voir avant ?
Je le fixais en m’étonnant d’être d’aussi indécis. Mais c’était souvent le cas quand cela la concernait.
-Va la voir où tu le regretteras, me dit Gram avec sérieux. Elle traine souvent seule en début de nuit dans les jardins de Pompadour.
-Détraqué, l’insultais-je. Miranda devrait te tuer.
-Ahahahah ! Elle m’adore trop pour ça et n’a pas un caractère aussi bien trempé que ta femme. Le soleil se couche tu devrais pouvoir arriver à temps.
Il avait raison. Je me devais de lui faire face une dernière fois. Je pris une veste et un chapeau et me lança dans les rues de Paris.
J’errais dans le jardin des Tuileries avec mon hésitation. Finalement, je pris mon courage et pénétra dans le domaine de Pompadour avec furtivité. Je trouvai Lucretia assise sur un banc en train de contempler la lune. Je me glissais derrière l’arbre le plus proche et la salua :
-Bonsoir Lucretia.
Elle sursauta pour finalement chuchoter :
-Cyan ? Que fais-tu ici !? Je te croyais mort !
-Je suis toujours là. J’ai ouïe dire que tu rentrais chez toi. Je suis venue te voir avant ton départ.
-C’est…gentil…Mais qu’attends tu de moi ?
-Rien. Je suis juste venu te voir une dernière fois. Je ne demande ni ton pardon ni ton affection. Mais je souhaite tout de même m’excuser pour toutes ces épreuves. Je garderais précieusement en mémoire nos souvenirs de couple. J’espère qu’ils ne te hanteront pas jusqu’à Chambord.
-Je ne rentre pas à Chambord. Je retourne en Allemagne. Nous ne nous reverrons plus.
Cette nouvelle me choqua mais Lucretia se leva comme si de rien n’était :
-Je t’aimais vraiment.
-Je t’aime à présent.
-Comme c’est dommage, finit-elle tristement avant de s’en aller. Au revoir.
Je restais figé sur place. Elle m’abandonnait et je ne pouvais même pas la retenir de peur d’agir comme Aimar. Mais à quoi m’attendais-je d’autre ? Pourquoi étais je si déçu et peiné ? La dernière chose que je pus faire dans cet état fut de la regarder partir avant de me glisser dans les ténèbres et de disparaitre à jamais de la face lumineuse de l’histoire.
Je vis la silhouette de Lucretia revenir tandis que Cyan restait stoïque. Je ne distinguais rien sinon leurs ombres. C’était une bien triste finalité. Se quitter en s’aimant de la sorte. Elle avait traversé bien des épreuves, plus cruelles les unes que les autres et voilà qu’elle affrontait ce qu’il y avait de pire.
Grâce à Mark, dont nous pensions qu’il avait totalement nié la situation, avait surgit au moment critique et renversé les évènements. Alors que la Pléiade nous étranglait, que la Noctule disparaissait, la garde du roi jetait ses filets. Lorsque le cadavre du traître à la France, Aimar, avait paru aux yeux de tous- et notamment du roi- la paix était revenue et avec elle, mon espoir que Lucretia vivrait une seconde naissance. Mais il n’en était rien.
-Va la voir, chuchota Edouard pour ne pas réveiller Barthélémy.
Notre petit n’arrivait plus à dormir sans nous mais dans ce lit, il était aussi heureux qu’un ange endormi. J’acquiesçais et l’embrassais avant de sortir, cet échange me prodiguant la force nécessaire.
L’Hôtel était silencieux et je me glissais comme un fantôme dans les couloirs. En haut de l’escalier, j’attendis qu’elle me voie. Une fois fait, sans un mot, comme si tout était parfaitement évident, nous marchâmes côte à côte, en direction d’un salon. Dans la pénombre, uniquement éclairé par la lune, nous nous installâmes sur un canapé, face aux baies vitrées. L’éclairage blafard mettait atrocement nos douleurs, nos souffrances en relief. Son regard éteint, dans le vague, la cicatrice sur sa joue jusqu’à la lèvre, la rendait vide, comme un corps vidé d’une âme. Je crois qu’elle sentit mon pincement de cœur car elle saisit ma main et la pressa.
-Que de changements en si peu de temps, dit-elle.
-Ce ne fut qu’un an mais l’année la plus vive de notre existence.
-Il y aura eu du mauvais, mais aussi du bon.
J’acquiesçais en silence.
-Père a fuis en réalité, dit-elle d’un ton monotone.
-Oui. Je l’ai su ce matin.
-Je ne peux pas vraiment lui en vouloir. Je ne t’en veux pas non plus.
-Moi je m’en veux.
-Tu ne dois pas. Tu m’as tout expliqué. Aimar t’a utilisé, il a pris son plaisir à travers toi. Ta soumission même indirecte lui plaisait.
-Mais cette fille…
-Tu as honoré son nom. Tu as vécu pour elle.
-J’aimerai y croire.
-Tu t’en remettras.
-Si Edouard n’avait pas tout découvert, le secret serait mort avec Emeline et Aimar.
-Nous ne pouvions, nous ne pourrons jamais vivre l’une sans l’autre. Il n’y a pas de Lucretia sans Roxana et de Roxana sans Lucretia. Tu serais revenue vers moi.
-Roxana…répétais-je lentement. C’est si étrange d’entendre à nouveau mon prénom. D’être à nouveau moi-même. D’être en vie.
Main dans la main, liées à jamais, ma sœur et moi restèrent ainsi, unies dans le silence, unies dans la souffrance jusqu’à ce que le soleil se lève sur l’aube de nos nouvelles vies.