L'alchimie des sentiments_Partie 2 Epilogue
plume-scientifique
EPILOGUE
Huit ans plus tard…
Huit ans déjà que je n’avais revu Lucretia et pourtant elle restait à jamais dans mon cœur et mes pensées. Mais son absence m’avait grandement aidé dans la cause. Cependant aujourd’hui, malgré tous mes efforts, Mère gisait sur son lit, mourante, tandis que Paris saignait encore.
-Cyan, souffla-t-elle.
-Je suis là, lui dis je doucement en lui prenant la main.
-Je lâche si loin de l’avènement du peuple…
-Nous devons tous mourir un jour.
-Oui… N’as-tu jamais eu de regrets ?
-Bien entendu que j’en ai. Mais je dois penser à mon peuple avant tout. Et vous Mère, en avez-vous ?
-Aimar…Je n’ai pas été une bonne mère pour lui…et encore moins une bonne âme pour toi…Tu as sacrifié ta vie et tes sentiments pour la cause.
-Je l’ai fait en toute conscience.
-Ton cœur en saigne toujours. C’est si triste. Tu l’aimes encore n’est ce pas ?
Mon silence fut sa seule réponse.
-Sur la table, murmura-t-elle. Je l’ai retrouvé pour toi. Vas la voir…
-Mère… Vous n’avez pas à vous faire pardonner pour quoi que se soit.
-S’il te plait…Exauce le dernier souhait d’une vieille dame.
Je soupirais mais finis par abdiquer et prit le papier.
-Bien, fais un bon voyage, murmura-t-elle avant de fermer les yeux pour toujours.
-Bon voyage à vous aussi Mère.
Sa main retomba inerte sur le lit. Elle avait passé l’arme à gauche avant de voir son rêve réalisé. Mais je pouvais encore accomplir ses volontés. J’ouvris le papier. Une carte et une adresse ainsi que quelques informations sur Lucretia. Je soupirais devant la note laissée par Mère. Elle avait déjà préparé mon expédition. Je me levais afin de donner le commandement à Gram et d’établir les choses importantes à faire durant mon absence. Ensuite seulement je pris la route de l’Allemagne.
Blumberg en Bavière. J’avisais la maison isolé en périphérie de la ville. C’était une grande bâtisse d’un étage qui pouvait accueillir au moins trois familles. Caché dans la forêt j’observais. C’était calme. Un mouvement attira mon attention et je me retournais. C’était Lucretia. Elle n’avait pas changé malgré les ans passés.
-Cyan ! S’étonna-t-elle.
-Lucretia…
Je l’étreignis sans crier gare. Qu’elle m’avait manqué ! Elle trembla et je reculais. Elle pleurait.
-Pourquoi ? murmura-t-elle.
-Je t’aime.
-Cyan ! Je t’aime aussi.
Elle se jeta dans mes bras et je la serrais avant de l’embrasser. Un bruit sur la gauche attira mon attention. Une fillette blonde avec de grands yeux gris.
-Maman !? demanda-t-elle confuse.
-Oh ma chérie ! Viens donc, la pria Lucretia. Cynthia voici Cyan, ton père.
Je regardais cet enfant qui me dévisageait avec ses yeux gris si semblables aux miens. Elle avait le nez de Lucretia et pleins de petits détails malgré son jeune âge. Mais ses yeux m’inspectaient comme un prédateur méfiant ce qui me fit sourire. Une petite louve sauvage.
-Bonjour Cynthia, lui dis-je avec émotion en lui tendant la main.
Elle y glissa la sienne avec prudence avant de se jeter dans mes bras. Ma fille…Ma chair et mon sang. C’est donc ce qu’on ressentait lorsqu’on serrait son enfant contre soi. Elle se sépara de moi.
-Viens entre donc ! M’invita Lucretia tout sourire.
-Il ne vaut mieux pas. Je ne fais que passer.
-Tu ne reviens pas pour nous, dit-elle toute joie dissipée.
-J’ai encore beaucoup de choses à accomplir. Je t’écrirais si tu le permets et peut être reviendrais je un jour.
-C’est mesquin.
-J’en suis aussi navré que toi mais ils ont encore besoin de moi.
Un long silence s’installa sous le regard confus de notre visage qui allait de l’un à l’autre.
-Je dois repartir. Je voulais juste savoir si tu allais bien.
-Et bien pars ! Tu peux écrire je ne lirai pas ! Viens Cynthia.
-Mais…
Lucretia lui prit la main et la ramena vers la maison visiblement blessée. Le visage de ma fille suppliante me hanta durant tout le trajet du retour.
Cyan, fidèle à ses paroles avait écrit, et contrairement à ce que j’avais affirmé j’avais lu chacune de ses lettres sans jamais y répondre. Six mois avait passé depuis sa visite. Edouard arriva dans le salon un journal à la main.
-Des nouvelles de France ! Le peuple s’est soulevé mais a été maté malgré l’aide d’un contingent d’hommes armés venus les aider. Il semble que Cyan soit de plus en plus actif.
-Heureusement que nous sommes partis, dit Roxana. Pourquoi t’embêtes tu à lire ses lettres Lucretia ? Cela te fait plus de mal que de bien…
-L’amour est une souffrance en soi.
-Il est quand même bien culotté.
Je soupirais. Roxana n’avait pas apprécié la visite de Cyan et Cynthia n’arrêtait pas de le réclamer. Je ne savais vraiment plus quoi faire. La sonnette retentit et Edward alla ouvrit. Il revint quelques minutes plus tard avec un bouquet de fleurs.
-C’est pour toi Lucretia, me dit il. Il y a une carte.
Je pris le bouquet et la lut :
-Mes condoléances les plus sincères.
-Qui est mort !? S’exclama Roxana paniquée. Vlad, Mark !?
J’observais le bouquet. Des chrysanthèmes, signe de mort, des roses rouges pour la passion et des centaurées bleues. Mes jambes se dérobèrent alors que mes larmes coulèrent. Je serrais le bouquet contre moi, la douleur des épines se conjuguant à celle de mon cœur.
-Lucretia ? s’inquieta ma sœur.
-Cyan…
Il était mort. Mon cœur explosa définitivement.
Deux mois avaient passés depuis la réception du bouquet et je me sentais toujours aussi vide. Assise devant la fenêtre, je regardais défiler le temps lorsque Cynthia n’avait pas besoin de moi. Roxana vint à moi.
-Quelqu’un veut te voir ma sœur.
-Je ne veux voir personne.
-Tu devrais. Je vais lui dire de monter.
Elle partit et je soupirais. Nous étions aussi têtue l’une que l’autre. La porte s’ouvrit et je me tournais vers cet intrus agacé. Mon agacement fut vite remplacé par la surprise. Impossible ! Je me levais ahurie les larmes aux yeux.
-Je suis de retour, dit-il. Pour toi seule cette fois.
-Cyan !
Je me jetais sur lui.
-Et la Pléiade !? Lui demandais-je.
-Je suis mort aux yeux de l’Egalité. Elle n’avait de toute façon plus besoin de moi, son destin est tout tracé avec les jeunes esprits éclairés parisiens. J’ai confié tout par écrit et j’ai laissé le livre à Gram. Il poursuivra la cause. Lucretia, je suis désolé pour t’avoir causé toute cette peine…
-Ce n’est pas grave ! Tu es là maintenant.
Je le serrais dans mes bras. J’entendis un cri familier venir d’en bas et un grand tap tap tap tap excité. Cynthia déboula dans la pièce :
-Papa ! S’exclama-t-elle en se jetant dans ses bras.
Cyan la fit voler dans les airs et elle cria ravie avant de lui faire un gros câlin. Je me joignis à eux, aux anges. Toutes mes peines n’étaient plus qu’un mauvais souvenir. J’étais enfin à ma vraie place, entourée de ma sœur, ma fille et mon amour. Tous les ingrédients alchimiques de notre bonheur étaient enfin réunis après une longue et périlleuse préparation. Ne restait plus qu’à le savourer dans la joie toute notre vie.
14 Juillet 1789.
L’Egalité soulève le peuple français, commandé par le couple Gram et Miranda et renverse le pouvoir.
Vladimir de Saint-Germain œuvre aux côtés des Lumières dans la Révolution avant de disparaître définitivement. Personne ne saura ce qu’il est advenu de lui.
Mark de Saint-Germain meurt capturé par le peuple.
En Bavière, Lucretia accouche de son troisième enfant.
Comme chaque matin, Roxana de Gurvan allume un cierge à l’église en l’honneur de son père, décédé le 27 Février 1784, en compagnie de ses deux jumeaux aînés, Barthélémy et ses trois filles.