L'âme vagabonde

psycose

écrit le 22/08/2017

Un enfant emprunt d'une sagesse mystérieuse et d'une générosité sans faille jalonnait en toute discrétion au confins des continents pour édifier un livre sur ses méditations métaphysiques. Sa curiosité exacerbée le poussa en effet à rendre son voyage stimulant en tenant un épais carnet de bord minutieusement détaillé d'équations et de symboles en tout genre. Pour autant, il ne se considérait ni explorateur, ni philosophe et encore moins ambassadeur d'un quelconque mouvement sectaire comme ils en pullulaient à cette époque lointaine. Il se définissait plutôt à l'image du vagabond préparant sa rencontre avec la mort par une expédition de rédemption sans destination précise...


À voir de plus près, son regard évasif lui accordait une certaine prestance. Au son de sa voix aussi grave que mélodieuse, on comprenait qu'il ne s'agissait nullement d'un jeune garçon, mais plutôt d'un vieil homme dynamique, imberbe à la peau extrêmement lisse et sans rides.
Qui était-il ? D'où venait-il ? Quel était le secret derrière sa jeunesse apparente mais trompeuse ? On en savait rien et personne n'en sut rien.
Ce qui intriguait surtout les passants qui eurent le privilège de le rencontrer, c'était son savoir encyclopédique. D'ailleurs, quand il voyait un être consumé par les flammes de l'ignorance, l'étrange vieil homme à l'allure élégante ne pouvait s'empêcher de vouloir les éteindre par une brise rafraîchissante, celle d'une exhortation à la vérité qui sortait de sa bouche à son insu, et qui se manifestait telle une ode psychique.


Néanmoins, malgré la plus grande des pédagogies avec lequel il déposait délicatement la lumière de "la science des âmes" dans la conscience de ses patients, ces derniers subissaient en réciprocité une certaine violence d'ordre psychologique. En purifiant ceux qui s'étaient habitués depuis trop longtemps aux superstitions, ces faibles d'esprits s'aveuglaient d'une colère enivrante contre leur libérateur. 
Ainsi, ce mentaliste dépourvu de solutions alternatives en avait conclu que le pire ennemi de la connaissance n'était sans doute pas l'ignorance, mais plus exactement l'illusion de la connaissance. En effet, à force d'avoir vécu, depuis le berceau, dans la matrice des rêves éveillés, les hommes avaient finit par confondre le mirage des fausses perceptions avec la réalité, ne sachant plus démêler le vrai du faux. 


Le vieil homme appris par conséquent à ses dépens, par l'intermédiaire de ces expérimentations infructueuses, que le commun des mortels n'étaient pas suffisamment prédisposé à recevoir, et absolument pas à contenir, la largesse de son savoir aux multiples facettes. Effectivement, chaque individu qu'il rencontra avait des préoccupations différentes, et chacun cheminait avec insouciance, dans le sentier que représente la vie, sans lui donner la valeur qu'elle méritait. Il devait se rendre à l'évidence : transmettre son héritage sans précautions, c'était conduire les hommes à la folie.


Par crainte de la jalousie des hommes influents contre sa réputation désormais indéniable, et des représailles qui pouvaient aller en ce sens, il se fit fantôme. Pour autant, l'érudit ne se résigna point au fil des siècles à découvrir quelques élus potentiellement aptes à s'imprégner de ses arts mystiques. Une élite qui fit vœux d'humilité et de sobriété en contrepartie de ses instructions intarissables, avant de se dissiper à leur tour en des directions diverses et inconnues. La légende raconte qu'il reste à ce jour à l'esprit errant encore un héritier à forger avant de rejoindre à tout jamais l'autre monde. "Sa naissance ne saurait tarder", espère-t-il. 


Il s'agirait de l'ultime réceptacle humain de la millième et dernière gemme spirituelle, censé mettre fin à son calvaire existentiel. Dans l'attente, l'âme vagabonde observe avec lucidité, sans jugement ni émotivité, l'histoire de l'humanité : "Une histoire dont les enjeux se répètent en boucle...", résumera-t-il.


FIN ??

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