L'amertume

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 Il est temps pour moi d’évoquer un sentiment que je suis résolu à décrypter par le menu. L’amertume. Ce mot qui définit au plus près un ensemble de pensées et de sensations qui accablent notre existence. La plaie des multitudes. L’être humain étant faible par nature. La réalité de ses faits et gestes ne se mesurant pas aux seuls résultats tangibles, mais avant tout à l’idée qu’il s’en fait, ou par les émotions qu’il en retire. L’interface imaginaire. Voilà bien où je veux en venir. La vie n’a de sens que dans l’équilibre entre ce que l’on croit avoir donné, et ce que l’on estime avoir reçu. Or les dés sont pipés. Dans mon cas si je retrouvais un millième de l’amour que je pense avoir dilapidé  je serais millionnaire à l’heure qu’il est. J’ai aimé follement de multiples personnes, autant de multiples raisons de les avoir aimées, et de plus multiples encore ; rêves, projets, évènements, aventures, et que d’espérance ;. Pour si peu. Le bilan d’une vie est avant tout ce constat lucide d’une déchéance programmée.  Que la mienne finisse ainsi en eau de boudin, n’en est que plus caricatural et définitif. Il y a du drôle en moi. Tandis que j’agonise ;. Mais mon agonie aura commencé alors que j’étais bien vivant et un enfant apparemment en bonne santé. Très prometteur.  Elle a débuté exactement avec la première grande réflexion que je me suis faite sur la vie. Je devais avoir dix ans, et une petite structure mentale que je croyais dure comme la pierre et à toute épreuve. Je voulus savoir si le sort des adultes était mérité comme tout portait à croire, s’il découlait de leurs actes ou des nombreuses fautes qu’ils commettent en permanence. Je les trouvais honteux et sordides, misérables. Leurs corps dégageaient trop d’odeurs. Leurs joies, leurs satisfactions, relevaient de calculs abominables. D’où ma certitude qu’aucun enfant ne méritait un tel avenir. En tout cas pas moi. A l’aune de pareilles pensées il est facile de deviner comme j’étais mal barré. D'abominables racines dès cette époque échappées de vieux cimetières me pénétraient jusqu'au coeur. Leur sève empoisonnée ne laissait aucune chance aux pauvres illusions. Femmes, enfants, employeurs, clients, associés, amis de toute sorte, un jour inéluctable m’ont rappelé, et parfois avec fracas, que je n’étais pas le merveilleux enfant foutu de porter un regard si pur et amer sur le monde qui l’attendait. L’amertume devint très vite une réalité qui se chargea d’assombrir le moindre rêve, la plus petite bribe d’authenticité, et même d’honnêteté. Chaque respiration. Ce ne fut malheureusement pas un élan juvénile et poétique, une intelligence précoce à l’œuvre. Mais bel et bien le signe avant-coureur d’une désolation, d’une lamentation, que pour ma part heureusement j’appris vite à contenir.  ..

                                         de "K'soce"

                     http://www.youtube.com/watch?v=cNoEEwaqFEQ&feature=related

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