L'amour à Varsovie

Ce N'est Pas Moi, Ordi Hacké

Il était dans la ville de Varsovie un temps dans lequel personne n'avait aimé et n'aimait vivre. C'était le temps de la Grande Guerre, celle où l'on avait fait de la douceur de vivre un Ghetto. Certains avaient pu l'anticiper en partant par avance, avec parfois une simple valisette. D'autres avaient décidé de se laisser garder libre à l'espoir qu'une si forte barbarie ne saurait exister. Mais la plupart avait été pris otages par surprise à la faveur d'une incompréhension collective.

Parmi ces murs se trouvait Emmanuella, jeune Varsovienne de vingt deux ans. Son compagnon, Rémi, avait pu partir pendant l'exode mais elle n'avait pu le suivre, l'état de santé de ses parents et surtout la pneumonie de sa mère ne le permettant pas. Pour le moment, et comme ils avaient pris leur précaution sentant l'orage surgir, ils avaient assez à manger pour cette petite famille dotée d'un jeune adolescent, David.

De l'autre côté de la fortune de détresse, survivait Isabelle, sans le sou, dans des conditions de vie des plus déplorables depuis que ses parents s'étaient éteints. Inconsolée, la pourtant si belle et frêle  beauté de cette princesse de dix huit ans ne lui permettait en aucun cas de s'en sortir moralement.

Dans sa rue, passait chaque fin de matinée David, qui annonçait les nouvelles à la une. Elle sortait alors l'écouter pour ne plus avoir à entendre les cris de ses voisins. Cependant, elle n'appréciait guère ce David. Il lui semblait d'une si bonne robustesse à s'en demander s'il n'avait pas là les faveurs de quelques soldats allemands. Idée bourrelesque le savait-elle puisque son journal était à la limite de la clandestinité.

Ce qu'elle ne comprenait pas, c'est qu'il venait jusqu'à sa porte alors que tout le monde en parlait comme d'un enfant de l'autre côté de la ville. Ce qu'elle ignorait bien sûr, c'est que son atypique beauté avait tapé l'œil du garçon qui en était à l'âge où les adolescents voulaient devenir Homme.

Dans le décompte des jours, notre cher David savait qu'il n'aurait lui aussi plus longtemps le sou et la possibilité de vivre dignement, il lui fallait faire quelque chose pour la belle Isabelle.

Ainsi, il osa par lui même offrir à Isabelle un journal contenant un papillon l'invitant à dîner dans sa famille. Elle voulu le jeter, ne le croyant d'abord pas pour elle. Mais la petite pétale de fleur accolée au papillon, chose qu'elle n'avait pas vu depuis des mois, venait lui réchauffer le cœur dans ce frimas pourtant si rude.

Elle n'avait parlé à personne depuis trois mois. Depuis que ses parents furent pris en otage et fusillés pour affaire de marché noir. Mais la jeune fille avait eu le temps de cacher quelques denrées sans se faire arrêter et ce pour survivre quelques semaines. Elle en arrivait justement au bout alors qu'avait-elle de mieux à faire que de se rendre à ce rendez-vous.

C'est ainsi que, tôt dans l'après-midi, bien avant le couvre feu, elle partit à la recherche de l'adresse figurant sur le papillon.

Une fois devant un appartement qui semblait plutôt coquet, elle resta figée durant ce qui pouvait s'apparenter à des lustres. Mais soudain s'ouvrit la porte et c'est une famille entière qui lui sourie, l'invitant à rentrer. Elle était bouleversée. Autant de vie existait-elle encore vraiment encore ou planait-elle sous l'effet de la famine ? 

Il y eut les présentations ; le père, la mère enrouée d'une grosse toux, David bien sûr et une timide jeune fille du prénom d'Emmanuella. 

"Il n'est peut être pas l'heure, commença la mère ; mais devant votre menu corps nous allons passer à table. Disons, Emmanuella que tu te mettras en face d'Isabelle et que toi David sera près de nous".

Elle l'entendait comme cela sentant bien là l'attrait qu'Isabelle avait sur David et même si elle le souhaitait heureux et avait de ce fait accepté ce repas, elle savait qu'elle ne pourrait nourrir cinq bouches qu'occasionnellement. Il ne fallait donc pas que l'amour s'élève.

Mais étonnamment, cela fut Emmanuella qui changea d'attitude et malgré sa timidité ne manqua pas de louanges envers l'invitée. Elle lui parlait beaucoup littérature dès lors qu'elle su que c'était là la passion d'Isabelle. C'est ainsi qu'à la fin du premier copieux repas depuis des semaines pour Isabelle, cette dernière se fit inviter dans la chambre d'Emmanuella pour voir ce qu'il restait de ses livres, non emportés par un autodafé.

Les deux jeunes femmes se mirent à rire en parcourant Candide de Voltaire qui était resté en l'état. Isabelle ne se souvenait pas avoir ri depuis la perte de ses parents. Son cœur n'avait plus jamais crié bonheur. Mais la soirée s'installait, l'obscurité gagnait le ciel. Les deux jeunes femmes n'en pouvaient plus de rire. Une décompensation, une drôle de sensation.

Puis soudain la surprise. Emmanuella s'approcha du visage d'Isabelle. S'en suivit un long baiser généreux entre les deux femmes. Que la vie en soit ainsi, elles ne croyaient guère en leur éventuel futur de rescapées mais venaient de commettre un délicieux secret. Un bout d'espoir naquit.

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