L'amour d'avant la Tour

aline-guillet

La Tour Eiffel

Sortir de l'appartement, encore traversé de son souffle. Claquer la porte sur cette nuit verrouillée. Sans caresse et trop d'éclats de jouissance, décapés de tout sens. Des coups de buttoir pour ne rien dire. Tout hurler de son indifférence, plantée comme une lame dans mes muscles. Claquer la porte vite et courir. Pour ne plus le sentir dans mes os.

 Dehors le jour m'aspire, l'air m'astique, me redonne chair. Comme je l'aimais. Lui déjà plus. Le bitume cogne dans ma tête, rive mes yeux au trottoir. J'entends son coeur frappé le mien. Le mien dans Paris. Paris qui respire, halète et transpire. Le moteur du camion-poubelle me tire pas la manche. La rue me redresse. Odeurs de gaz-oil et de pain. Marcher, jusqu'à la Tour Eiffel. Respirer pour ne pas mourir. Tout de suite, ici. Si loin de chez moi. Courir, presque bondir. La maison du Japon et  puis soudain la Tour Eiffel. Tendue et radicale, elle m'apparaît. 

Elle ne sait rien de ma nuit, toute axée vers le jour. Les bras levés au ciel et les pieds plantés dans la terre, elle s'étire. Une à une ses vertèbres craquent. Elle baille. Elle se réveille. Lui, il dort encore, déjà mort. Elle m'offre une prière de fer. Je la prends et la clame en silence. Des oiseaux de papier volent entre ses jambes. La vie est peut-être encore en marche. Je l'accepte.

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