Lana Del Rey ou le spectre de la musique d'hier

Louise

Le rêve américain estompé s'efforce de persister encore. Langueur affectée de ses gestes pris dans la brume d'alcools colorés et de musique suave. Les images saccadées de sa jeunesse provocante d'éclat rebondissent et grésillent sur un écran de caméra bancal. Accoudée à une fenêtre, c'est dans ses yeux en amande que passent des nuages à la file, ceux qui se découpent sur le ciel ondoyant de chaleur. Rêve à demi-effacé, somnolence au soleil levant, chaleurs d'été californien, bleu strié d'orange au crépuscule, fadeur solaire et bulles de mots mélancoliques lancés au toit du monde. Lunettes rétro et jeans troués. Bustier à fleurs et talons compensés. Ou bien chemisier flottant autour d'une silhouette longiligne, horizon vertical et mouvant. On redonne vie à style relégué au fond des années soixante-dix. De longues mains terminées d'ongles pointus griffent le tissu d'une robe éthérée. Leur légèreté est alourdie par des bijoux clinquants, dorés ou garnis de pierres. Une ligne noire prolonge son regard ombragé de souvenirs. La paupière toujours à moitié close sur les iris couleur chocolat semble se protéger de la violence des éclats de lumière. Parfum des roses séchées. Lenteur d'un pas qui s'attarde dans la poussière de septembre. Solitudes bues avec une bière fraîche sur le seuil d'une villa. Fantôme d'habitation où le silence seul fait vibrer les cordes des guitares. Les ombres jetées sur la pierre blanche ont des reflets d'azur. La piscine au bord de laquelle la sirène se dore renvoit parmi les miroitements l'image de son corps gainé. Un maillot de bain une pièce s'enroule autour de ses courbes douces, hésitantes, et marque le contraste avec le hâle voilé de sa peau. De ses lèvres anormalement voluptueuses s'échappe une voix grave et retenue. Leur carmin paraît donner une tonalité sucrée aux notes qui glissent. La diva du désert rouge prête sa bouche aux voix des maudits. Fantasmes d'adolescente tourmentée. Il faut vivre à en crever, boire à en perdre la raison, aimer à s'en arracher la peau et danser le jour, la nuit, jusqu'à ce que ses pieds fatigués ne la portent plus qu'au bord du gouffre. On embrasse les 80 miles par heure sur la route qui longe la côte ouest. Les falaises jaunes s'enfoncent dans une mer métallique, les motels bruyants succèdent au néant des déserts traversés le toit ouvert. Les bras levés au ciel, cheveux et foulard claquant au vent, on s'acharne à vivre fort. Ultraviolence de l'aube comme de ses sentiments effarouchés. Sa cage dorée ne semble nullement l'encombrer. Elle y chante ses larmes, hystéries et replongées dans l'univers macabre de l'amour. Odes au luxe, à la passion languide ou à la jouvence condamnée, on aime autant l'encre sombre qui trace les paroles des chansons que les hymnes aux Etats-Unis. Beauty queens coiffées de cheveux bouffants rayonnent dans le labyrinthe de sa pensée. Peut-être que la couronne de fleurs qui pèse sur son front a fini par répandre ses exhalaisons létales dans son cœur gonflé de poison. Ce sont les cendres de son brasier qui couvrent son âme déchirée.

Avez-vous bien observé ce reflet de miroir sans tain ? L'image vacillante sur cet écran aux couleurs choisies ? Lana Del Rey a fini de jouer sur sa scène et le rideau est retombé à ses pieds. 

  • Wahou.... C'est magnifique, tu es vraiment douée pour les descriptions.

    · Il y a plus de 9 ans ·
    Buho hermoso

    elixir

    • C'est ce à quoi je m'essaye le plus. Il y a du bon et du moins bon..

      · Il y a plus de 9 ans ·
      Img 20171108 222709 252 (2)

      Louise

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