L'ancienne pesée des cotons devient ring
Vincent Vigneron
il y a une rixe dans le hangar sud
ce qu'en dit le bouche à oreille
le tam-tam des grosses veines sur la boxe de banlieue
ce soir on a showtime
ici sur la côte est
les voitures prennent des bretelles sous la pluie
chaque autoradio libère la puissante avoine
des chansons tristes
il y en a une forcément
sur un bébé siamois qui retrouve
sa moitié à travers toutes les lianes
qui le séparent de la vie adulte
après avoir souffert sueurs, nausées d'altitude
grandira, grandira pas
fera la guerre à une seule peluche
quand la paire s'imposait
il y a une chanson forcément
faite pour ce soir au hangar sud
qui dit la famille que voici tient une cloque
sous le pied et continue à marcher
mine de rien
décennie sur décennie
en ignorant que la cloque se nourrit
de la répétition des pas
elle est racine de dents courantes jusqu'à la jambe
et la croque
toute bonne logique vieille comme la bougie de franciscain
veut que ce qui arrive ce soir arrive
inévitablement
qu'il y ait une rixe dans le hangar sud
que les frères Schegulwagul se rencontrent
ni pour partager la dinde
ni pour visiter le parc aux ruches
mais bien pour chauffer la viande
d'un autre baby face très ressemblant
un autre soi-même
le blond le plus âgé a laissé
sa jumelle affamée devant le frigo
vide et en pleurs
pour venir ce soir dans le hangar sud
le public paie sa place
place ses pouces sur la plaie aussi fort
qu'un bouilleur de cru sur la bouteille novice
la première du vin neuf
ça crie très fort dans les derniers rangs
le forain ignore tout il dort sans savoir
la fête existe encore sur sa juridiction
les tables craquent et avec elles la monnaie
tout indique le round décisif le cadet crachera bientôt
les humeurs essentielles à la vie
pourvu que la police dorme
et ignore tout
de la rixe de ce soir
sur Ventura on croirait qu'il neige de la cellophane
et qu'un rodéo de voitures s'est donné rendez-vous
sur le parking pour se tenir chaud
on pourrait le croire si jamais le hangar sud avait des fenêtres
l'unique raison de la paille sur le sol
c'est penser le corps faible
bouche, foie et rein ont un halo provisoire
ainsi enseignait le saint patron d'une île anglo-normande
il touchait le flanc de la statue des puissants injustes
elle dominait fièrement la baie
il la touchait avec sa gourde d'eau sainte et fraîche
alors elle s'écroulait sur les oyats dans un souffle
selon la légende
et les enfants jouaient assis sur elle un répertoire merveilleux
de mains pochées de lingots fous
assis sur le bronze des rois gisants
la fierté hissait ses trémolos de forte haleine
sur tous les mâts de l'île
l'île où naquirent les boxeurs de ce soir
le cadet porte encore à son cou
la médaille de ce saint patron
il porte surtout sur les épaules
la promesse immense de l'héritage qui l'attend
si son frère ne le tue pas avant
rugueuses mailles tissées entre les doigts
ne sauraient rester blanches plus longtemps
blanches comme les murs lavés d'écume du château
chaque jour par la mer et sa promesse immense
si loin de la paille miteuse et d'un ciel de hangar