L'ange

-nicole-

Je suis née il y a mille ans, enfin, ça pourrait être il y a mille ans tellement je me sens vieille et fatiguée.

Je ne me souviens plus de qui j'étais, où j'étais, pour qui j'existais. Je ne me souviens pas de mon enfance, de mon adolescence, je ne me souviens de rien jusqu'à ce jour où mon histoire a dérapé. Rien d'autre n'a plus jamais eu d'importance.

Tu crois au coup de foudre toi ? Moi j'y crois. Je l'ai vécu. Je suis morte foudroyée le jour où a commencé mon existence consciente, mon existence de femme.

Parlons de toi, puisque c'est le sujet, toi et tes grands yeux bleus, si froids maintenant que j'y pense. Il y avait quelque chose au fond de ton regard… Quelque chose que j'ai trouvé fascinant, quelque chose d'attirant, d'hypnotisant quelque chose de terrifiant, je le sais maintenant. La bête immonde guettait, elle m'a vue, elle m'a choisie et m'a avalée.

Je n'ai rien vu venir, je n'ai pas réfléchi, j'ai glissé dans ton monde et je ne m'en suis pas relevée. 

Il paraît que j'étais pétillante, simple et gentille… Gentille, une insulte à l'intelligence.

Il paraît que j'étais pleine de vie, débordante même, une source… 

Comme un pot de confiture posé sur une étagère : vous, les bêtes, n'avez eu qu'à y tremper les doigts. Et tant pis si vous  souilliez le pot, si la confiture se gâtait et que se mettait à y germer et proliférer une chose immonde et clandestine… Tant pis si ensuite, plus personne ne voudrait y goûter.

Le couvercle n'a pas résisté longtemps à tes mains impérieuses et violentes à tes mots humiliants à tes menaces, tu as fouillé en moi, tu t'es répandu en moi, tu as vomi ta haine et puisé mon essence. Et je suis morte au monde le jour où j'ai perdu ma dignité.

Tu m'as dit que j'étais un ange. 

Un ange tombé du ciel et que c'est pour ça que je me sentais perdue. 

Tu m'as dit que tu allais me soigner. 

Tu m'as dit que mon enfance était sale, que j'étais déjà une proie avant même de connaître le bien et le mal, que les hommes m'avaient déjà bafouée avant même que je puisse comprendre, que mon père…

Je ne m'en souvenais pas, je me souvenais de rires, d'amour, je me souvenais de douceurs, de douleurs, de solitudes et d'amitiés, je me souvenais d'abandon, de colère. Tu m'as dit que l'absence de trace dans ma tête en était la preuve … Une blague…

Et depuis, j'ai tout oublié sauf le jour où …

J'avais mal ce jour-là, le jour où tu m'as trouvée. La douleur me dévorait, me consumait jusque sous mes ongles. Un autre avait commencé ton travail, un autre avait bafoué mon innocence, ma volonté et labouré mon intimité. Un autre avait fait de moi une chose sans espoir. Je voulais mourir, j'ai eu ce que je méritais.

Tu as surgi devant moi, moi qui rampais dans la fange de mon angoisse et de ma souffrance et tu m'as regardée. J'ai cru lire l'amour dans ton regard, ce n'était que convoitise, concupiscence, appétit malsain. Tu as tendu ta main et je l'ai saisie.

« Tu es un ange, un ange tombé du ciel.
Je te connais, je vais m'occuper de toi.
Tu as besoin de moi, tu ne peux rien sans moi.
Je te connais, je sais ce qui est bon pour toi. »

Ainsi commença notre histoire, l'histoire de l'ange bafoué. 

Ainsi s'acheva ma vie.

 

  • L’amour sincère et passionnel est une déconstruction consentie, aimée et choisie (si l’on peut dire, car qui choisit en nous, cette prison affective ?) Mais les gourous ne sont que des destructeurs qui prennent tout et ne donnent rien en échange. :o))

    · Il y a environ 6 ans ·
    Photo rv livre

    Hervé Lénervé

    • Ils sont vides, ils ne peuvent rien donner. Ce sont des prédateurs qui ne vivent que grâce à l'énergie vitale de leur proie. J'ai longtemps cru qu'il fallait être faible pour devenir victime mais c'est faux, ils repèrent des sources vitales et énergétiques fortes pour s'en nourrir, l'inverse de ce qu'ils sont. Quand on comprend cela, on est presque sauvé. Il suffit de couper les vannes...

      · Il y a environ 6 ans ·
      Lune nuages (3)

      -nicole-

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