L'antre de la bête

vatomuro

Désespéré, esseulé, au bout du rouleau, rien n'y fait, rien ne change, tu rampes comme un enfant, tu as 24 ans et dans 48 ans tu seras mort. Incinéré puis dispersé sur une plage de l'Ile d'O ils n'entendront plus parler de toi. Le son de ta voix sera oublié, détruit des archives, tes facéties interdites, ton œuvre proclamé danger de la nation. Les autodafés reviendront, dans tout le continent, du ciel on pourra voir les petites lumières des grands buchers. Des vallées on verra les fumées par delà les montagnes, comme des signaux Indiens. Du papier et de l'encre qui brulent au soleil, l'odeur qui hante la nuit, Les restes épargnés qui se séparent dans le vent. Ce sera des jours sombres, des temps de malheurs.

Je suis dans l'antre de la bête, c'est là qu'elle est née, devant les yeux de ceux en vie de l'époque. Cela remonte à très loin, cela est écrit dans les ouvrages. A l'époque où le sang des guerriers coulaient encore pour hydrater la terre. Le bruit des glaives et des boucliers. Maintenant c'est le béton qui assoiffe le sol. Plus de fracas de bois, c'est le son de la tôle qui se froisse, les klaxons stridents et les moteurs grondants qui animent la bête. C'est un système organique complexe, qui s'est construit et développé au fil des âges, son édification reste la meilleur adaptation possible dans ce monde, et c'est pourquoi elle perdure et terrifie, elle est chez elle et pour longtemps. D'abord c'était de petits vaisseaux, qui étaient peu larges, peu résistants, mais qui tenaient bon cependant. Et puis bon an mal an, la bête s'est renforcée, elle a pris des forces, et ces vaisseaux sont devenus de vigoureuses artères, qui supportent de grandes forces chaque jour et qui ont vu leur circulation développée depuis quelques milliers d'années. Dans ses veines coulent l'eau de la pluie, les miasmes de ses fils, la pisse des vauriens, les déchets des passages, c'est diablement beau: c'est de l'angoisse. V'la de quoi discuter pendant des millénaires, son gros poumon droit qui flotte en plein milieu des quartiers, qui s'agite, qui respire dans l'air pollué. La bête ne s'arrête jamais, elle ne dort que très peu. Et puis son poumon gauche, plus petit, mais tout aussi rageur, prêt a pomper pomper et pomper, il est encore jeune il veut vivre plus que de raison.

Je me tiens dans l'antre de la bête, je suis en elle et pourtant elle arrive à me regarder, elle me voit, elle peut me dévorer, m'assassiner dans l'instant, elle n'a qu'à contrôler, jouer avec les feux, déchainer les éléments mais elle m'accueille en son sein, me donne son lait, m'accorde le droit de comprendre sa domination. Je l'imagine à l'envers retourner et suis pris de malaise, je vois sa grande gueule happer le ciel et c'est une vision d'horreur, car je sais que dans l'antre de la bête sont nées les pires horreurs, c'est qu'ici qu'on été accouchés les desseins noirs des temps anciens. La cruauté trouve ses fondements ici, dans la roche. Elle s'est muée d'abord en petite fumée, qui sors des petites pores de la bête pour devenir cristal. Elle s'est alors imprégnée dans les légions grandissantes de la bête, si bien qu'elle est inscrite dans son code génétique, près à propager son patrimoine. L'ignoble a prêté allégeance a sa couronne pour l'éternité, et d'elle elle à reçu maints pouvoirs, qui fait que son action est omniprésente dans l'antre, on peut en voir les marques sur les parois, tels de vieilles cicatrices que le temps ne rebouchera jamais complétement.

Dans l'antre de la bête, j'y suis allé des tas de fois, je n'ai jamais su pourquoi elle m'avait épargné la première fois, peut être n'étais je qu'un enfant, peut être que c'est parce que c'est là que je suis né aussi, toujours est il que je n'ai pas arrêté d'y retourner dès lors. Elle est si grande si large si ronde, traversé par sa colonne vertébrale liquide quasiment en plein milieu, légèrement asymétrique. Si fleuri le ventre de la bête, si chaud et si propice aux mauvaises herbes. Rempli d'organismes aussi, ça pullule ça se développe au gré de la bête qui sait qu'elle a besoin de ces petits êtres qui trouvent symbiose dans son organisme, qui permettent sa purge. Petites fourmis à la peau rêche, aux sourcils décolorés et a l'échine courbée, vous avez été acceptés dans le ventre de la bête et désormais vous cheminerez toute votre vie dans le dédale intestinale qu'elle vous autorise a parcourir, c'est un honneur soyez en dignes car à tout moyen la bête peut vous broyer de ses muscles lisses, vous digérez par une pluie de sucs gastriques et vous laissez terminez votre course par un cheminement de plusieurs kilomètres pour finir dans l'espace infini où se retrouvent toutes les choses qui quittent cette terre.

Signaler ce texte