L'apprenti et son modèle.
erovasion
Il avait rencontré le maître, un bon et beau matin, sur les bords de la Seine. Une bonne heure où le lever du soleil, vient lécher le ciel et lui donner sa couleur bleue pâle, en prévision d'une belle journée. Une bonne heure, où on sent le réchauffement matinal poindre son nez, par ce mélange de chaudes couleurs comme le jaune, l'orange, le violet et le rouge qui s'empare du bleu du ciel, et du blanc de quelques nuages inoffensifs, et fait disparaître progressivement le noir de la nuit. Une bonne heure où les péniches fendent avec légèreté l'eau plate du fleuve, comme si elles ne voulaient pas réveiller le tout Paris. Leurs caresses des flots laissaient derrière elles, un léger frissonnement de l'eau. Le calme et le côté paisible étaient appréciables pour que l'artiste reporte toute cette palette, avec justesse, sur sa toile.
Il s'était posté, à quelques mètres derrière lui, pour ne pas le déranger dans son travail. Au bout de quelques minutes, c'était l'artiste qui avait entamé la conversation en lui lançant : « Vous semblez apprécier la peinture, jeune homme » « -Oui, je suis fasciné par votre toile. »
Ils eurent, ensuite, des échanges techniques sur les façons de mélanger les primaires et les autres couleurs, afin de se rapprocher le plus possible de la beauté qui se déroulait devant leurs yeux.
« -Vous semblez être intéressé par cette passion, jeune homme ? Mais vous ? Vous peignez aussi, peut-être ? » « -Oh, juste quelques gribouillages sans importance, ni talent. Pas comme vous » « -Vous m'êtes sympathique. J'ai un atelier du côté de Montparnasse. Je vous y invite, demain. J'ai une séance avec un modèle. Juste au fusain. Apportez votre matériel, et nous verrons…vos gribouillages… »
Sentant son départ imminent, le jeune homme l'aida à ramasser ses affaires dans son automobile, garée non loin de là, dans une allée encore verdoyante, que la nature elle seule sait nous offrir. Quand ce fut fait, le maitre lui remit une carte. « -N'oubliez pas, demain à 10 heure précise. »
Après son départ, il lut l'adresse : « Gabriel Breton, artiste peintre et professeur, Cité des artistes, 2 rue du passage Dantzig, 15 ème arrondissement, Paris. »
Après une nuit agitée, sans doute l'appréhension de ce rendez-vous, le jeune homme prenait la direction des quartiers de Montparnasse.
Il passa devant le porche des anciens abattoirs de Vaugirard, il savait qu'il n'était plus très loin. Il prit ce fameux passage de Dantzig. Son cœur battait fort. Il savait que cet endroit avait abrité des peintres de renom, comme Modigliani, Paul Rebeyrolle, en passant par Marie Laurencin.
Il poussait la grande grille, bordée de chaque côté, d'un épais lierre. Une allée, aux grands arbres, l'amenait devant une grande porte verte, à deux battants. Deux statues de femmes nues l'encadraient. Au –dessus, des briquettes rouges, entouraient de larges fenêtres.
Il y avait de quoi s'y perdre. Ce lieu était composé d'une soixantaine de petits ateliers, créés, à l'origine pour que des artistes, sans argent, puissent s'exprimer. Ouf, une plaque avec inscrit dessus « Gabriel Breton, peintre. », le sauvait et lui indiquait, que c'était bien cette porte vitrée qu'il fallait pousser. Il voyait déjà, à travers les carreaux, des élèves assis devant leur planche à dessin. Le professeur était debout devant eux. Son regard croisa celui du jeune homme. D'un signe de la tête, il l'invita à entrer.
« Excusez mon retard, j'ai eu du mal à trouver. »
« -La ponctualité n'est pas votre fort. Ce n'est pas grave. Allez, vous installer là-bas. » Il désigna du doigt une chaise. Il traversa l'atelier découvrant les élèves, des jeunes hommes comme lui, et aussi quelques femmes. Il n'avait pas encore vu, ce qu'il dessinait. C'est quand il s'assit, en relevant les yeux, qu'il découvrit, juste en face de lui, à peine à trois mètres, le modèle, entièrement nu, allongé sur un drapé bleu ciel, juste en appui sur un coude.
C'était la première fois qu'il devait dessiner ainsi, un corps de femme bien réel, mais entièrement immobile. Il sortit, de sa chemise cartonnée verte tachetée de noir, ses feuilles de papier « Canson ». Intimidé, l'une d'elle tomba d'ailleurs à terre. Il s'empressa de la ramasser, sentant qu'il gênait l'assistance.
« -Ca y est, vous êtes installez. Vous pouvez commencer. »
Il croisa ses jambes de manière qu'il puisse mettre dessus sa feuille, posée sur la pochette. Puis, il se concentra sur le sujet. Cette jeune femme était magnifique. Sans doute une étudiante, qui posait pendant son temps libre, pour toucher un peu d'argent. Son visage angélique était entouré de longs cheveux ondulés, qui reposaient sur ses épaules. Sa peau était blanche et contrastait bien avec la couleur bleutée du drap. Ses seins étaient parfaits. Ses hanches bien dessinées, également. Ses longues jambes étendues, étaient légèrement ouverte. D'où, il était, le jeune homme ne perdait rien, du triangle noir, au-dessus des lèvres de son sexe. Le jeune homme rougissait, et baissait les yeux, vers sa feuille. Le fusain commençait à glisser sur le papier. De temps en temps, il relevait la tête pour regarder la jeune femme, qui l'émoustillait, à chaque fois davantage. Il en avait même du mal, à avaler sa salive. L'esquisse commençait à naître.
Il regardait à nouveau le modèle, et le sérieux de son visage, changeait. Plus il la regardait, plus ses lèvres se transformaient en un joli sourire. Un courant passait entre elle et lui. Le crayon parcourait le galbe de sa poitrine, descendait ensuite, noircir légèrement le pubis, avant de former les longues jambes. Une excitation envahit le jeune dessinateur.
Le regard de la jeune femme avait aussi changé, il pétillait davantage. Et c'était bien en sa direction qu'elle pointait. Il aperçut même sa langue glisser lentement sur ses lèvres roses.
Le dessin était aux traits de finition. En comparant son ouvrage et son modèle, le jeune homme aperçut de légers changements, avec l'entame. Les tétons de la jeune femme étaient plus dressés que tout à l'heure. Les pointes étaient plus accentuées, plus sombres. Les cuisses s'étaient resserrées aussi, comme si elle voulait cacher son sexe, comme si elle voulait dissimuler son émoi. Leurs regards se fixèrent et un nouveau sourire de la jeune femme illumina son visage. Il lui répondit par un sourire aussi séduisant.
Le jeune homme n'avait pas vu que le maître était passé derrière lui. Il commença à commenter son œuvre.
-« Ben, c'est pas mal, ça comme gribouillage. Vous avez bien compris qu'il faut bien s'imprégner du sujet. Il manque quelques détails…mais, je comprends… », dit-il, avec un sourire et un clin d'œil complice.
Les élèves commençaient à quitter l'atelier. La séance était finie. Le modèle avait enfilé un peignoir.
Le maître continua :
« Vous voulez que je vous présente. Vous pourrez ainsi lui offrir votre dessin, après l'avoir signé. »….
Ainsi, était née une belle rencontre.
L'apprenti dessinateur remercia d'ailleurs son maître pour ce moment si sensuel.