L'Asile

threnody

Il faut un début à tout.

On ne savait pas trop où s'embarquer. On semblait plutôt paumé, mais on s'éclatait quand même. Notre bulle, notre monde. Si intime, si doux, si confortable. On était 5. On se suffisait à nous même, et il semblait que nos deux vies n'en faisaient plus qu'une, comme si l'on avait traversé ce mur transparent aux reflets colorés, qu'on avait passé nos mains à travers cette bulle qui nous retenait séparé, et que chacune d'entre elles s'unissaient pour n'en faire qu'une seule dans laquelle nous nous retrouvions tous enfermés. On écrivait sans relâche, on attendait les écrits des autres avec impatience. On déconnait sans relâche, et on attendait de voir qui dirait la connerie la plus énorme après soi. On parlait, et parlait.

On ne s'en lassait jamais, pourtant, j'avais cette crainte du futur... « Et si demain, on ne se parlerait plus ? ». Soit ils n'en disaient rien, soit ils proclamaient que ça allait devoir arriver un de ces jours, et que se serait la vie. Il me semblait donc, que si on se séparait, ils reporteraient tous cette faute sur le destin. Je répliquais que si on venait à ne plus se parler, se serait uniquement de notre faute et que vu comment on étais parti, naïveté aidante, on n'allait jamais cesser de se parler. Je voulais tellement qu'on brise cette loi. Celle qui stipule que tout a une fin. Mais ce n'est pas nous qui la briserons, car c'est elle qui nous as brisés. En 5. Et jamais plus nous ne nous reparlerons comme avant. On ne se reparlera même plus les 5. Plus jamais, c'est impossible ma foi.

Nous étions dans cette pièce quand tout s'est détruit. Je crois que l'air était arrivé à saturation. Une nouvelle fenêtre construite que j'avais montré du doigt, nous avait fait étouffé. Notre seule façon de respirer en dehors de notre respiration commune était cette fenêtre. Après l'avoir pointée du doigt, nous l'avions tous ouverte en même temps. Et je ne sais comment, on nous a poussé plus profondément à l'intérieur de cette fameuse pièce, et ceux qui nous y avait laissé enfermé sont entrés eux aussi. On a étouffé. Puis elle s'est mise à respirer seule. Puis lui. Et lui. Et Toi. Et moi, je me suis assise. J'étais celle qui instaurait les séparations de sécurité. « Ne vous éloignez pas trop... Ne vous éloignez pas trop... » Ils ne m'ont pas écouté, et sont sortis avec les autres gens. Je les en aurais bien empêchés, mais ils étaient partis dans des directions opposées.

Le pire, c'est qu'ils revenaient de temps en temps. On ne s'est retrouvé que tout les 5 qu'une fois après. Puis plus rien. Tout s'est brisé, tout s'est perdu. Mais ce qui peut encore plus peiner, c'est lorsqu'il n'y a plus aucun regret. Ou quand on n'a plus rien à se dire. Politesse oblige. Nous nous connaissions bien. Maintenant, nous ne nous connaissons plus. Ensemble, nous ne sommes plus rien. Je suis mieux éclairée, je me dirige plus facilement. J'handicape ceux dont je ne veux plus, car ils n'ont plus aucune chance d'être dans cette pièce en même temps que moi. Je peux trier, je peux ne plus apprécier. Je peux faire comme si de rien n'était. Oui, je pourrais. Et c'est ce que je fait. Je ne donne plus de chances, je ne veux plus les voir car je ne veux plus voir leurs côtés positifs. Je veux être aveugle. J'ai toujours eu envie de brûler cette fenêtre, mais si je le faisais, il resterait quand même un trou béant, car hélas, je n'ai pas la force de refermer la pièce seule. Je n'ai pas ce qu'il faut pour la fermer de toutes façons.

Nous étions entre nous. Dans cette pièce aux murs blancs, dans cette pièce fermée. Chacun enchaîné à ses problèmes oubliait tout. Ici, les seuls s'étaient réunis. C'était devenu des amis. Puis des ennemis. Puis le pire arriva. Nous étions des connaissances. Tout est parti. Dommage. Si j'avais su, j'aurai préféré étouffer dans cette pièce. Au pire, je n'aurais pas pointé la fenêtre du doigt, je l'aurais gardée pour moi. Sinon, il aurait fallu brûler la fenêtre. C'était le moment où nous pouvions tout reconstruire. J'ai tenté de ne plus respirer à travers elle, car je n'avais eu aucun des réflexes précédents. J'ai pensé que si une restait dépendante du groupe, de la pièce, tout le monde s'en sentirait obligé. Que je suis conne. Mais j'ai vite cédé. Quand les autres se sont introduits, j'avais compris que c'était trop tard. Qu'avais-je fait ?

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