L'Aube Rouge
euonimus
Buée d'un souffle sur le verre rétinien, souffle chaud au creux d'un encore-matin qui pourrait tout aussi bien ne pas être, ne plus jamais. Brise fraîche qui pique le-nez-le-corps, qui réveille le poumon plus-crasseux, le aimer, le sublime... L'aube douce amante de-toi-de-eux...
Tu limes...
Tu limes, me défonces et me broies.
Je sens les coups violents de ta queue-haine, de ta queue-je-suis-puissant, de ta queue-j'ordonne-et-je-soumets éclater l'intérieur de moi, et tout ce qui existe autour... Tu limes, et j'entrevois ton rictus déformé et ta sueur grasse qui me pollue...
Tu limes...
Je comprimerais bien tes boyaux dans ma main droite, celle dont tu as décidé qu'elle me servirait à écrire les instructions de mes Maîtres, avec laquelle mon devoir conjugal branlerait régulièrement un maton lascif, qui porterait le plateau de tes désirs serviles, qui ferait précisément tous les faires du bien travailler-agir-obéir. Je les écraserais bien en te regardant serpenter verticalement comme un feu follet, en cristallisant dans le reflet de mes pupilles ce que deviendrait ton sourire narquois d'être supérieur, je les serrerais bien en les enroulant, en les rembobinant comme pour ranger un mauvais film.
Tu dégoulines à présent, liquéfié-Narcisse qui mire son a-pouvoir nouveau dans le rétroviseur de sa plus-possession. Les pieds dans la merde de ton ventre, la bouche sang des déshérités, des sans-quelque chose. Douleur des milles épis de blé sous la serpe du travailleur-aux-mains-rudes-aux-mains-belles-aux-mains-ridées, sous la serpe du petit pois qui porte encore la marque de ta semelle sur la-joue-droite-la-joue-gauche, tendues successivement vers la lumière putride d'un soleil menteur. Douleur du géant-d'esques, qui grouille de la médiocrité du monde, de l'orgueil du concept dominant lorsque la serpe acérée fauche ses chevilles déjà enfles, écrase sa face dans la boue meuble qu'il t'avait réservée.
Je dédierais bien ma résilience au spectacle de ton trépas, aux lueurs de peur dans les yeux de celui qui donne son dernier souffle, résilience d'un petit pois tuméfié comme tant d'autres, d'une agrégation de traumas, de sentiments d'impuissance sociale, de résignation-silences... Mais...
Mais même une érection du majeur n'est plus en rien Sodome. L'anus dilaté des mâles dominants est bien trop large pour tes spaghetti-actes, pour tes misérables érections. Des milliers de fists-poings-levés ne chatouilleraient pas même une de ces parois sales, obtiendraient tout au plus un jet minci de chiasse, même pas une éruption. Rien... Car c'est lui qui encule, toujours. Sans gel, juste avec sa chaussure sur ta joue blême... En te susurrant à l'oreille que c'est inévitable, en posant la normalité statistique de la fréquence comme normalité normative. En se posant lui-même comme valeur ultime. Toujours... Et enfonce ses cadres dans ton ventre, ses barres de faire, ses idées. Dans ton ventre et dans le sien. Dans ton ventre et dans les leurs, jusqu'à faire une petite brochette amusante d'asticots s'agitant sur son hameçon luisant, tandis que des liasses de billets de banque lui caressent jouissivement la prostate. Ouvre ta bouche, va, qu'il la remplisse du contenu de ses intestins.
J'ai mal au ventre moi aussi, l'empreinte des cadres m'a déformée, mes pieds et ma bouche puent l'enfer de sa trace, de sa substance, de son viol. Je suis laide parmi les laids, petit pois parmi les petits pois, qu'il a mangés, digérés et chiés... Me voilà le déchet de sa puissance, me voilà le reste de ce qui le nourrit, ce que son corps ne veut pas...
Voilà pourquoi donc je ne parviens à fermer cette putain de main droite sur ses boyaux gras... Je glisse, je glisse... Je glisse depuis son cul. Je glisse. Je glisse au centre de la cuvette polluée, le long des barres HLM-dossier-en attente, sur la rampe de la refonte des administrations nationales pour l'emploi des autres. Certains ont réussi à s'accrocher, les serres plantées dans la céramique de l'ascension et font au passage les croches pattes-syndrome du « dernier arrivé » : Après moi, on ferme les frontières, les portes de la ville, du périurbain, de la qualité environnementale ! On ferme ! Coups-de-pieds-croche-patte... Les sans-papier-lotus n'auront qu'à s'étouffer dans la merde du TOUT. On s'en branle ! Je serai le dernier arabe, la dernière famille dans l'herbe. La dernière acception.
Je glisse sur les cœurs poisons de la normalité, cœurs venins qui s'ébrouent des larmes acides de la misère, des mères courage, des culs de jatte du politique. Qui s'ébrouent...
Et le rêve de tes boyaux gras serrés dans ma main-qui-glisse...
T'es qu'une pute française. Qu'un sale arabe. Qu'un assisté au RSA qui mange dans nos souillures en volant notre orge. Tu n’es Que quelque chose, tu n'es que tes interlocuteurs diminués, leur mépris... Tu es la diminution elle-même. Pas un truc de souche, comme la fasciste blonde zoophile qui nous fit rêver autrefois. Une souche... Tu n'es que…
Et ces nègres devenus gens de couleur, là où Aimée échoua sa négritude...
Même une érection du majeur n'est plus en rien Sodome... Chaque jour les journaux rabâchent ces milliers d'informations qui t'embrouillent, se succèdent, se contredisent, s’amoncellent, se superposent, te demandent de réagir, d'être critique, de savoir, de consommer, de participer, de descendre, de monter, de sortir de chez toi, de crier des fois, mais pas trop fort, de se méfier des pesticides, de l'amiante, du thym qui pousse dans les collines — radioactif from Tchernobyl, et les champignons aussi —, des nanotechnologies dans tes produits quotidiens, des gaz à émission de serre, des puces de contrôle, de la crise, des risques climatiques, des microparticules, du poulet aux hormones, des animaux tarés, des oiseaux qui tombent, des abeilles qui meurent. Des abeilles qui meurent.
Et le manant dans l'isoloir... Le banquier lui a pas parlé, lui, des abeilles, quand le distributeur marchait plus, ni du bio qu'il faut manger, d'ailleurs... Qu'il faut manger... Allez, ce sera Marine-sa-race, juste parce que ça les emmerde, et que ça fait plaisir à mémé. Et que ces branleurs d'en bas le font chier, à taguer des A dans des ronds en fumant des joints.
Comment mobiliser les publics sur les territoires ?
Comment mobiliser les publics sur... ?
Comment mobiliser ?
Comment... ?
Des cris fœtaux remontent de la terre lacérée, des griffures aux fers rouille, du tétanos hurlant. Des criards abandonnés par leur ventre ancien, par un ventre cannibale, une rondeur coagulée... Crissements d'ongles occis, maternité félonne... Crissements d'ongles occis... Assassinés, vendus pour deux poignées de riz, de rêve ou de pouvoir, empalés par leurs propres géniteurs sur la baveuse queue tendue du propre et bien pensant, du Monsieur Propre et Bien Pensant, de l'Autre dont la Dame tourne l’œil et gloussaille, de l'Ailleurs qui justifie la fin, qui justifie la faim... Viens t'assoir sur mes genoux, petit, viens. Viens donc, enfant de putains, n'aie pas peur, viens te coucher dans ma-main-le-berceau-du-monde et téter les larmes tièdes de ta servitude, les larmes mièvres. Sois obéissant, et, si tu lèches bien le suc de ce monde, tu mangeras demain. Agenouille-toi, n'aie pas peur. Tu mangeras, petit.
Tu mangeras.
L'aube rouge des femmes berbères, coulée-transe des pleureuses d'Égypte, dégouline sur la toile bleuâtre, sur un décor délavé-las. Les enfants qui prennent l'arme, à gauche, ailleurs... Progénitures devenant larmes, l'autre-le-même, le géant noir... Le Courroux sombre... Le maïs qu'on croque...
Rêve de gloire de revanche. Liberté dans le corps meurtri de l'autre, grillage déchiqueté par une horde de chiens affamés, de chiennes de la rébellion. Liberté dans l'anéantissement, dans son corps décomposé, dans le déchirement de sa chair par des dents usées, pourries, sanguines, dans son cri, dans son reflet sur tes pupilles dilatées, dans l'ancien ricanement d'une bouche retorse. Cette bonhomie d’altérité, barreau que la lime ne scie pas, char d'assaut inarrêtable au contact duquel les pierres se dilatent et fanent, le char aux fusils, porté par des millions de petites jambes aveugles, des moutons-légumes-sous-prosac, des pauvres esprits bios, innocents... Petite course aux pieds meurtris par les éclats de leurs verres brisés...
L'aube rouge gravée au cutter dans le décor bleuâtre des souvenirs d'un clitoris non excisé... D'une petite fille frêle qui peine à pisser toutes les mutilations de son clan, qui les pisse en goutte à goutte, prostrée derrière un buisson, la cicatrice offerte à ses épines, la cicatrice offerte à une Europe qui tourne l’œil en sifflant, l'aube rouge de la petite fille qui te regarde, institutrice-sa-maitresse.
L'aube rouge de l'exil nomade par la transformation de la terre en métal, des fausses œuvres humanitaires, du maintient de la masse dans la famine, des guerres psychologiques et assassines, de la mise à genoux des terres étrangères, des peuples étrangers par les portefeuilles bedonnants... Ceux-là mêmes qui éclaboussent avec leurs décomplexes vils les petits esprits bios dans le tramway, qui les contaminent, « toujours les mêmes », « les Suédois », « tous les envahisseurs successifs » ceux qui devraient « rentrer chez eux », qui sont responsables du chômage, de la crise, de l'insécurité, "ces gueux" sans papiers qui transforment « nos » églises en « porcheries humaines »... Ceux-là mêmes... Anthropophages baiseurs de Thaïlande et des putes de tout âge, tout sexe, et toute nationalité, extirpant du sang de l'ailleurs la viande de leur ventre, la bandaison pédophile de leurs arguments pervers...
L'aube rouge du mineur-au-dos-courbé-au-poumon-noir qui a fini son temps et ne nourrira plus sa famille, de l'ouvrier-has-been qualifié ou pas qui vient d'être vomi dans la même cuvette et qui glisse...
L'aube rouge du « jeune », qualificatif sans nom, qui n'est plus personne, qui n'est que jeune et qui de fait les terrorise, tous ces Autres, ces adultes de l'exclusion, lorsqu'il se permet l'irrespect de parler un peu, l'aube rouge du sans classe, du citoyen sans-qualité.
La gauche est salvatrice et le Front National n'est pas l’extrême Droite...
Baise-moi encore, doucement et fort, comme ça, avec juste ta petite poignée de graviers enfoncée dans chacun de mes orifices ! Avec ton doigt sel qui fouille dans mes plaies !
Baise-moi, poulpe aux milles-verges, je suis la prostate bourrée des enfants de tes pays, le vagin tuméfié qui reçoit gentiment ton foutre ravageur...
L'aube rouge et sombre du grillage d'une burka. L'aube rouge des vieux harkis qui fouillent dans la bouche ensanglantée de leurs rejetons pour en extraire l'hameçon, qui fouillent dans la violence des cœurs acides engendrés.
Rêves de gloire de revanche. La liberté, c'est devenir l'Autre. Recouvrir tous les cris des pleureuses de l'aube rouge qui dégoulinent sur ce décor fade et délavé et te raillent aux oreilles. Tu te lèveras et les oiseaux englués du pétrole de ta bouche se prosterneront devant ton accomplissement. Les donneurs de leçon répandront ta voix, ceux qui se disent classe moyenne et supérieure apprécieront tes détritus, ton auge, tes vies brisées, tes souillures, tes gamelles, tes œuvres d'art contemporain. Et les moutons-légumes-sous-prosac, aussi, les pauvres esprits bios innocents qui portent le char-gagneur-aux-pieds-ensanglantés. Tu te lèveras, leurs armes ingurgitées, digérées, mêlées à ta chair, tu te lèveras cyborg d'une liberté renouvelée. Et tes actes fouetteront le monde du sac et du ressac d'une mer en furie, d'une claque-mistral d'un bouquet d'épines. Et les ventres autrefois nourriciers te vendront leur chair, t'abandonneront chacune de leurs cellules pour deux poignées de riz ou de rêve de pouvoir, empaleront leurs petits sur ta baveuse queue tendue en soif de revanche, occidentale-en-devenir. Tu seras le Monsieur Propre et Bien Pensant, l'Autre dont la Dame tourne l’œil et gloussaille, l'Ailleurs qui justifie la fin, qui justifie la faim...
Individuelle révolution qui est le tour, le tour du cercle, pour revenir au point zéro... Au point de bascule initial. Au cri primaire, au vouloir, à la morsure, à l'arraché... Aux gencives qui saignent.
Viens t'assoir sur mes genoux, petit, viens. Viens donc, enfant de putains, n'aie pas peur, viens te coucher dans ma-main-le-berceau-du-monde et téter les larmes tièdes de ta servitude, les larmes mièvres. Sois obéissant, et, si tu lèches bien le suc de ce monde, tu mangeras demain. Agenouille-toi, n'aie pas peur. Tu mangeras, petit.
Tu mangeras.
Je glisse sur ta figure qui change. Qui régénère celui-là même qui subit autrefois le joug de ta serpe rebelle, les fruits mûrs de l'injustice, de ta résilience. Je glisse sur ton haleine de métal, toi, le pauvre enfant-de-putains-assassiné-rêve-de-revanche.. Je glisse... Le roi est mort, vive le roi !
Individuelle révolution qui est le tour, le tour du cercle, pour revenir au point zéro... Au point de bascule initial. Au cri primaire, au vouloir, à la morsure, à l'arraché... Aux gencives qui saignent...
… Le lendemain qu'il a mangé...
Je glisse...
Je glisse.
Oui, c'est sur... Merci pour ce commentaire, et heureuse de te recroiser! Au plaisir...
· Il y a environ 11 ans ·euonimus
Quel cri ! Un terrible et long cri qui jamais ne s'essouffle !
· Il y a environ 11 ans ·Anne S. Giddey