L'autre
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J’avais tellement pleuré, qu’en me réveillant le lendemain matin, mes yeux ressemblaient à tout sauf à des yeux : des testicules fanées !
Un corset, je songeais…bien serré… histoire d’empêcher mon cœur de gicler. Un corset comme celui que j’avais porté ce jour là, le jour le plus détestable de sa vie, disait-il, quand il parlait de notre mariage.
De plus, le corset est un habille très féminin. J’aime les habilles féminins. J’en achetais souvent par plaisir. Pour Lui plaire. Lui disait pour plaire aux hommes. Peut-être. Pourtant c’est Lui dont l’amour de flattait et aucun autre. Son amour me flattait.
Au début, la vie poussait autour de nous comme un paysage antillais, chaud, frais, généreux. Très vite l’ombre de la verdure tropicale dérodait du monde. Nous étions en exode de la réalité soumis aux commandements de la fusion charnelle et à l’idolâtrie mutuelle.
Nous faisions tout en commun. Nous avions des gouts en commun. Lui aimait l’art, moi, aussi. Dans notre salon, lui écrivait, moi je dansais et ensemble nous allions au CNP d’à côté.
Lui, cultivait d’ailleurs bien l’art de l’angoisse. Il contemplait pendant des heures l’écran de son ordinateur, puis, il ouvrait une page Word sur laquelle il inventait des mots qu’il ponctuait avec la fumée de sa clope. Il écrivait sous l’inspiration des crises émotionnelles qu’il provoqué d’une manière ou d’une autre. Puis, il aimé me lire ses textes pour nous réconcilier d’une manière ou d’une autre.
Son côté anarchiste qu’enveloppait sa sagesse me fascinait. Il s’inventait des contraintes pour s’autoriser à enfreindre à la règle. Pour se sentir libre Il fixait des rendez-vous, incapable d’être à l’heure. Cela lui procurait un sentiment de maitrise et de liberté.
Tout le gênait, sa propre odeur parfois le gênait. Souvent, la mienne, quand il croyait sentir celle d’un autre sur moi. L’autre, les autres l’effrayaient. Il faisait des cauchemars dans lesquels il affrontait tous mes amants. Tous les hommes de la ville.
Il fuyait les réunions, mariages, anniversaires. Cela l’étouffait. Il aimait tout de même être invité pour pouvoir refuser. Il était anti-conventioniste. Il lui plaisait de ne pas plaire. Il pensait plaire encore plus ainsi. Plaire aux plus conventionistes de l’anti. Il m’avait plu de lui plaire aussi dans cette convention tacite.
...
Des mois plus tard, un beau jour, nous nous étions déplus. Nous nous étions retirer l’un de l’autre petit à petit comme un bouchon de champagne que l’on ôte de sa bouteille et qu’on ne peut remettre. Quelle idée ! Une bouteille de champagne n’est pas conçue pour être bu à moitié. Nous ne nous sommes pas aimés à moitié.
Dans mon épuisement de lui, de moi, j’ai rencontré l’autre…je lui avais plu un soir.
Je me suis réveillée tôt pour aller le rejoindre « sous sa couette » comme je lui avais dit dans l’un des SMS du week-end. Sur mon chemin, je me suis arrêtée à la boulangerie pour acheter des viennoiseries. Je ne voulais plus faire plaisir à un autre homme pour le moment. Je me suis forcée, je ne sais pour quelle raison, mais je l’avais fait spontanément.
Je sonne. Il m’ouvre et me laisse le soin de la poussée la porte et de rentrer. Il m’enlace pendent une minute, puis il m’embrasse sur le cou. C’était délassant. Je n’ai senti aucune chaleur dans nos sangs.
Il propose de préparer le café.
La cafetière ronronnait et s’essoufflait des dernières petites gouttes noirâtres qu’elle suait. Comme si elle rendait l’âme. Comme il m’arrivait d’être à certains moments, juste avant que mes yeux se transforment en testicules fanées.
Il me caresse le ventre.
En l’espace de quelques secondes, j’imagine que Lui me caresse le ventre. Un ventre qui porte son enfant.
Un enfant, une infante, une Jawa.
Il faut que j’y arrive. C’est en ayant des souvenirs intimes avec un autre, l’autre pour l’instant, que je pourrai l’éloigner de ma mémoire, désamorcer mon cœur que je sens, va gicler bientôt, encore une fois. Mais cette fois, ce ne sera pas pour un orgasme.
Un orgasme. Je suis venue, ce matin là, chercher un orgasme, probablement. Je voulais me débarrasser de la sensation du piment dans mon vagin que Lui m’avait laissé le jour où nous nous sommes partagés les assiettes, les draps, les livres et l’état des lieux.
…
Je me retourne, je le prends dans mes bras, je laisse glisser mes mains le long de son dos.
Quelle joueuse j’arrive à être par moments !!!
Joueuse.
Il sourit. Je Saigne, mais mon sang ne coagule pas.
Nous buvons le café. Lui, aurait partagé le pain aux raisins en deux et il m’aurait mis une bouchée entre les lèvres suivi d’un baiser. L’autre le dévora sous mes yeux en salive.
Mes yeux salivaient devant cet hidalgo, devant ce pain aux raisins…secs.
Son téléphone sonne. Tout s’assèche.
C’est elle ? L’autre, son ex qui sort avec un autre ? Si c’est elle, ne lui dis pas la vérité; que je suis là; tôt, très tôt du matin pour te voir; mais que tu n’es rien pour moi; que ne suis pas amoureuse de toi. Juste là pour chercher une tendresse que je ne trouve pas. Il hocha la tête. Le principe l’arrangeait bien.
Il était joueur aussi.
C’est quoi cette sonnerie ? Je lui demande assaillie. C’est mon réveil. Une sonnerie progressive. Elle sonne lentement au début puis elle progresse en insistance. Il me la décrivait. Je lui répétais "je sais, je sais". Je savais comment fonctionnait cette maudite sonnerie de son portable.
La même sonnerie, progressive, douce, suivie d’un enlacement avec sa lourde jambe qui m’écrasait la vessie. Lui, souriait pendent que je poussais sa jambe plus bas, le temps d’avoir le courage de soulever la couette pour la vider, ma vessie, et revenir en courant, reposer sa jambe sur mon ventre et sa main sur mon sein.
L’autre, je ne m’étais pas mise sous sa couette, ce matin là, ni vider mon vagin de ce piment qui boursouflait ma blessure.
Noun, 2007