Lavez Maria

Laurent Ottogalli

Comme mon ex-femme déménageait pas mal,

Elle a fini par s’faire la malle, normal…

Alors j’me suis mis en ménage… avec ma femme de ménage :

Ne l’prenez pas mal, elle est pas mal,

Elle est bonne, à tout faire,

A tout prendre, une affaire,

Pour vous la faire,

Vous pouvez repasser :

Elle planche… mais elle n’s’froisse jamais,

Elle rayonne…

 

Devant l’évier, quand elle fait la plonge,  

Vous la verriez, moi je jette l’éponge…

Je rends mon tablier mais le remords me ronge :

Son p’tit tablier est en tissu éponge,

Impec’, parce qu’elle éclabousse,

Les deux mains dans la mousse,

Faisant la vaisselle du jour, en douce,

Elle me fait oublier qu’j’n’ai pas lavé celle d’hier :

Une douceur infinie,

Un peu poète, moi, je m’occupe des verres,

Dès qu’elle aura fini

J’pourrai r’mettre le couvert…

 

 

A la cuisine, ma cocotte,  elle fait tout :

Une vraie sauteuse, elle est partout.

Au poil, des poêles, elle passe à la casserole…

Une vraie « t’es folle »

Mais tellement attachante…

A genoux, élégante, toute en plastique,

Elle prend des gants, et le four elle astique.

Non, en fait, elle n’fait pas tout :

Si elle n’fait plus tapisserie, n’en parlons plus,

Elle n’fait pas non plus de pâtisserie…

En sablés, ma portugaise,

Elle n’y entend rien !

Elle a beau feuilleter des livres de recettes,

Elle reste brisée, le rouleau à la main…

Alors, tout c’qui est pâte elle écarte,

Elle est un peu tarte,

Elle n’est pas très maline,

J’la roule dans la farine

Sur la table d’la cuisine,

Et pendant qu’elle s’échine

J’en profite, j’la taquine :

J’mets la main à la pâte…

 

Devant sa machine à laver, Maria,  elle s’étend,

Nue, normal, ses dessous sont dedans…

Détachée, elle fait la lascive, se détend,

-Attendrissant, adoucissant- des reins sages…

Elle attend qu’elle essore, elle les sort, me les tend :

Faut pas la laisser choir à c’t’instant, j’la soutiens,

Je lui donne un coup de mains, la main à la corbeille,

Ils ont un goût de miel : imaginez l’essaim… les abeilles…

 

Quand elle passe le balai, une maîtresse de ballet :

Un vrai rat d’opéra, qui vivra verra !

Elle vit elle danse, c’est une évidence

Et elle n’aspire à rien de plus !

-C’est ça qui est bien en plus-

Et quand elle s’accroupit

-Ramasser la poussière-

Moi, je me fais tout tapi

Et je baisse les paupières…

Je lui déroule la pelle,

Elle, la balayette,

Là, je la trouve bien belle :

J’n’en perds pas une miette…

 

Mais quand elle fait les vitres,

Là, j’me tiens à carreaux :

Surtout, n’pas faire le pitre !

Sur le dernier barreau,

Tout en haut de l’échelle,

Elle tire la langue, elle s’applique,

Et comme il se doit,

Elle veut plus qu’j’mette les doigts…

Alors, elle chope la tringle, et raccroche les rideaux…

Moi bien droit, je suis debout à l’escabeau,

Je lève les yeux au ciel, regarder s’il fait beau :

Oh ! Oui, y a du soleil, j’trouve qu’il fait très beau…

 

D’temps en temps elle se pose :

Il faut bien qu’elle se repose !

Elle s’effeuille comme une rose,

Je l’accueille, je m’appose :

Jamais elle ne s’oppose,

C’est même elle qui propose, une catin !

Alanguie dans l’grand lit, drap’d’satin,

Ce grand lit qu’elle faisait chaque matin,

Maintenant cette couche, elle s’y couche,

Moi, ça m’touche, elle aussi, ça m’atteint…

 

Maintenant que je suis son mari

J’l’appelle plus Maria mais Marie !

Parce que vous savez quoi ?

Ya de quoi rester coi

Mais quand j’l’appelle Maria

Elle me fait une scène… de ménage…

Avouez qu’ce s’rait dommage…

 

 

 

 

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