L'AVION

marguerite

Regardez-les ! Pressés, toujours pressés ! Le problème c’est qu’ils ne savent pas doser leur potentiel d’urgence. C'est-à-dire qu’ils sont pressés quand c’est inutile, alors qu’ils ne peuvent rien faire pour accélérer les choses ; à contrario, quand il faudrait se bouger réellement, percuter un peu, ce sont ces mêmes mollassons qu’on croise chaque jour, au volant par exemple et qui mettent quinze plombes à démarrer au feu vert.

Regardez ces voyageurs aujourd’hui, en avion. On a à peine atterri qu’ils sont tous déjà debout, en dépit des consignes de sécurité.  Quelle bande d’abrutis, le pilote de va pas faire ouvrir les portes avant d’être arrivé à bon port ! Demandez-leur s’ils descendent souvent de voiture en route. Je serai curieuse de connaître le nombre de réponses positives, ou alors s’ils y en a, je ne veux jamais croiser le chemin de ces cinglés ! Ils sont donc tous debout avec le plus souvent le cou cassé en deux par le manque de hauteur quand on n’a pas la chance d’être installé côté allée mais plutôt vers le hublot. Ils ont l’air malin. Ca aussi c’est une formidable contradiction, en montant dans l’avion ils veulent tous voir le soi-disant paysage en étant assis côté hublot, ils se battraient presque pour ça, tandis qu’au moment de sortir ils maudissent l’employé de la compagnie aérienne qui ne leur a pas attribué le siège côté allée pour quitter au plus vite cet oiseau planeur.

Mais bon, revenons au début du voyage. N’avez-vous jamais constaté à quel point l’être humain est d’un sans-gêne sans bornes ? Ce n’est pas pour rien qu’en général les passagers se voyant attribuer les sièges du fond de l’avion sont invités à entrer en premier afin d’éviter les embouteillages dans l’allée. Et bien non, malgré cette intelligente précaution, certains s’obstinent à vouloir passer en force alors qu’ils sont sensés s’assoir à l’avant de l’appareil. Encore une fois ils sont pressés sans raison, des fois que l’avion décolle sans eux à bord ! Résultat, ils empêchent les autres passagers de circuler aisément, parce qu’une fois à bord, ces crétins prennent tout leur temps pour déposer leurs bagages dans les coffres, bouchant ainsi la seule allée qui mène au fond de l’appareil. Mon Dieu, quelle indiscipline !

Et n’avez-vous jamais remarqué cette passagère qui traverse l’allée avec un énorme sac de voyage qu’elle porte en bandoulière sur l’épaule ? Si, rappelez-vous ! Celle qui systématiquement vous colle un grand coup de sac dans la tête à vous qui êtes déjà assis, côté allée,  à moins d’être le champion de l’esquive crânienne vous ne pouvez échapper à ce mauvais coup du sort. Le pire c’est quand elle stoppe net, se retourne, toujours avec le bagage sur l’épaule, pour vérifier que sa petite famille la suit bien, des fois qu’il y ait d’autres chemins en route…A cette occasion les deux passagers de chaque côté de l’allée se voient gesticuler pour éviter le choc !

Enfin l’avion décolle, je crois pouvoir bouquiner pénard ou même me laisser aller à somnoler après, bien entendu, les traditionnelles recommandations interminables en français, puis en anglais, à suivre en cas de crash. Ces conseils que personne n’écoute pour deux raisons simples : La première, le voyageur prend tellement souvent l’avion qu’il les connait par cœur ; la seconde, le voyageur est tellement stressé de s’envoler qu’il ferme les yeux, crispé, mort de trouille, occupé qu’il est à broyer ses accoudoirs, qu’il n’ose même pas imaginer le pire, alors suivre les instructions reste au-dessus de ses forces. L’hôtesse nous rappelle ensuite que fumer dans les toilettes est un délit. On se croirait alors dans une cour de collège. Sans oublier chaque fois la version anglaise. Auparavant, elle a pris soin de nous décliner son identité, nom, prénom, statut dans l’avion. Ça aussi on oublie et surtout on s’en contrefiche royalement ! Quand on a besoin d’elle on se contente tous de lancer un petit « s’il vous plait Madame » en levant l’index comme à l’école. Un peu de calme mais pas pour longtemps.

Déjà la restauration ambulante est en route. Un peu comme à la plage dans le sud au mois d’août « Chichis ? Pralines ? ». Mais en plus classe cette fois. J’ai droit au « Salé ou sucré ? » qui ne m’aide guère dans mon choix. En même temps je comprends l’hôtesse et compatis. Comment pourrait-elle regarder le voyageur dans les yeux et oser lui annoncer « Biscuit au fenouil ou cake aux fruits confits (type bourre mémère) » ? La pauvre, imaginez un peu. Mieux vaut laisser le suspense et la surprise. Je me contente d’un sucré accompagné de jus d’orange. Basique, tandis que la sexagénaire d’en face demande le détail de l’offre, pour terminer avec un simple café mais, rallongé de lait, avec un demi sucre puis un verre d’eau mais pas trop plein. Généralement voilà ce qui ce passe :

C’est juste ce moment précis que mon voisin « hublot » choisit pour soulager sa vessie. Il veut à tout prix se lever, donc me faire lever aussi alors que le chariot obstrue le passage entre nos sièges et les toilettes. Ne voit-il donc pas qu’il gêne tout le monde ? Ne peut-il pas patienter quelques minutes ? A mon avis, si. Seulement il s’en moque et n’en fait qu’à sa tête. Encore un pressé !

Je n’arrive pas à me concentrer sur mon livre et décide donc de fermer les yeux pour m’assoupir. Ce que je réalise alors, c’est que notre pilote a une conscience professionnelle hors normes, il adore son métier et se croit donc obligé de nous indiquer par micro qu’on survole actuellement le centre de la France. Je suis contente de le savoir ! Ravie même ! D’autant plus que je n’en ai aucune preuve car je suis installée côté allée (à la place dangereuse et gênante) et de toute façon il y a tellement de nuages qu’il serait impossible de vérifier l’information, même par temps clair d’ailleurs, étant donné la hauteur où nous volons… Et le tout dans les deux langues. En clair, une fois de plus on se contrefiche de connaître cette précision. Tout ce remue-ménage m’empêche de me reposer. De toute façon il est trop tard.

L’hôtesse reprend son micro pour nous annoncer la descente imminente. Encore une fois nous sommes dérangés pour entendre cette information qui pourtant semble évidente. On le sent naturellement et de toute manière, une fois en l’air, il faut bien qu’on rejoigne la terre à un moment ou un autre. C’était notre but en montant dans cet avion. C’est donc logique et pas la peine de le préciser ! Laissez-nous enfin tranquilles !

Mais l’apothéose, le point de non-retour, est atteint quand un crétin de passager commence à applaudir le pilote à l’atterrissage et que tous les autres moutons l’imitent. Du grand n’importe quoi ! N’est-ce pas son job à ce pilote de décoller, voler et atterrir sans encombres ? Réfléchissez une seconde. Vous arrive-t-il souvent d’applaudir la caissière du supermarché qui vous rend correctement la monnaie ? Applaudissez-vous souvent votre médecin qui vous délivre une ordonnance qui correspond bien à votre mal ? Ou encore votre garagiste qui fait la vidange de votre véhicule ? Moi, ça ne m’arrive jamais. Serais-je un cas unique dans ce monde ? Je n’en ai pas conscience en tout cas.

Figurez-vous que tout ceci peut se passer en une heure de vol. Impressionnant, non ? Vérifiez par vous-même et tentez un Paris-Nice, par exemple et vous verrez que c’est la vérité.

Mettez-vous une seconde à la place du voyageur très régulier, bilingue de surcroît, assis côté allée, au fond de l’avion, non fumeur, et affamé. Remémorez-vous tout ce que je viens de vous raconter, et admettez qu’il est vraiment à plaindre !! Bon vol !

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