L'avion de Billy-Bob

mno

Histoire noire et même pas drôle #5

      A treize ans, Billy-Bob avait invité Suzie à la fête foraine, Suzie c'était la plus belle fille de l'école et elle avait presque un an de plus que lui, alors il avait mis le paquet: balade romantique, Mc-Do, train fantôme, barbapapa, il lui offrit même des cigarettes qu'il avait acheté pour l'occasion. Ça marchait plutôt bien, elle l'avait laissé caresser ses seins sur la grande roue, c'est quand elle a voulu aller se faire dire l'avenir dans une roulotte à la con que ça a merdé pour lui.

       La foraine déguisée en vielle gitane n'avait rien dit d'original pour Suzie, elle tomberait amoureuse d'un bouseux du coin, l'épouserai, lui chierai quelques marmots et crèverai sans jamais avoir quitté son Kentucky natal. En saisissant la main de Billy-Bob elle sursauta, elle se mit à parler très vite, sans pouvoir s'arrêter, elle semblait en transe, elle tremblait, suait, puis elle perdit connaissance. Billy-Bob et Suzie s'enfuirent, elle rentra chez elle, Billy-Bob ne la suivit même pas. Il n'avait pas tout compris au charabia de la vielle, mais elle lui prédisait une vie courte, elle parlait d'un avion qui s'écrase, elle avait répété plusieurs fois la date de sa mort, il aurait à peine dix-neuf ans.

        Le lendemain Billy-Bob fit son sac et partit à pied, s'il devait mourir jeune autant profiter de la vie, les ploucs qui lui servaient de parents avaient déjà trois autres garçons et deux fillettes, alors un de plus ou de moins… Il ne savait pas où aller, New York lui sembla alors une bonne destination.

         Six ans plus tard il s'était installé à New York, il avait même un petit boulot de garçon de bureau à Manhattan. Comme il avait du mal à trouver un logement pas trop loin, le concierge de l'immeuble dans lequel il bossait, le laissait garer son van au dernier étage du parking souterrain, il l'avait aménagé et à condition de ne pas y faire de cuisine, le concierge le laissait squatter. Billy-Bob ne croyait plus à ce que lui avait dit la vieille de la foire, mais ressentait quand même une drôle d'angoisse, c'était précisément le jour où il devait mourir d'après elle. Billy-Bob travaillait de nuit en ce moment, il serait bientôt huit heures du matin et il descendait se coucher dans son van, tout en bas. Les parois lustrées de l'ascenseur lui renvoyaient son reflet, il se sourit et se dit pour se réconforter:

-Non, Billy-Bob, tu vas pas mourir d'un accident d'avion le onze septembre deux mille un…


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