Le bestiaire

Laurent Ottogalli

Vous vous demandez pourquoi cet air miné ?

Moi aussi, mais c’est ainsi, c’est terminé.

Elle me l’a dit juste hier

En me laissant au bestiaire…

Pourtant, j’étais son best of the best avant-hier.

Vous, vous trouvez qu’j’ai l’air bête ?

En tout cas, en toucan, on s’embête, on s’sent bête

Dans c’carnaval – de grâce des animaux,

Privés de cinq sens…

Y’a de tout dans c’bestiaire : cette pension animale

Recueille ceux qui ont mal, compassion animale…

Pour décrire toutes ces bêtes,

J’vais sortir mon pense-bête, vous pensez, pas bête…

(Quand j’pense, pis qu’j’oublie, c’est bête.)

 

Quand on entre dans c’bestiaire, on s’croirait dans des serres exotiques.

Il y a là un vieux singe qui grimace, mais d’douleur,

Au crocodile en larmes, qui l’accoste.

Un vieil ours solitaire, un ours mal laissé, plantigrade dégradé,

Une girafe au long cours, mal peignée,

Un cobaye, qui bâille, qui ne sert plus,

Un zèbre pas très drôle,

Un éléphant sans défense qui a perdu sa mémoire :

Du coup, il se trompe…

Un lama qui médite : « À quoi sers-je? »

Un autre qui tient le crachoir, mais l’évite…

Un chameau privé de désert,

Un chamois à vieille peau, toute lustrée,

Un loup qui hurle avec les autres,

Un lynx qui ne dort plus qu’d’un œil,

Un manchot qui attend demain,

Un castor qui s’mord la queue,

Un blaireau qui se rase…

 

Y’a aussi des drôles d’oiseaux dans c’bestiaire…

Des drôles d’oiseaux indexés, mais sans ailes :

Un hibou qu’est pas chouette,

Une cigogne sur l’retour,

Un corbeau, anonyme, qui s’écrie « Qui est qui ? »

Un vieux cygne au fond du lac,

Un flamant morose, qui fait l’pied d’grue,

Un pigeon pas très gros, de petit poids,

Un moineau sans cervelle, qui perd la tête,

Un perroquet plumé, qui s’répète,

Une pie qui n’vole plus, au secours !

Une vieille poule toute mouillée,

Un paon, sur le bec, qui s’dit flûte,

Une perdrix qui se caille,

Un canard, boiteux sans sa cane, qui s’marre plus…

 

Y’a aussi des animaux de compagnie,

Dans cette compagnie d’animaux :

Un vieux chat tout miné,

Quelques chiens qui s’regardent, sans vaillance,

Parmi eux un boxer, KO

Un cheval désarçonné,

Un lapin, posé, plus très chaud,

Un mouton, à 4 pattes, qui broie du noir,

Un bœuf, sans effet, qui trouve c’la vache,

Un vieux bouc qui devient chèvre…

Un vieux rat, qui sourit plus,

Une brebis égarée, toute perdue…

Un cafard qu’a l’bourdon,

Un bourdon qu’a l’cafard…

 

Y’a aussi des poissons, mais c’est assez,

J’vous embête, je l’vois bien,

J’finis par vous lasser, vous voulez que je vous laisse…

J’vais r’tourner au bestiaire,

Je prenais juste un peu l’air, en tirant sur ma laisse,

Mais cet air miné…

 

Vous voudrez bien fermer derrière moi ? 

 

 

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