le bouton de Woody

Catherine Pessin

Le bouton de Woody

19h.

Sur la Croisette, c’est l’heure du Tapis Rouge.

Les badauds sont là depuis midi.

Ce soir, c’est du lourd. Woody Allen en scène pour la parade people.

Les photographes se pressent au premier rang, assis, à genoux ou sur un escabeau.

Parmi eux, Philibert, figé face à l’axe de la bande rouge.

 19h17

Clameurs, applaudissements, cris d’amour et d’hystérie.

Woody apparait, le sourire vague, l’allure étrange. Il descend à pas lents au bras d’une jeune nymphe – la dernière née de ses pellicules.

Philibert est concentré, l’objectif obscène, l’œil droit soudé au viseur.

Woody est visé juste, mais justement là où il ne faudrait pas.

Un détail foudroie Philibert, obligé de cadrer large pour le dissimuler.

Woody s’est trompé de bouton !

Il a mis Pierre avec Paul ou plus exactement Scarlett avec Diane.

Sur sa chemise blanche, l’outrage est irréparable.

Mais tans pis !

Philibert  mitraille le cinéaste, pensant qu’au montage il aura l’habileté de corriger la faute de goût.

Et puis après tout, c’est Woody !

Le lendemain, la planète entière s’émeut de la photo de Woody Allen sur la Croisette.

« Oh, il s’est trompé de bouton et personne ne lui a dit ! s’exclame– t- on. Quel charme ! »

 Depuis ce jour, Philibert prend toujours soin de se tromper de bouton avant de rejoindre le staff du Service Presse.

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