Le Cabaret Bougeotte

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Nina Simone chantait. Sa voix chaude couvrait le ronronnement du moteur depuis une trentaine de kilomètres maintenant. Elle emplissait l’habitacle du véhicule d’une atmosphère jazzy, d’un air de liberté, d’une dose de joie agrémentée d’une pincée de nostalgie, qui donnait envie de rouler encore et encore. Le chaud soleil de juillet emplissait un ciel bleu sans nuage. La voiture, une familiale grise au pare-brise vérolé de mouches et moustiques, habillée de vélos d’enfants à l’arrière, filait sur l’autoroute A666 à bonne vitesse.

Vincent avait le sourire. Un œil sur la route, l’autre sur ses songes. Il  tenait le volant dans ses mains, maintenait le cap, appuyait sur les pédales, profitait de la musique mais pensait avant tout et surtout à sa destination. « Gîte de charme pour 4 personnes dans un village de rêve au pied des montagnes en bordure d’un lac ». L’annonce lui avait plu au premier coup d’œil, les photos envoyées par le propriétaire avaient fini de le convaincre. Baignades et farnientes. Cônes glacées pour les enfants, mojitos pour les parents. L’endroit idéal pour oublier la pression du travail. Une opportunité rêvée de reconnecter avec celle qu’il aime. C’était ainsi que Vincent s’imaginait ses deux semaines de location et il comptait faire de son mieux pour qu’elles se passent comme prévues. Les derniers mois n’avaient pas été faciles. La crise, même si elle n’avait pas frappé à leur porte, avait fait craindre le pire au couple. Il y avait eu des interrogations, des frictions et même une grosse dispute quelques mois auparavant. Mais aujourd’hui, tout cela était du passé. Il posa une main sur le genou de son épouse et lui fît un clin d’œil complice. Elle répondit en prenant la main aventureuse de Vincent dans la sienne. Il aimait ça. Aujourd’hui, malgré la fatigue qu’on pouvait lire sur son visage de quarantenaire, malgré ses quelques kilos de trop, il était beau. Sa barbe de trois jours lui donnait un air de baroudeur. Il aimait ça. Ses cheveux étaient en bataille et il aimait ça aussi. Aujourd’hui, c’était le premier jour des vacances. Il adorait ça.

Sur le siège passager, Marie, charmante blonde au visage hitchcockien, élégante et soignée, ne quitte l’horizon des yeux que pour jeter des coups d’œil dans le rétroviseur intérieur. De son siège, elle peut observer ses enfants installés à l’arrière. Ruben, calme comme à son habitude, lit. Sans doute, un recueil de mythes et légendes, son genre favori. « Petit singe des étoiles », comme elle aimait le surnommer, passait son temps dans les allées de la bibliothèque municipale. Il y était la veille du départ et était revenu avec six livres. Une bande-dessinée, une méthode d’initiation à la magie, trois romans et un manuel de survie. Il les gardait précieusement dans son sac à dos qu’il ne quittait que pour dormir.  Marie afficha un sourire en repensant à cette fois où elle l’avait surpris sur les toilettes en revenant du travail. Son pantalon n’était pas abaissé, il avait son sac à dos sur les genoux et bouquinait un manuel d’échecs tout en prenant des notes sur un calepin à petits carreaux. « Tiffany fait trop de bruit. Ici, c’est presque calme » avait-il dit avec un sérieux déroutant pour un enfant qui fréquentait encore l’école primaire. « Petit singe des étoiles » allait rentrer au collège en septembre et deviendrait, sans aucun doute, un génie ou un écrivain si l’on écoutait sa mère. Tiffany ne lui ressemblait pas vraiment. Elle adorait la mode, la musique trop forte et les guitares saturées. Elle était loin d’être bête mais le cachait bien. Elle était le type même de la beauté californienne. Fille longiligne au bronzage parfait, visage de poupée, taches de rousseur sur les joues, longue chevelure ondulée aux reflets de soleil. Elle rêvait d’une vie d’artiste : chanteuse, actrice, mannequin ou peintre. Elle ne savait pas encore mais elle répétait sans cesse qu’elle était une saltimbanque dans l’âme et vivrait une vie de bohème. Elle voulait partir aux Etats-Unis, sur la Côte Ouest, et y faire carrière. A défaut de Los Angeles, quand sonnait la fin des cours, Tiffany allait souvent boire des verres au Manhattan, un bar près de son lycée, en rêvant à son glorieux avenir américain.

Marie aurait pu se moquer de sa fille si elle ne se retrouvait pas tant en elle. Durant sa jeunesse, la mère sérieuse des temps présents avait les mêmes envies. Elle, aussi, voulait brûler les planches et s’afficher en première page des magazines. Mais Marie avait rencontré Vincent, était tombé amoureuse, s’était marié et avait fait des enfants. Une autre vie. Un conte de fée sans cheval blanc et château fort mais avec un pavillon en périphérie d’une ville française de taille moyenne et un prince charmant toujours fou d’amour après vingt ans.

D’une voix mal assurée, Tiffany interrompit les pensées vagabondes de ses parents :

-          Je crois que j’ai besoin d’aller aux toilettes.

-          Tu crois ou tu en es sûre ? taquina son père.

Tiffany ne prit pas la peine de répondre. Elle se contenta d’un long soupir, synonyme d’exaspération face à l’humour « pas fun » de son père (expression qu’elle emploie au moins trois fois par jour si l’on en croit Ruben qui aime compter, référencer et noter toutes sortes de choses).

-          Ton père va s’arrêter. Ne t’en fais pas. J’ai vu un panneau il n’y a pas deux minutes annonçant une aire de repos dans dix kilomètres, dit Marie d’un ton rassurant.

-          Peut-être même qu’on y mangera. Je commence à avoir faim. Et puis, je ne vais quand même pas te laisser tâcher mes sièges ! plaisanta Vincent qui en réaction obtint un sourire de son fils et un nouveau silence de sa fille.

Moins de dix minutes plus tard, Vincent rétrograda pour s’engager sur l’aire de repos. Le panneau bleu qui indiquait « Aire du Cabarey » était accompagné par des pictogrammes indiquant la présence d’espace vert, de tables pour déjeuner et de toilettes. Pas de pompes à essence, pas de boutique et encore moins de restaurant si l’on en croyait la signalétique. Devant la voiture, une route dans un état plus que douteux ne permettait pas de rouler bien vite. Le véhicule trottinait en seconde, sans se presser, évitant un nid de poule puis le suivant. La route en était constellée. Les poubelles débordaient attirant des nuées de mouches virevoltantes autour des déchets. Certaines tables n’avaient plus de bancs à leurs côtés.  A croire que les services d’entretien de l’autoroute avaient oublié de passer par ici depuis un bon moment déjà. La première impression se confirma quand la famille put voir ce qu’il en était du bâtiment qui abritait les toilettes. Tagué du sol au plafond d’inscriptions bizarres et illisibles, graphiques sans être esthétiques, il ne donnait aucune envie d’y mettre les pieds.

-          Pas question que j’aille faire là-dedans. C’est glauque.

-          Dehors, derrière un arbre ? Entre les portes de la voiture ? proposa le père.

-          Tu rêves, claqua-t-elle sèchement.

Vincent bouillait intérieurement. Il connaissait sa fille et savait qu’elle ne céderait pas. Il ne fallait pas s’énerver, chercher une alternative. Pas question de compromettre les vacances parfaites. Et surtout rester calme.

-          Très bien. Je vais fumer une cigarette et on se remet en route. Jeune fille, pas question que je t’entende réclamer un nouvel arrêt dans l’heure qui suit. Compris ? décida le père.

-          Toute façon, j’ai même plus envie. On a trop attendu, osa Tiffany.

Cette fois, ce fût Vincent qui garda le silence. Il sortit du véhicule, prit une cigarette dans le paquet qu’il gardait dans les poches de son pantalon et l’alluma. Pour la fumer hors du regard des enfants, il décida de s’éloigner un peu. Ne pas montrer le mauvais exemple. Et puis après tout, quelques pas ne pouvaient pas lui faire de mal après plusieurs heures, assis, derrière un volant. Machinalement, sans s’en approcher, il contourna le musée sur murs de briques à l’odeur d’urine et fît quelques pas pour voir ce qui se cachait derrière. Il n’en revint pas. Là-bas derrière, à une cinquantaine de mètres, il y avait une autre construction à l’enseigne clignotante : « Le Cabaret Bougeotte » brillait de milles ampoules, bleues pour les lettres, rouges pour le contour. Devant une poignée de motos, deux camions de transports, un camping-car et quelques voitures attendaient que leurs propriétaires aient fini de casser la croûte. A cet instant précis, Vincent se rappela qu’il avait faim. Son ventre émit un long gargouillement pour approuver. Il lança sa cigarette au sol, l’écrasa d’un coup de talon et retourna vers sa famille un sourire aux lèvres.

-          Pas question que je mette un pied là-dedans, lança Tiffany. Ça fait trop rétro ton truc ! On dirait les années 70. Je les ai vues dans un film et ça ressemblait trop à ça.

Garé devant le relais routier à l’enseigne datée, Vincent n’écoutait plus vraiment sa fille. Elle n’était jamais contente et faisait tout pour se rendre plus bête qu’elle ne l’était. C’était récurrent, usant même parfois mais rien ne pourrait l’empêcher d’aller manger un morceau. Cet endroit était un don du ciel que personne dans la voiture ne s’attendait à voir ici. Ruben, lui, gardait le silence. Caché derrière son casque de mèches brunes, il avait rangé son livre dans son sac à dos et se tenait prêt à descendre. Marie tenta vainement d’insister un peu pour que sa fille les accompagne, elle proposa même de lui ramener un sandwich ou une boisson fraiche (« un soda peut-être ? ») avant d’abandonner.

-          Tu sais bien que je ne bois pas de boissons gazeuses, c’est plein de sucre. Et non, je ne veux rien qui vient de ce truc tout rétro. Ça craint comme endroit ! décomposa la blonde sans oublier d’épeler clairement chaque syllabe.

Personne n’eut ni le courage ni l’envie de la raisonner. Encore une fois, Tiffany était dans un de ces jours où il fallait la prendre avec des pincettes. Ils étaient de plus en plus nombreux au fur et à mesure qu’elle avançait dans l’adolescence et tous les autres membres de la famille priaient pour que cela s’arrête au plus vite. Sans un mot, père, mère et fils sortirent de la voiture et allèrent vers le relais routier.

                L’extérieur ressemblait au restaurant libre-service qu’on pouvait trouvait sur les zones commerciales. Grandes vitres pour laisser entrer la lumière. Grandes vitres pour donner envie d’entrer. Contrairement au reste de l’aire de repos, l’endroit semblait parfaitement entretenu. Rien ne débordait des poubelles. Des cendriers attendaient les fumeurs et on ne voyait aucun mégot de au sol. Même si elle pouvait surprendre au premier abord, l’enseigne clignotante donnait une impression de chaleur. L’ensemble donnait envie d’entrer, envie d’aller se reposer un peu, boire un verre ou deux, manger, souffler avant de reprendre la route. « Le Cabaret Bougeotte » ressemblait fort à un havre de paix perdu sur l’autoroute A666.

                Installé en famille à une table, Ruben attendait patiemment son plat. La famille moins Tiffany avait passé commande quelques minutes plus tôt. Entrecôte-frites pour le père avec une bière pression pour arroser l’ensemble. Une salade césar et ses toasts de chèvres plus eau pétillante pour la mère. Purée-jambon accompagné d’une limonade pour le fils. En dessert, de la glace – un mélange chocolat-fraise avec de la chantilly et des cigarettes russes.  Ses pieds ne touchaient pas le sol. La banquette était trop haute. Son sac lui collait la jambe (généralement sa place lorsqu’il n’était pas sur le dos de l’enfant). A ses côtés, ses parents parlaient sans faire vraiment attention à lui. Comme souvent, il les écoutait d’une oreille discrète. Ils évoquaient les choses qu’ils feraient durant les deux semaines à venir. « Une randonnée. Entamer un nouveau livre, un thriller sans doute. C’est bien ça l’été, les thrillers. Passer une soirée à deux. Ah oui. Ça serait parfait ça. On pourrait aller se faire un bon restaurant ou une table gastronomique. Avec un bon vin pour arroser ça, non ? » Les voix s’entremêlaient. Le jeune garçon ne faisait plus attention à ce qui se passait à sa table. Il observait les autres clients. Il y en avait des grands, il y en avait des petits. Des vieux et des plus jeunes mais il était sans aucun doute le dernier né de l’endroit. Dans un coin, il avait repéré un couple de bikers. L’homme, aussi grand qu’un géant, portait sur le crâne un foulard noir couvert de squelettes et du cuir noir des épaules aux pieds. Sa compagne portait du cuir elle aussi. L’un et l’autre se fixait en dévorant à pleine dents des pillons de poulet. Il y avait aussi une serveuse malingre aux cheveux clairs et traits tirés qui semblait avoir besoin de quelques heures de sommeil ou au moins d’un bon café accompagné d’une bonne dose de vitamines. Derrière la caisse, un petit bonhomme aux cheveux rares faisait aller entre ses doigts des billets. Il faisait les comptes ou vérifiait la caisse. Au loin, Ruben percevait vaguement le bruit des cuisines ou se l’imaginait : entrechoquements de casseroles, crépitements de la viande sur le grill et les sifflotements du cuisinier. De la musique peut-être. Une radio ? Oui, une radio surement. Pour couronner le tout, ça sentait bon. Odeurs d’épices et parfum de tarte se mélangeaient à l’air du relais routier pour faire saliver la clientèle. Ruben n’y tenait plus. Lui aussi avait faim et il fût presque soulager de voir la serveuse (pas la blonde malingre, une petite brune rondouillarde et souriante) venir dans leur direction, les bras chargés de plateaux.

C’est en silence qu’ils mangèrent. Ils se régalèrent tous les trois et n’en laissèrent pas une miette. Une fois le dessert fini, Vincent termina son café d’un trait. Il était temps d’aller rejoindre Tiffany. Marie prit un portefeuille dans son sac à main et le tendit à son époux en disant :

-          Tu peux aller payer. Il faut que je passe aux toilettes.  Avec les tickets restaurants si possible.

Vincent prit le portefeuille et acquiesça. Il resta assis encore quelques instants pour regarder son épouse s’éloigner. Encore et toujours sous le charme de sa belle. Une fois à la caisse, il paya en liquide (puisque le restaurant ne prenait pas les tickets restaurants) et échangea quelques banalités avec le caissier sur le temps clément de ce mois de juillet, l’état déplorable du reste de l’aire de repos et surtout le nom surprenant de ce magnifique relais routier. Ne voyant toujours pas Marie revenir, le père et le fils était alors sorti pour rejoindre la voiture. Bizarrement, une fois dehors, Vincent n’était plus capable de se souvenir des réponses du caissier aux questions qu’il avait posé. « Mais qu’importe. Ce n’était qu’une discussion banale avec quelqu’un qu’il ne reverrait jamais. »

                Marie se lava les mains, les sécha et se prépara à sortir quand son attention fût attiré par une affiche aux couleurs criardes et fluorescentes. GRANDE AUDITION AU CABARET ! TOUS LES TALENTS PEUVENT S’Y ESSAYER ! TOUS LES HUMAINS PEUVENT TENTER LEUR CHANCE ! PRIX MULTIPLES ! C’EST LA CHANCE DE VOTRE VIE !  … Elle avait la vague impression qu’on l’attendait mais elle ne se souvenait plus qui. Ça ne devait pas être important. Sinon elle n’aurait pas pu oublier aussi facilement. « En plus, si c’est la chance de ma vie, je ne peux pas rater ça. J’en ai toujours rêvé de la chance de ma vie. »

Quand Vincent et son fils entrèrent dans la voiture, Tiffany quitta à peine son écran des yeux. Elle jouait à un jeu où une bille devait voyager au travers d’un parcours semé d’embûches. Elle ne parlait pas et les garçons firent de même. Vincent, trouvant le silence pesant après quelques minutes, mit le contact et monta le son de l’autoradio. « Ma fille boude. Mon fils lit. Ma femme est aux toilettes. J’écoute de la musique. La vie normale d’un père de famille sur la route des vacances d’été » Une dizaine de minutes plus tard, quand Nina Simone eut chantée trois ou quatre de ses tubes, Vincent commença à s’inquiéter. « Mais qu’est-ce qu’elle fait ? C’est pas possible d’être aussi longue aux toilettes.» La famille n’attendait plus que Marie pour enfin se remettre en route. Quelqu’un chose devait la retenir. Peut-être ne se sentait-elle pas bien ? Pour en être certain, il n’y avait qu’une solution.

-          Je vais voir ce que fais votre mère. Ne bougez pas d’ici, dit-il en quittant le siège conducteur.

Il n’avait pas fait cinq mètres en direction du « Cabaret Bougeotte » qu’il entendit claquer une porte de voiture derrière lui. Quelques instants plus tard, Ruben était à ses côtés.

-          Je t’accompagne,  Papa.

Vincent regarda son fils et acquiesça d’un mouvement de tête. Il se retourna vers la voiture pour essayer de croiser le regard de sa fille. Tiffany, toujours assise, les fixait en haussant les sourcils. Il lui fît un signe de la main pour qu’elle les rejoigne. Derrière sa vitre toujours close, elle secoua le doigt de gauche à droite pour signifier qu’elle ne viendrait pas.

-          Quelle tête de mule ! Je ne sais pas de qui elle tient … commença le père de famille.

-          Mamie dit qu’elle tient ça de toi, coupa innocemment Ruben.

Vincent passa une main sur la tête de son garçon et frotta les cheveux avec bienveillance, un sourire aux lèvres.

-          Allons chercher Maman et mettons-nous en route. Je suis pressé de le voir ce gîte ! conclut-il.

Quand le père et le fils entrèrent dans le « Cabaret Bougeotte », la fille les regardait encore de la voiture. Quelques secondes plus tard, elle avait de nouveau oublié le monde extérieur pour se concentrer sur son téléphone portable et ses jeux.

Ruben, la main dans celle de son père, stoppa net lorsque la porte du relais routier se referma sur eux. Ce n’était plus pareil, les odeurs, les employés et même certains des clients étaient différents. Il ne semblait plus rien y’avoir de normal dans le « Cabaret Bougeotte ».  Il tira la manche de son père, leva des yeux sceptiques sur celui-ci et dit d’une voix timide :

-          Y’a quelque chose qui cloche, Papa.

Il commençait à faire drôlement chaud dans la voiture malgré un ciel de plus en plus gris. Tiffany en avait ras le bol d’attendre. « A ce rythme-là, la pluie arrivera avant nous au village ! Pourquoi on va jamais dans des endroits cools ? St Barth, Ibiza ou L.A. ! Y’a jamais d’averses dans la Cité des Anges, jamais de catastrophes, de tsunamis, de tremblements de terre là-bas ! Los Angeles, ça, c’est des vacances fun ! » Elle en avait ras le bol d’entendre le moteur tournait. Elle en avait ras le bol des chansons de son père. Elle ne savait pas depuis combien de temps elle attendait, elle ne savait pas depuis quand on l’avait laissé seule. Elle en avait aussi ras le bol de ça. « Peut-être que j’ai été bête. J’aurais dû accompagner Papa et Ruben lorsqu’ils sont retournés chercher Maman. J’aurais pu en profiter pour prendre un panaché. Maman aurait été d’accord, ça, c’est certain. Enfin, peut-être quoi. » D’un coup, elle décida qu’elle ne voulait plus être dans la voiture. Elle ne voulait plus jouer sur son téléphone portable à un jeu débile. En plus, elle n’avait même pas de réseau ici. Elle ne pouvait pas téléphoner à Amélie, sa meilleure amie, ou Tib’, son meilleur pote (qu’elle aimait en secret mais qui n’était pas assez vieux pour elle – comprendre : il n’avait pas encore le permis de conduire). C’était nul ici. Elle ne voulait pas être ici. C’était nul d’être seule. Elle ne voulait pas être seule. Elle voulait être avec Ruben, avec Papa, avec Maman. N’y tenant plus, Tiffany ouvrit la portière et descendit du véhicule. Pour être certaine d’être la plus belle, elle n’hésita pas à perdre quelques secondes. Elle s’admira dans le rétroviseur côté passager, replaça quelques mèches de cheveux, remonta les manches de sa chemise vichy, sautilla dans son minishort pour qu’il se place bien et tira ses chaussettes blanches jusqu’à mi mollet. Une fois satisfaite de son apparence extérieure, la belle fît un quart de tour vers le relais routier et enchaîna les pas sans omettre de remuer le bassin de gauche à droite - comme elle s’amusait à le faire, dans la cour de récréation, avec ses amies lors de l’année scolaire – juste assez pour se faire remarquer. Tiffany eût à peine le temps d’avancer de quelques mètres qu’elle fût projetée en arrière par le souffle d’une explosion silencieuse. Sonnée, elle se retrouva au sol, sur les fesses, les cheveux devant les yeux.  Le moteur de la voiture tournait encore. Nina Simone chantait toujours. D’une main, elle écarta une mèche pour y voir plus clair. Libérant un œil bleu couleur océan indien par temps clair, elle regarda face à elle. Le relais routier avait disparu. Là où se tenait encore quelques minutes plus tôt le vieux bâtiment, il ne restait rien. Rien à part quelques arbres et un million de brins de gazon fièrement dressés.

-          Oh ! Pu…naise. Pas fun, lâcha l’adolescente avant de se mettre à pleurer.

Episode 1 : C’est le moment du départ en vacances pour Vincent et sa petite famille. Après des kilomètres, une pause semble nécessaire lorsque l’heure du déjeuner approche. Au moment de sortir de restaurant,  Marie, épouse et mère, passe par les toilettes. A l’extérieur, Vincent s’inquiète lorsqu’il ne la voit pas revenir.

Episode 2 : Dans un « Cabaret Bougeotte » fort différent, Vincent et Ruben se voit expliquer les règles de la maison et apprennent que Marie, en loge, se prépare pour son audition.  Pour rester, eux aussi, vont devoir passer sur scène. De nouveaux arrivants à l’allure particulière font leur entrée dans les murs de ce qui fût un relais routier.

Episode 3 : Alors que la salle se remplit et commence à gronder d’impatience, Marie, à l’arrière, répète une dernière fois son numéro. Concentrée, elle remarque à peine l’homme brun et le petit garçon qui viennent d’arriver en loge. Pourtant, eux semblent la connaître. Le spectacle commence.

Episode 4 : Après un échange difficile, Marie reprend ses esprits. Alors que les numéros   s’enchaînent, les membres de la famille se démènent pour repousser leur passage face au public. Ils cherchent à prendre la poudre d’escampette et y arrivent. Une fois à l’extérieur, ils restent sans voix en se rendant compte que l’aire de repos n’est plus là. De même pour leur fille.

Episode 5 : Tiffany, toujours sur le parking, est en larmes lorsqu’elle se fait surprendre par un joggeur en sueur qui cherche le « Cabaret Bougeotte ». Elle lui raconte son histoire. Il avoue qu’il a un moyen infaillible pour trouver le relais routier. Pour retrouver sa famille, Tiffany va devoir passer derrière le volant pour un trajet dangereux.

Episode 6 : Revenus dans le relais routier, Vincent, Marie et Ruben n’ont plus le choix. Ils devront aller sur scène, passer une audition face à cet inquiétant public. Sans bien comprendre les enjeux, sans y être préparé, Vincent entre en piste. Marie, inquiète, encourage Ruben à travailler son numéro puis quitte les loges pour aller faire son show sans avoir vu revenir son époux.

Episode 7 : Dans les loges, Ruben sympathise avec un autre concurrent. Plus vraiment humain depuis quelques centaines d’années, le nouvel ami de l’enfant lui donne quelques conseils et « secrets d’artistes » pour surprendre son audience. Adouci par le gamin, le vieux show man, va jusqu’à offrir son meilleur tour à Ruben.

Episode 8 : Après quelques complications, Tiffany et Mercure, son compagnon de voyage, rejoignent enfin le « Cabaret ».  La jeune fille entre pour la première fois dans l’endroit tandis que Mercure va livrer son message à la Direction. Entre le messager et l’autorité, l’échange est vigoureux. Alors que Tiffany découvre l’intérieur et ses occupants, Ruben entre en scène.

Episode 9 : Le garçon clôture la soirée d’audition. Pas brillant durant les premières minutes de sa représentation, Ruben finit par prendre confiance en lui allant même jusqu’à surprendre le public lors de son grand final. Les résultats sont annoncés.

Episode 10 : Face à un choix compliqué, Ruben ne sait que faire. Sa sœur aînée prend les devants et lui simplifie la tâche en prenant la décision. C’est une famille diminué qui rejoint la voiture. Ceux qui sont revenus du « Cabaret Bougeotte » finissent par reprendre la route. La Direction annonce la fermeture du relais routier jusqu’à nouvel ordre sur demande de l’Autorité.

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