Des toilettes, une cabine téléphonique et une poubelle

couffy

Épisode 1 :

Des toilettes, une cabine téléphonique et une poubelle

Mon pied appuie sur l'accélérateur, pédale qui se plie à ma volonté faisant hurler le moteur de ma caisse. Je dépasse la voiture en face de moi en klaxonnant, tout en regardant ses passagers. Je tombe sur le regard agacé de mon père et celui amusé de ma sœur qui me lance un geste vulgaire de sa main. Un doigt levé fièrement qui me fait éclater de rire avant de ralentir pour me remettre derrière l'Aston Martin Vanquish de mon père – le genre de bagnole à faire crever d'envie les voisins.

J'appuie d'un doigt rapide sur le bouton pour augmenter, sans avoir été engloutie, une capote usagée flotte et, à ses côtés, une photo.

Celle d'une fille habillée de noir, des chaussures à talons et un sac rouge comme accessoires. Elle a les bras levés vers un foulard multicolore qui s'envole dans le vent et ses lèvres s'étirent en un sourire amusé. Son regard heureux et insouciant regarde le morceau de tissu s'éloigner d'elle.

Ce regard qui me donne des frissons d'étonnement. Ce regard que j'ai l'impression d'avoir toujours connu. Ce regard qui me noue l'estomac.

Ce regard qui est celui de mon auto-stoppeuse disparue.


Articulation qui présente les 9 autres épisodes :


Épisode 2 : écrit du point de vue d'Angélique. Après la disparition des deux femmes, la famille décide de les chercher un moment sur le parking – où il n'y a définitivement rien. Le cadet semble connaître aussi l'auto-stoppeuse. Un goéland se pose sur une voiture, un bouquet de chrysanthèmes aux pattes.

Épisode 3 : écrit du point de vue du cadet. Le pneu crevé les empêche de repartir et leurs téléphones n'ont pas de réseau. Le père essaie d'appeler de la cabine téléphonique, une compagnie de voyance lui répond. Une motarde portant un goret sur les genoux arrive et leur apprend qu'un bar se trouve à quelques kilomètres.

Épisode 4 : écrit du point de vue de l'aîné. Il part avec le cadet au bar pour trouver de l'aide. Quand ils y arrivent ils trouvent un bar stéréotypé américain, crasseux et silencieux. L'aîné est persuadé d'avoir vu son auto-stoppeuse y entrer.

Épisode 5 : écrit du point de vue d'Angélique. Elle et son père discutent des attirances de la jeune fille et il change sa vision des choses. Ils voient aussi une femme courant nue dans le désert traînant derrière elle un drapeau noir portant une tête de mort.

Épisode 6 : écrit du point de vue de l'aîné. Il entre dans le bar où des gens étranges sont attablés. Le barman lui tend tout de suite un pneu et un paquet de nourriture en lui demandant s'il cherche quelque chose. Il apprend que les gens du bar ont été abandonnés sur la route par leurs familles et attendent qu'on vienne les chercher. En repartant en voiture, il est persuadé d'avoir une nouvelle fois vu son auto-stoppeuse sur le bord de la route.

Épisode 7 : écrit du point de vue du père. La famille répare la voiture, mais au moment de partir il se met à pleuvoir chaotiquement les obligeant à passer la nuit ici. Alors que le père et le cadet dorment dans la voiture, un homme rentre précipitamment dans l'habitacle. Il raconte des choses étranges qui interpellent le père, qui comprend qu'il a oublié quelque chose d'important.

Épisode 8 : écrit du point de vue du cadet. Il fait un rêve étrange, surréaliste, qui lui fait comprendre que sa famille et lui ont oublié une chose fondamentale. Ils repartent après avoir parlé à une autre famille sur le parking, leur ressemblant étrangement. Il trouve sur son siège une urne vide.

Épisode 9 : écrit d’un point de vue externe. Sur la route ils écrasent un âne habillé en noir. Quand ils descendent de voiture, l'auto-stoppeuse arrive recouverte de sang. Elle est furieuse qu'on l'ait oubliée et toutes les personnes qu'ils ont rencontrées apparaissent aussi. La famille apprend ainsi qu'ils ont juste oublié que l'auto-stoppeuse est leur mère jeune, qu'elle est morte et qu'ils ne partent pas en vacances. Non, ils vont à son enterrement.

Épisode 10 : écrit du point de vue de l'aîné. Il raconte cette histoire quelques mois plus tard à son amie en psychologie. Elle est impressionnée par cette hallucination collective. Ce qu'elle ne sait pas, c'est que l'aîné voit à ses côtés son auto-stoppeuse riant à gorge déployée

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