Le cauchemar d’avant l’oreillation
Totem De La Nuit Belle
« Le cauchemar d’avant l’oreillation »
Ca allait être un gros coup, une fantaisie de cauchemar pour eux, du régal pour nous autres. Le casse du siècle. Peu avant on s’était réconciliés avec les potes ; tous les potes. L’aveu, la colère et le pardon. Le schéma classique mais on-n-est-jamais-sûr-de-rien.
C’était un réveillon d’après-midi, du plein air, de la saucisse qui grille, des sourires qui grincent et la vieille folle qui récite les Essais, et Montaigne par ci, par là, ça suffit. Tout le monde a l’air en forme, le soleil aidait. Même Rachel se sentait belle, pour une fois.
Il est arrivé à la fête, j’en savais rien. Venue impromptue, alors, tu te pointes, comme ça. Ca me glace les artères mais après quoi, tant mieux. Je vais le voir, faire face, lui dire que c’est ainsi, qu’elle ne l’aimait plus, et qu’elle m’aime moi, que y’a pas de lois pour ça. Il m’en a collé une, ponctuant d’un crachat. Mais j’m’en fous, ce qu’il a craché, c’est son désespoir et il reste avec ma rancune dans sa main. Il part, les potes restent. Ca va être un gros coup.
Il suffira juste de passer par derrière, faire diversion avec le gros à l’entrée. (Lui faire sentir de la viande rouge, comme les clebs). Les potes sont derrière moi, certains font le guet, d’autres attendent dans la voiture, je m’approche à pas de loups car c’est juste avant l’intervention de l’oreille, mais le gros de l’entrée me surprend, déguisé en tringle à rideaux. Il est trop tard pour fuir… Et puis le magot ! Je l’attrape, m’en saisis. Je l’étrangle tout doucement contre moi, presqu’avec tendresse. Le gros. Il suffoque, je dis meurs. Il n’a pas souffert car sa langue en dehors de sa bouche sourit. C’est un vieux gros monsieur à la calvitie certaine. Mes potes doivent être derrière. Moi, quelque part à fureter, repérer d’autres profits. Je ne me connaissais pas une telle âme de voleur, de profiteur. Je m’avance dans la salle, furieusement vide. Il n’y a rien. Du tout. Des vêtements, guère plus. Je ne peux pas partir bredouille, c’est impossible, je file dans une autre pièce, qui est le salon de ma maison d’enfance.
Il y a là les vieux disques qui ne valent rien et dont je m’empare en guise de trophées. Pathétiques, je sais. Où sont mes potes à présent ? En repassant par la cuisine, j’aperçois les policiers par la fenêtre. Ils attendent pour nous cueillir. Je vais prévenir les potes mais me rends compte que la voiture est vide. Ca fait déjà un long moment, il faut voir la vérité en face, que mes potes ne sont plus là. Je sors et me dirige vers une autre voiture, l’air de rien, saluant ma voisine et ne prêtant pas attention aux policiers. J’ouvre la portière, pas de réaction des policiers, je me réveille. On m’emmène au bloc.
Finement accrochée
Elle se fit arrachée,
Une soirée d’été qui, garce,
Se prenait pour un jour de mars.
Une collerette de dents
S’agrippa fort en bon tiers
D’abord dedans puis tout dehors
Pour au final cracher à terre.
Elle qui était si haut perchée as d’hab
La voila languir misérable,
Baignant noyée sur le carreau
D’un improbable british kebab.
Les dents se tirent, se font la malle
The missing part se fait la belle
When suddenly les flics déboulent
Ne restent plus que les séquelles.
In White Chapel de bon matin,
Gyrophares cessent leur chant d’entrain
Deux bobbies tendent le doc en main
Pour que j’y glisse mon parafe,
Me dédouanant du bout d’esgourde
Congelé trop tard pour qu’on l’agrafe
Pour peu qu’ils tardent, il joue les sourdes
Et finira à Scotland Yard.
Trônant toute molle en officine
Laissant sa jumelle orpheline
Trinquait sa liberté au formol
Pendant que l’autre pénicilline…