Le chalet

unecagoleaparis

[Le principe: Prendre un extrait de livre pas encore lu, au hasard, se donner un temps imparti, et écrire une suite, sans consigne de longueur.] 

"Le matin, pendant plusieurs heures, le chalet était plongé dans l'ombre à cause de l'épaisse forêt au sud."

 

Les nuits ne duraient plus 8 heures, mais 12. L'obscurité rendait la petite pièce encore plus froide. En pivotant la tête jusque par dessus mon épaule, je parvenais à voir les premiers rayons illuminer le lac. Dans quelques centaines de mètres, le soleil viendrait balayer la fenêtre dans mon dos. Je pourrai enfin détendre mes doigts, reprendre mon souffle.

Pour l'heure, mes tremblements limitent le gonflement de ma poitrine. Mes genoux anguleux me font mal. Encore. Repliés contre mon ventre, je voudrais les détendre. Allonger mes jambes, tirer sur mes cuisses, écarter mes orteils, et sentir le sang qui inonde les muscles de mes mollets. Mais je ne peux me passer de ce léger espace de chaleur. 

Le silence est toujours intact. Aucun bruit de vent dans les feuilles, d'oiseau qui décolle. Aucune voix bien sûr. Cette absence du moindre son me pousse à l'immobilisme le plus total. J'en viens à craindre un cri perçant et soudain, qui surgirait, du fond de la forêt, que j'entrevois en face, de derrière ma nuque, de l'autre côté de la mince fenêtre. Des profondeurs de mes cauchemars, qui me réveillent dans un sursaut, chaque fois que je ne peux résister à l'endormissement. J'hésite à me racler la gorge, à cligner des yeux, presque. Si je perdais mon attention, ne serait-ce qu'une seconde? Si le son de ma déglutition couvrait le bruit d'un pas?

J'attrape le vieux feutre vert, toujours là. Je me demande pourquoi sa présence me surprend. Qui aurait eu la perversité de me l'enlever? Sans me tourner pour le regarder, je visualise mon poignet droit. Creusé par la corde filandreuse qui le retient. J'éloigne rapidement ce débat intérieur sur la perversité de l'être humain. Méthodiquement, je coince entre mes dents le bouchon glacé. Tire d'un coup sec. Surprise moi-même d'en avoir la force. La mine fraiche s'écrase dans un sifflet sur le bois blanc de la fenêtre. Et dessine un bâton que mes yeux dévisagent. Le quatrième.

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