LE CHANT DE PENELOPE

Marie Laure Bousquet

Pénélope écoutait le poète aveugle qui racontait sa vie.

 Donc, Ulysse qui l’avait abandonné avec son fils pour faire une guerre et  pour courir le monde, ce soi-disant malheureux égaré qui ne retrouvait pas son chemin pour revenir à la maison au milieu d’une méditerranée qu’il ne reconnaissait plus, cette victime de sortilèges qui ne s’était privé de rien, était un héros.

Bien sur ses amis avait clamé à son retour  « il s’est protégé nous l’avons retenu… »

Elle, elle pensait :

 « Peut-être, mais il a quand même goûté aux chants des sirènes alors qu’il m’avait dit qu’il n’aimait qu’une seule voix sur la terre, la mienne.

Et cette sorcière qui l’avait ensorcelé, c’est facile à dire, ce n’est pas de ma faute ! Elle m’a jeté un sort ! Il n’était plus le rusé, le stratège qui défait tous les ennemis grâce à son intelligence et sa clairvoyance. Il avait gagné une guerre mais il avait échoué devant une femme.

Mais ce qu’ils ne savent pas, ce que même Ulysse lui-même ignore c’est que lorsque qu’il a réapparu dans ma vie, je ne l’attendais plus. J’étais la reine d’Ithaque je gérais les affaires de mon peuple, cette affreuse tapisserie que je ne finissais jamais me permettait de rester à ma place et aux ignobles prétendants assoiffés de pouvoir de les empêcher de me la prendre.

Bien-sûr j’étais heureuse de le revoir et je n’ai pas pu lui dire tout cela, l’amour est un piège qui nous empêche d’être heureux. 

Il a repris sa place, et moi j’ai perdu la mienne…

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