J'ai été un enfant, j'ai été un barbare
On a tous enfoui en nous un instinct de chasseur
Pas celui des braves, ni des héros de bar
Qu'ont fait ci, qu'on fait ça, et qui sont simplement seuls
A l'heure où les prophéties pleuvent, et nous figent tout secs
Où je commence à prier le ciel qu'il remplisse les nappes
Je me souviens de quand j'étais un tout petit mec
Qui filait à la cagouille dès que se formaient des flaques
Les yeux pleins de lumière, les jours où il faisait beau
Se reflétaient tant de papillons au milieu des champs de luzerne
Sourire pervers, épuisette, dans nos sacs à dos des bocaux
Dans lesquels on les piégeait sans ressentir la moindre peine
Ils étaient si nombreux, ils étaient plusieurs centaines
Souvent même nous ne faisions que les observer
L a meute avait ses limiers et son capitaine
Les proies dans un herbier finissaient épinglées….
Nous étions des chasseurs téméraires, extraordinaires
Nous courrions derrière les moineaux qui s'envolaient
Tire-chail dans une poche, un arc en bandoulière
Tout le temps bredouille les mioches, mais qu'est ce qu'on rigolait
Une fois sans faire gaffe, poursuivi un énième piaf
Paniqué a foncé dans un poteau électrique
Tombant raide mort à nos pieds ça nous a mis une baffe
On l'a enterré alors, comme de bons catholiques
C'était encore l'époque des cow-boys et des indiens
Je n'ai jamais été dans le camp des pistolets
Moi j'aimais pister à quatre pattes tel un chien
Combien de ronces, de chardons ont fini par m'écorcher
C'est que la nature se venge, elle aussi est cruelle
Elle ne fait nulle nuance et aucun cadeau
Une rivière qui s'assèche, des grenouilles à la pelle
Rassurez vous elle a aussi été notre fardeau
Choper des sauterelles pour les mettre sur l'hameçon
Tomber sur une vipère, déguerpir en courant
Au milieu des orties, ça donne une bonne leçon
Parait il que ça fait mieux circuler le sang
Piqures de guêpes, de taons, chute en chopant des mures
Parfois même en voulant voler sur des pommiers
Nos cris de douleurs n'étaient jamais des murmures
On prenait ce que la nature avait à nous donner
La petite chasse qui avait ma préférence
Etait je l'avoue peut être la plus sadique
Elle demandait à attendre que le silence
Soit brisé par une petite musique frénétique
Tels des sioux rampant au milieu des herbes sèches
Nous repérions excités les vibrations du grillon
Qui sortait de son trou où il vit à la fraiche
Pour attirer toutes les femelles des environs
Et nous les mômes, grands bruns d'herbes dans la bouche
Ou bouteille d'eau à la main pour les plus pressés
Une fois repérés, nous portions nos escarmouches
Et encore ces bocaux où on les faisait prisonniers
On faisait des trous quand même pour qu'ils respirent
Et moi au bout de deux jours, je les relâchais
Mon voisin lui faisait ses expériences pour rire
Un genre de Mengele qui n'avait pas peur de gâcher
Mine de rien, au milieu du bien, côtoyant le mal
Nous faisions l'expérience du monde et de la vie
L'humain, le végétal, l'inhumain, l'animal
On avait conscience de tout ce qui vivait par ici
Aujourd'hui, les haies ont laissé place aux cultures
Les papillons, les coquelicots ont presque disparu
Les moineaux ont du trouver que nous étions trop durs
Ou peut être simplement, c'est que je perds la vue
Tout est calme, la pelouse de mon père est belle
Même les taupes ont abandonnés son jardin
Pourtant ici, c'est bio, c'est bon, c'est naturel
Et puis le silence, c'est reposant, c'est sain non ?
Moi le petit chasseur cueilleur barbare
Au milieu de ce monde où nous tous nous brillons
Pourquoi je me sens si bizarre
Où sont passés les chants des grillons ?
Cela reviendra quand nous ne seront plus là !
· Il y a plus d'un an ·yl5