Le chant des Sirènes

Jean Claude Blanc

les mésaventures d'un vieux garçon solitaire, écouter le chant des sirènes n'amène rien de bon; femmes poisson ont des arêtes; l'homme, ce requin déballe ses ailerons prétentieux

                               Le chant des Sirènes

 

Comme tous les matins, le journal à la main

Je viens prendre mon thé dans le bistrot du coin

Le jour se lève tôt, à l'heure du laitier

Vers les dix heures trente rappliquent les piliers

 

En vis-à-vis de moi, une minette se pose

Une de ces sirènes, parée pour l'abordage

Savamment carrossée, le minois plein de charme

Alpague le serveur, se commande un café

 

Mon côté romantique commence à décoller

Contrarie mes lectures, annihile mes écrits

S'élaborent en-dedans, des plans sur la comète

La gonzesse gracile entame ma volupté

 

Attentif, discret, je passe au peigne fin

Ses moindres attitudes, son allure de gazelle

Sous ses sourcils clignote un regard plein de vie

Sa crinière en désordre, elle sort de son lit

 

Sous sa bouche gourmande, est suspendue sa tasse

Entre pouce et index, elle fait son numéro

Se délecte à loisir, de son fumant breuvage

Un instant de plaisir, que partagent les blaireaux

 

Je ne veux pas tomber, dans la facilité

La ficelle est trop grosse, faut pas me la refaire

Le temps de mettre en route ma table de données

Réfrène mes illusions, de pulsions érogènes

 

Lunaire, sentimental, idéaliste à souhait

Il suffirait d'un rien, un coup d'œil engageant

Pour que se précipite mon verbe intarissable

Savant bonimenteur j'en ai tous les talents

 

Les formules à cent balles, du genre m'as-tu vu

« Je crois qu'on se connait, mais je ne sais pas d'où

Mon surnom c'est JC, mais non pas Jésus Christ,

Je fais un peu d'esprit, c'est quoi ton petit nom ?? »

 

Je laisse ce baratin à ceux qu'ont rien à dire

Tous les pauvres ringards, qui croient que pour séduire

Faut brandir son falzar, ses roustons aux aguets

La belle dans son coin, elle doit bien se marrer

 

Pas conne la nénette, faut pas lui en conter

C'est elle la première qui avance ses pions

Mais je ne suis pas louf, je la vois bien venir

Elle m'a choisi pour proie, pour les beaufs, écarter

Toutes les mêmes ces femelles, toujours un coup d'avance

A vous laisser planté, comme une rangée d'oignons

Je suis un flibustier, doucement ma mignonne

Tu n'es pas la première, je connais la chanson

 

Alpiniste suspendu à paroi verticale

Je reste dubitatif (du bite hâtif), sans aucun jeu de mots

Avancer, renoncer, point d'interrogation

Mon goût pour en découdre, l'emporte finalement

 

Ainsi a démarré, singulière relation

Classique rituel pour les présentations

S'enhardissent peu à peu, secrets et confidences

Le flot de ses misères, comme paquet cadeau

 

Des thèses larmoyantes, sur toutes ses solitudes

Déceptions, et rancoeurs sur cette vie de merde

Çà suffit, bien reçu, j'en ai plein ma besace

A tchao bonne journée et à la revoyure

 

Et le cul dans tout çà, aux abonnés absents

Au fond suis pas déçu, çà n'amène rien de bon

Ma sensualité muée  en témoin solidaire

Je me joue sérénade, pour nourrir mes vers

 

Je poursuis mes chimères au bar des délaissés

Devant mon boc de bière, je médite sur ce monde

La Sirène éphémère, soudain s'est envolée

C'était qu'une légende, mon cœur est rassuré

 

Si les clampins du monde daignaient se prendre la main

Entreraient dans la ronde, des faiseurs de destin

Se rendraient compte enfin que tous on a faim

De lumière, de tendresse et du chant des Sirènes

 

Mon sexe quant à lui, il se le tient pour dit

Il brandit son calibre avec parcimonie

Pas question de souscrire aux errances puériles

Aux codes de l'Amour ne veux pas me plier

 

Heureux qui comme Ulysse, vous connaissez la suite

Cà peut se terminer d'une façon tragique

L'Enfer est parsemé, de bonnes intentions

Au cri de ses Bacchantes, attise les tentations

 

Les usages sont têtus chaque jour réitérés

Je suis un habitué, au bar de la Cité

A l'inconnue qui passe, j'adresse mon message

Je suis là pour personne, mes pensées en voyage

JC Blanc      novembre 2022  (Instant de divagation la solitude n'amène rien de bon chez les vieux garçons)

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