Le charisme politique, jeu dangereux

Jean Claude Blanc

cogitation sur la démocratie puisée sur le peuple et à son détriment...

          Charisme politique, séquelles de l'influence du religieux

 

En démocratie, le pouvoir n'est pas occupé par quelqu'un de façon permanente, c'est un siège vide qui se donne au mieux disant. Le renoncement de François Hollande nous rappelle que c'est une fonction qui n'est pas naturellement acquise. Notre vision assez dégradée de la politique suggère que la seule motivation des élus est la conquête du pouvoir. Quand Hollande renonce à ses ambitions, on a l'impression qu'il fait preuve de faiblesse. C'est plutôt sain de voir un homme d'Etat qui ne veut pas garder le pouvoir à n'importe quelle condition…

En fait, il a su initialement transformer sa faiblesse en force. Président par défaut, il a été élu en réaction à son prédécesseur, Sarkozy et après la défection

du candidat présumé, DSK. Les 2 avaient une forme de charisme mais borderline, l'hypothèse Hollande est devenue crédible, car il y eut pléthore de personnages à l'ego disproportionné. Son slogan de « candidat normal » devenait stratégiquement intéressant face à une saturation de l'omniprésident. Mais la 5ème République suppose un charisme pour en occuper la fonction. De Gaulle a voulu faire la synthèse entre monarchie et démocratie. Hollande s'est présenté comme président « normal », (revenir à la norme) mais celle-ci ne va pas de soi, étant en contradiction avec l'esprit de la 5ème République.

Un regain d'influence de la religion gangrène la vie politique contemporaine, que l'on dénomme pompeusement charisme.

Ce mot « charisme » émane de Saint Paul, « charisma » qui signifie don, grâce accordée par Dieu ; banalisation de ce mot, passé dans le vocabulaire courant mais ancré dans nos principes

Trois grands motifs pour ceux qui obéissent à l'ordre établi :

-l'habitude, la tradition

-le légal, les codes, les lois

-le charisme : obéir à une seule personne, pensant qu'il y a en elle quelque chose d'extraordinaire, qui relève du divin donc suscite la foi pour le salut…(à côtoyer le religieux, on perd la laïcité…)

 

Nos sociétés occidentales ont besoin de se raccrocher à une personnalité, sinon ce sont les forces impersonnelles et anonymes qui vont dominer la vie politique

(bureaucratie et puissance économique). Il semble que pour porter les intérêts des dominés, il faut une forme de leader populaire. Certes, certains estiment que c'est par des mouvements sans idole, que l'on pourra trouver un renouvellement démocratique (comme Nuits debout, Femen, rassemblements spontanés,  d'assemblées purement délibératives où aucun leader n'émerge)

Si ce sont de vraies inventions démocratiques, faut-il leur donner  aussi une incarnation politique : parler en son nom propre, probité, exemplarité, permettant  d'être partie prenante, jugé, interpellé, viré le cas échéant.

En clair considéré, en qualité d'acteur et d'observateur, partenaire, opposant, dualité nécessaire pour progresser et enrichir l'avenir.

Depuis la démocratie grecque, portée par Périclès, on en a acquis la conviction qu'on ne peut échapper à notre destinée de citoyens  ; à condition que nos politiques en soient eux-mêmes convaincus pour s'y atteler avec le courage nécessaire, au-delà de leur faim de pouvoir, sans se baser sur les sondages, les courbes du chômage et les opinions diverses et variées ; voir le droit à l'avortement, mariage gay, l'abolition de l'esclavage, et principalement de la peine de mort, allant à l'encontre de l'avis général, Mitterrand a agi en conscience, estimant que c'était justice. Mais n'est pas visionnaire qui veut…

 On peut identifier quelques pathologies du charisme :

Le fait de prétendre qu'on incarne le peuple et que les autres pouvoirs sont nuls ou illégitimes (sentiment d'avoir raison avant tout le monde, narcissisme) ; ou encore quand on en appelle qu'à une catégorie de citoyens (xénophobie, racisme) afin de souder le « vrai » peuple élu…(discrimination ethnique, culturelle) désignant par la même les boucs émissaires.

Il y a une tendance à dire que Hollande n'aurait pas été assez autoritaire, qu'il n'a pas su conduire son peuple. Or ici on confond autorité et autoritarisme.

Il faut contrer cette idée selon laquelle c'est l'échec d'un personnage qui manquait de brutalité (Trump l'a reproché à Obama, se comparant à Poutine dur souverain)

Aujourd'hui il y a une régression nostalgique, qui voudrait que le peuple soit gouverné par des hommes forts, nullement réacs, mais pratiquant le libéralisme autoritaire sans le savoir, au détriment des libertés publiques.

Ne nous y trompons pas, même si le peuple aspire à la force, ses dirigeants austères, devenus impopulaires, se voient contraints d'hérisser des barrières (sens propre et figuré), verrouiller les médias (Hongrie, Russie)

Durant les dernières décennies les politiques ont eu tendance à se dédouaner affirmant d'être limités dans leur capacité d'action. Ils ont propagé l'idée que le pouvoir est ailleurs (agences de notation), avouant leur impuissance face aux intérêts économiques. Trop de lâcheté qui pousse vers les extrêmes…

L'atteste ce sondage qui révèle que 80% des citoyens aspire à un vrai chef

En fait attente de l'homme providentiel, maitrisant la crise économique, régulant les activités des banques, redistribuant les richesses.

Croyant qu'on a que le choix entre un autoritarisme hors système ou un statu quo social, résultat on flotte entre 2 eaux, (CQFD, les abstentions aux élections)

Il faut que les politiques répondent au sentiment de dépossession démocratique

que ressentent les citoyens, aspirant à un pouvoir qui tient fermement les rênes pour le bien de tous.  

Le charisme joue un rôle dangereux en cette période de changements ; puissance de transformation sociale, hélas captée par le populisme de droite, qui conduit au déclin de l'humanité                                                   JC Blanc   février 2017  (du livre de Monod : » qu'est-ce qu'un chef en démocratie », .Editions Seuil)

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