Le chemin du berger
sandrinerebelle
- Qui es-tu ?
- Je ne sais plus.
- Où vas-tu ?
- Je ne sais pas je suis perdue.
- Vers où pars-tu ?
- Sur le chemin que j'aimerais voir ...
- Et le vois-tu ?
- Non...Il a disparu, depuis tellement de temps que les sillons de la terre ne sont plus, que les traces profondes qui ont meurtri le sol ne sont plus que des arbustes aux fines épines .
- Et pourquoi souhaites-tu emprunter cette route , qui par les doutes plantés dans les fleurs empoisonnées , dont l'effluve sucrée te fera subir tous les maléfices te perdra dans le noir, dis-moi pourquoi ?
- Parce que j'ai parcouru des routes lisses, des chemins goudronnés, des jardins de toute beauté, mais je n'ai rien appris, si ce n'est que sous la beauté affichée se cachent bien trop souvent les pires atrocités . Ainsi, si je parcours les pires chemins, les mauvaises routes, si je vois le pire, si je me pique à la vie , je serai forcée de mieux y regarder, d'observer, de chercher, de m'y perdre même . Oui de m'y perdre, sans boussole , juste voire le sol, le ciel et la terre, la lune et le soleil, les étoiles et ces merveilles. Je ne veux plus de bonheur tout fait, je ne veux plus consommer du bonheur prêt à porter, je veux le créer , je veux me cogner, je veux me battre et le gagner.
- Pourquoi veux-tu tout gâcher, tu n'as qu'à tendre la main pour amasser tous les bonheurs...Remets tes œillères , tu n'auras plus peur d'hier, arrête de faire bouillir ton sang, et vis le présent sans penser au futur. Arrête de penser petit esprit, remets-toi dans le rang, suis donc les moutons faussement blancs, viens, viens , suis-moi...Tu verras, nous y serons bien...
- Mais qu'aurais-je construit dans ma petite vie ? Dois-je vraiment survivre dans une vie témoin , sans m'éloigner de mon chemin ? Et si je découvrais , tard, trop tard que les moutons blancs ont perdu de leurs virginité, qu'ils n'ont fait que brouter sans vraiment avancer, qu'ils n'ont qu'adroitement voilé sous leurs coups de mâchoires rageurs toutes les vérités que le berger a voulu enterrer .Et si le loup y était farouchement déguisé, et qu'il venait se repaître de la crédulité des agneaux...Et si le loup était le berger...Et si...
Et la foudre s'est déchaînée , et la pluie est tombée , et le vent a tenté de m'emporter loin des épineux et des chemins pavés.
Mais je n'ai pas cédé à la facilité, je ne me suis pas laissée aveugler par des vérités falsifiées . J'ai fais le pari insensé d'avoir mes propres pensées, et de dévier de ce chemin qui m'était destiné.
Alors, j'ai lâché la main du berger au sourire faussé, aux dents pourries et à l'haleine viciée, et je me suis envolée vers les plus hautes cimes des arbres aux aiguilles noircies. Par la puanteur du monde, par la putréfaction lente et douloureuse des vivants-morts.
Ainsi, et seulement ainsi je me suis retrouvée.
Même perdue dans des sentiers tourmentés, même déboussolée par tant de vérités cachées , de fausse beauté et vraie cruauté , j'ai appris, j'ai acquis, j'ai compris. De mes erreurs, de mes terreurs, de mes pas de travers, de mes traversées du désert .
Ainsi, seules avec mes pensées , j'ai su.
Si les chemins de l'enfer sont pavés de bonnes attentions, les chemins du paradis sont parfois plus ardus.
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