Le coeur d'une île

Valérie Hervy

L'histoire d'une île et des hommes

Alors, le ciel donna une île à la mer
Au début, le maigre îlot balayé par les vents restait bien fragile
Souvent, la mer le berçait tendrement, le caressant de ses vagues
Des herbes rases poussaient lentement autour de quelques cailloux
Le ciel veillait lui aussi réchauffant la terre et l'arrosant de pluies bienfaitrices
Ainsi, l'île grandissait lentement entre le ciel et la terre

Bientôt, elle s'étendait sur plusieurs kilomètres
Au Nord, une crique abritait une plage de sable fin
A l'Ouest, une forêt serpentait entre des collines
Le sol regorgeait de minéraux précieux
« A quoi bon toutes ses richesses si on ne peut les partager ? »se demandait-elle
Et, l'île s'ennuyait perdue seule sur l'océan

Un matin, d'étranges créatures débarquèrent sur la plage dans des pirogues en bois
Ils s'installèrent, pêchant dans la crique, cueillant les plantes de la forêt
Ainsi, l'île découvrit les hommes, elle appréciait leur présence
Elle leur donnait les poissons et les plantes dont ils avaient besoin
Elle les protégeait des fréquentes tempêtes et des grandes chaleurs que pouvait envoyer le ciel
Elle prospérait car les hommes ne prenaient que ce dont ils avaient besoin.
Ils respectaient l île comme une de leur semblable.
D'ailleurs, chaque soir, ils la remerciaient dans leurs prières.
Et, l'île se sentait enfin utile et heureuse.

Seulement, un autre jour, des hommes différents débarquèrent sur la plage.
Ils arrivèrent sur d'énormes bateaux comme en terrain conquis.
Vite, très vite, ils délogèrent les indigènes.
Ils cassaient des pierres, coupaient les arbres.
Peu à peu, des maisons sortirent de terre comme des champignons gigantesques.
Des routes sillonnaient l'île, des camions roulaient à vive allure.
Les hommes pillaient le sol, ils cherchaient de l'or, du pétrole.
Ils croyaient ici trouver des trésors.
Ils en voulaient toujours plus et consommaient sans relâche les richesses de l'île.
Fatiguée, affaiblie, elle se sentait trahie par les hommes.
Elle pleurait sur sa terre dévorée, perdue à jamais.

Au crépuscule de sa vie, elle appela ses chers parents.
« Que veux-tu ? » Lui demanda doucement le ciel.
« Les hommes m'épuisent. Je suis à bout de force » répondit l'île.
« Ces hommes détruisent la planète, ils sont trop avides » dit la mer.
« Alors, je préfère disparaître » murmura l'île.

Pendant les jours qui suivirent, d'énormes tempêtes secouèrent l'île.
Les hommes apeurés fuyaient l'île aussi vite qu'ils le pouvaient en emportant toutes les richesses amassées.
L'île enfin apaisée regardait résignée les paysages dévastés rendus à leur solitude originelle.
Sa fin était proche.
Par l'union du ciel et de la terre, les tempêtes devenaient cyclones.
L'île s'enfonçait engloutie peu à peu au fond de l'océan.

Ainsi finit l'histoire de l'île à la trop courte vie.
Car son cœur était plus grand que celui des hommes

Signaler ce texte