Le cœur triste dans une chambre d’hôtel, un jour de plus, un jour de trop…

Muriel Roland Darcourt

La chambre d'hôtel est vide. Il est insensé que je reste là pour la nuit. 

Que faire en ces lieux, sachant que tu n'y es pas. Loin de tout, loin de toi je me sens apatride, et nul ne peut combler cet effroi qui me ronge l'esprit depuis que tu m'as dit que tu ne viendras pas.

Les murs froids sont les mêmes. Le menu mobilier aussi. Le lit, l'armoire, le lavabo. Les lourds rideaux isolant de la ville. Et ce tableau incongru qui nous a tant fait rire, fixé là où on ne l'attend pas, triste et inutile, masquant juste un instant mon désarroi, de le contempler là, encore une fois. Une dernière fois.

Les jours heureux c'est quand tu me disais peut-être, sachant que ce peut-être pouvait se transformer en je ne pourrais pas, mais que l'espoir infini de te revoir encore, malgré lui, malgré la vie, l'emportait dans ce morne décor.

J'ai patienté ici des heures durant, et souvent tu es venue. Te libérant de tes obligations diverses, pour offrir à nos corps un chemin de traverse lors de voyages impromptus. De t'avoir dans mes bras, dans ces draps, nue, pour quelques minutes de tendresse, au cœur des murmures du soir qui s'invitaient dans l'espace, celui qu'on s'accordait, entre deux aventures. Ces caresses où l'audace n'avait pas de limites. Nos souffles mêlés dans l'allégresse. Mes lèvres effleurant la pointe de tes seins tendus. On s'en foutait de ces cloisons ténues, on révolutionnait l'étage de nos éclats de joie ! Et les regards tacites qui furent notre seul contrat, durant les 20 années où l'on s'est retrouvé là. Cet endroit résonne à présent de promesses non tenues.

J'entends, par ces murs qui racontent, les cris de cet enfant qui est né de nous, ayant vu le jour dans ce théâtre – spectateur de nos amours, cachant le fruit de nos émois– et que tu as emporté quelques matins plus tard, sans que jamais je n'aie pu le revoir. Confié pour m'en débarrasser, pour t'en débarrasser, telle une faute non assumée, à un autre père qui l'a élevé loin de moi.

J'écoute ce lit qui se tait, qui ne grincera plus sous le poids de nos remords sans que cela ne nous touche réellement. Ta bouche, tes hanches, tes larmes, que je ne verrais plus. Les serments que l'on ne s'est pas fait : on aurait dû ! Mon cœur t'appelle avec une telle force que je sais que tu l'entends. Du bout du monde où tu es partie, laissant notre histoire à l'oubli. Cette vie insoupçonnée que tu m'as concédée.

Si tout de même tu voulais me revoir, si quand bien même tu souhaitais me retrouver ce soir, tu ne le pourrais plus. Car vois-tu cette chambre illégitime, remplie de nos passions intimes, bientôt ne sera plus. Je viens d'y mettre le feu, celui qui me consume, pour que jamais quiconque ne prenne notre place. Le miroir me renvoie dans les fumées de nos désirs à ces baisers fugaces qui brûlent de toi, à ces torrides étreintes dorénavant empreintes de tragique amertume. Je ne suis que l'amant ; et l'on me retrouvera dans ce costume, trop étroit, que tu as choisi pour moi. 

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