Le conjoint
paratge
j'ai vu naître l'artiste et l'ais parfois aidé,
Tout au moins je l'espère, mais n'en suis pas certain.
J'ai dissipé ses doutes, chassé tous ses chagrins
Pour qu'au renoncement elle ne puisse céder.
J'ai partagé les larmes de ses premiers succès
Comme un père voit son fils, un beau jour s'envoler
Vers des lieux enchanteurs où il n'a eu accès,
Remerciant tous les dieux qu'il ait su décoller.
J'ai presque osé penser que son égal j'étais,
Que nous croisions sereins sur des eaux peu profondes,
Qu'un doux confort paisible notre vie affrétait
Pour que nous en jouissions des années à la ronde.
Des décennies ont fui et l'artiste a crû
Tel l'haricot magique qui perce les nuages
Infiniment plus haut que tout ce que j'ai cru.
Les critiques se battent pour faire ses louanges
Car elle ne peint plus, elle invente son art
En remettant en cause ce qu'elle a fait la veille,
Pour encor s'affranchir de ses nouveaux remparts
Et exprimer au mieux tout ce qui l'émerveille.
Car l'artiste voit beau quand je pense pratique
Parce que je suis aveugle à ce qui la chavire :
Un ton de gris spécial sur une mer d'arctique,
Un bleu puissant, profond, dans l'ombre d'un navire.
Je suis un grain de sable sur une plage immense,
Elle brille telle un astre au firmament de l'art.
Je m'échine sans cesse à tenir la distance,
Elle est toute ma vie, qu'elle soit ou pas une star.