LE CORBEAU

Catherine Killarney

Une fenêtre sur une cour.

Il pleut. Je l'entends et je la sens. Cette chambre est si humide et si froide que toute nouvelle goutte supplémentaire semble imprégner davantage le lieu de cette odeur de champignon et de moisi. Je ne devrais pas me plaindre ; en tant qu'ancienne reine, ils m'ont accordé une cellule spéciale, plutôt confortable par apport à ce qui se fait généralement ici. J'ai un lit de bois, couvert de paille, une table et trois chaises. Mes anciennes dames de compagnies, les plus fidèles, peuvent ainsi s'asseoir lorsqu'elles ont le droit de venir me visiter, m'apportant quelques fleurs ou quelques friandises.

Je pourrais presque oublier le sort funeste qui m'attend si je ne voyais, par l'étroite fenêtre garnie de barreaux l'échafaud sinistre où ma tête sera tranchée… Oh Seigneur !

Ce n'est qu'une estrade de bois qui permet au peuple de bien voir. Ils aiment les cris et les larmes. Ils aiment que l'on punisse les mauvaises gens. Mais ils me verront en paix avec moi-même, en paix avec Dieu, et presque heureuse de quitter ce monde injuste et cruel qui me condamne à tort. Oui heureuse. Car je ne peux plus imaginer vivre sans mon doux mari que j'aime tant et qui s'est laissé abuser par mes ennemis. Il a cependant voulu m'épargner le bûcher et fait dépêcher spécialement pour moi un bourreau sachant manier l'épée de façon à ce que je ne souffre pas. Il subsiste en lui un peu de tendresse. Mon cher époux. Si j'avais pu lui donner le fils qu'il attendait tant, alors peut-être m'aurait-il gardé son amour.

Si je me penche un peu, je peux apercevoir le ciel. Un rayon de soleil vient de briser les nuages et me caresse le visage. Je me souviens des jours heureux et je ne regrette rien. Un corbeau s'est posé sur le rebord. Il me regarde. Il me hait sans doute.

Je suis prête.

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