Le Cube

koya-al-gaad

Tailler le cube dans la masse... modeler la réalité, pour en faire miroir d'une vue de l'esprit que l'on se serait déjà fixé. Est-ce en cela que l'humain diffère? Pourtant, il nous suffit d'observer les civilisations d'abeilles, termites ou fourmis pour nous rendre compte que cette certitude tient à peu. Aussi, est-ce la pensée à l'origine de l'action de tailler qui serait propre à notre espèce? Si vous me permettez de reformuler la question : Les autres espèces, en faisant, sont-t-elles poussées par des réflexes machinaux, ou font-t-elles avec conscience et volonté? Question pour le moins tabou, vous me l'accorderez, car elle est facilement assimilable au questionnement arriériste de présence d'âme chez ces autres espèces (puis, de vous à moi, même chez la nôtre. Si si!). Alors, intéressons nous au sujet. Il est tellement plus prenant de risquer la polémique que de croupir sur ses acquis.

Donc, premièrement, qu'est-ce que penser? Penser, c'est reconcevoir, par rapport à nos perceptions individuelles, notre environnement, notre place à l'intérieur de celui-ci, et pouvoir ainsi en faire des déductions. Et quelles sont nos perceptions? Une interrogation qui peut sembler basique quand on se limite au carcan de nos simples sens, mais il s'agit ici d'un mécanisme plus complet. Nos perceptions, ce sont simplement nos capacités à recevoir de l'information. Information venant de l'extérieur, mais aussi nous concernant individuellement. Elles sont le rêve prémonitoire, qui fait justement combinaison d'une certaine quantité d'informations, reliées, pour en tirer un aboutissement probable. L'impression de déjà-vu, à certains moments clés qui nécessitent que notre attention soit portée sur un instant focal. Elles sont nos sentiments, qui décodent à la fois extérieur et intérieur, mêlant passé, présent et futur. Nos intuitions, qui ne peuvent s'empêcher de se confondre en notre réflexion. Elles sont notre logique, témoin de notre véritable identité... et, bien sûr, elles sont nos cinq sens. Voilà quelques uns des canaux par lesquels on entrevoit la grande complexité de la réalité, et par lesquels on est trop souvent persuadés de recevoir la stricte et limitée "vérité" objective. Ces ombres que l'on distingue à peine, du fond de notre caverne aux certitudes.

Ensuite, vient le traitement de ces informations, leur interprétation, leur classement, leur lien avec d'autres données qui seraient à portée de souvenir, puis leur utilisation dans la concrétisation de ce grand projet des idées, né de nos informations tronquées. En vulgarisant : on s'emploie à démonter le monde en un puzzle, que l'on garde avec soi, pour ensuite le remonter en un agencement complètement différent. Ce que l'on fait bien, ne serait-ce qu'à travers la chasse (aujourd'hui parlons plutôt de l'industrie comme étant notre "chasseur", tout cela n'ayant cessé d'évoluer).
L'information de base étant : "tu dois te nourrir de chair ou tu en mourras rapidement", la manière dont on la traite n'est pas pour autant de trouver une charogne de temps à autre pour ensuite l'ingérer, mais d'observer la réalité pour ensuite la modifier à notre avantage. J'observe que la mort apporte plus facilement la chair qui permet de gagner en vie, d'être en sécurité, pour ensuite provoquer moi-même la mort et avoir de cet élixir en abondance.

Observez-vous un seul être qui ne provoque rien pour sa survie? Même les végétaux, de cette façon, tendent à se hisser vers le soleil tout en creusant au sol, et même s'ils ne possèdent les sens qui sont notre prison, ils n'en pensent pas moins. Rendez-vous compte, non pas du caractère atypique de cette information, mais bel-et-bien de la limitation qu'est la nôtre. Ce peu de recul qui ne nous permet pas de comprendre le fonctionnement d'autres êtres, d'entrer en empathie avec ceux qui ne différent, finalement, que si peu de nous. Enchantés par la même lueur d'existence... nous n'avons encore vu d'animation différente de ce souffle qui nous pousse à évoluer.

Le Tout est grand, infini... nous sommes petits et limités. Petits mais libres. Complètement libres dans nos mécanismes de pulsions à assouvir, où l'on peut ruser à loisir contre notre propre nature. Comme celui qui taille son cube, mais apprécie aussi la beauté de la pierre. L'apprécie pour ce qu'elle est déjà.

  • Belle approche des organismes vivants. Maintenant, servons-nous des bases que nous laisse la psychologie. Une araignée tisse son napperon. Le fait-elle consciemment ? A première observation, non ! Car si on l’arrête dans son tricot, elle est incapable de le reprendre. Elle délaisse l’ébauche pour recommencer du début une autre toile. Son programme génétique n’est opérant que de A à Z. Prêter une conscience aux insectes serait assez exagéré. Nos perceptions humaines ne sont pas ceux de tout le vivant, chacun perçoit un Monde différent, par un système sensoriel approprié à son espèce et le traitement de ces informations, par chaque système nerveux, est fait avec la pertinence adaptative de ce sujet à son milieu. Vaste sujet, mais Ô combien intéressant.

    · Il y a plus de 6 ans ·
    Photo rv livre

    Hervé Lénervé

    • Il est vrai que si l'on s'intéresse aux capacités cognitives des insectes, on se retrouve rapidement dans un univers complètement différent du nôtre. Il est aussi vrai qu'en observant une araignée tissant sa toile, l'on ne pourra pas avoir les mêmes conclusions qu'avec d'autres expériences. Par exemple, des chercheurs de l'université de Wisconsin-Millwaukee et du Costa Rica ont fait une expérience, dans laquelle ils ont donné des larves de ver de farine aux araignées. Ils ont joué sur l'ampleur des gardes-manger en faisant varier la taille des proies ou leur nombre, mais de manière à ce que la masse totale soit équivalente. Ils ont alors enlevé des proies et observé le comportement de l'araignée pour tester sa mémoire. Et il s'avère que l'espèce testée, l'araignée Nephila clavipes, fait ses réserves de proies et sait très bien repérer s'il en manque dans son garde-manger. Si on lui en retire, elle les cherche. Si la proie perdue est grosse, elle la cherche d'autant plus activement. Ces chercheurs ont publié leurs recherches il y a près de deux ans. Dans le cas de la toile, à savoir si c'est la résultante d'une carence mémorielle ou logique, ou si simplement tout cela a une raison purement biologique, liée à la logistique de cette substance avec laquelle elle tisse.
      Par contre, dans le cadre de la conscience, nous entrons dans un sujet plus précis que les larges capacités cognitives. Alors, abordons la conscience avec une approche psychologique : je pense donc je suis, même si cette fameuse phrase de Descartes serait plus juste en ces termes "j'ai conscience, donc je suis". En neurosciences on a des moyens tout bonnement simplistes mais très efficaces pour mesurer l'état de conscience, ce en observant une partie de notre cerveau que l'on appelle mésencéphale et son activité. Cette partie du cerveau, partie dite aussi "reptilienne", nous permet de nous positionner dans l'espace, sur place comme en mouvement. C'est grâce à lui que l'homme fait preuve d'une "expérience subjective". En admettant cette base de définition de la conscience qu'est la liberté de mouvement, niveau de conscience des plus élémentaires, cette "conscience phénoménale" est celle qui nous donne la possibilité de connaître et comprendre notre positionnement par rapport à notre environnement. Elle nous permet de pallier les problèmes sensoriels d'équilibration, afin de pouvoir nous mouvoir sans encombre. C'est, en outre, ce qui nous rend capable d'une représentation, certes complètement égocentrique, du monde. Autrement dit, c'est avoir conscience d'exister dans un espace donné.
      Alors donc, on sait de quelle manière repérer l'activité physique de conscience, ce à travers le mésencéphale, mais on sait aussi observer les autres espèces. Et quelle ne fut pas notre surprise en remarquant une partie du cerveau des insectes analogue à notre partie reptilienne! Ainsi, ils ont tout autant conscience d'eux-même que les limités hommes, de leur individualité et leur place au sein de leur environnement. En bref, je préfère partir du principe que tout a une conscience, car quand on prône le contraire on fini toujours par se faire avoir x)
      Bien à vous Hervé, et merci pour cette intervention

      · Il y a plus de 6 ans ·
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      koya-al-gaad

    • Hé, bé, mazette ! Quelle réponse pertinente, une vraie tartine ! Tient, je vais aller petitdéjeuner. Merci pour toutes ses observations scientifiques. Maintenant, il y a une différence entre être doté de conscience (?) et prendre conscience de son existence dans un temps donné et dans un milieu donné pour le modifier, l’adapter à ses besoins, ce qu’a fait l’être humain à travers son évolution sociétale avec plus ou moins de réussite. Changer l’environnement, c’est créer des effets secondaires souvent insoupçonnables, aussi savants que puissent l’être les chercheurs. :o)

      · Il y a plus de 6 ans ·
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      Hervé Lénervé

    • Oui, ça... double tranchant, cette capacité de modification de notre environnement. (D'ailleurs je vais aussi aller petit déjeuner, quand je pense au monde ça me déprime, quand je déprime j'ai la fringale)
      Ce qui est intéressant est de voir de quelles façon on peut redécouvrir ce monde, affiner de plus en plus notre vision de celui-ci, toujours chercher et étudier... mais oui, il y aura toujours des effets secondaires. Vous avez raison, partant de mes principes tout le monde a une part de vérité, mais ce que vous soulignez est désespérément vrai.
      Je me demande quels seraient les effets secondaires d'une vision moins egocentrée que celle qu'a l'homme moderne sur l'univers
      Bon appétit!

      · Il y a plus de 6 ans ·
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      koya-al-gaad

    • Bon appétit, aussi ! :o)

      · Il y a plus de 6 ans ·
      Photo rv livre

      Hervé Lénervé

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