Le détachement

Mawuli Djolegbehou

Les écueils émotionnels sont fonction de l'attachement à quelque chose de physique,
C'est ainsi que la gravité de votre blessure émotionnelle sera directement fonction du degré d'attachement à telle ou telle chose, à telle ou telle personne.
La perte de la chose ou la séparation d'avec la personne d'une manière ou d'une autre, produira en vous autant de peine, de chagrin que vous soyez liés, que cela compte pour vous.
Le bout de matière qui sera arraché lors d'une séparation dépend toujours de la force de la colle qui y était appliquée.

L'attachement, les relations, donnent un certain confort, un repère psycho-émotionnel, quoique empreints au risque de précarité.
Vous voulez vous attacher ? Allez-y, de toutes façons, vous ne pouvez pas faire autrement. C'est l'une des faiblesses innées à l'homme, la sociabilité.
Il serait réducteur de considérer que la peine de la séparation, soit seulement fonction du temps. Elle est assurément la juste mesure d'impact de la quantité de l'énergie émotive qui est impliquée. Ceci va graduellement de la haine, du mépris, de l'indifférence, de l'amour, à la passion que vous avez accumulés jusqu'à l'instant de la séparation. C'est juste ce que quelque chose ou quelqu'un représente pour vous.
Les nuances dans ces notions vont revêtir une consonance plurielle.
Les pertes de biens matériels, les séparations, les déceptions. Ce qui reste commun, c'est la rupture du lien entre les entités qui subissent la séparation. Dans le cas des pertes de bien matériel, il y a bien sûr là aussi une rupture du lien de possession, le rapport possesseur/ possédé.
Je daigne ne pas évoquer la notion de mort. Même si elle demeure l'une des formes de séparation non seulement des plus tangibles et des plus compréhensibles, mais aussi des plus répandues à travers les règnes du vivant.

Si les pertes matérielles, sont une cessation du droit de propriété qu'on a sur quelque chose, ou même de la jouissance qu'on en avait, les séparations vont désigner littéralement la dissociation surtout physique de deux entités. Mais même si l'aspect physique y est aussi très prononcé, l'implication est très affective et donc souvent immatérielle. Les pertes comme les séparations induisent peine et chagrin. Pendant qu'on y est, l'un des inducteurs de peine et chagrin est justement la déception.

Les déceptions, ce sont les espoirs trompés. Ce serait très précoce de taxer ces espoirs de perdus. Vous avez sans doute déjà été surpris de réaliser que, sur un sujet bien précis, vous vous êtes fait faussement, soit par excès d'optimisme ou par optimisme hâtif ou encore par obsession des belles issues, une conception plus agréable que ce qu'il est effectivement. Comprenez que ce n'est pas parce que vous voulez voir une mangue mûrir et devenir bleue qu'elle le sera une fois mûre. Dîtes-vous que "Where there is a will, there is a way"? Le célèbre adage a vite fait de se heurter à l'évidence implacable de la rationalité, de la réalité et du réalisme. Justement le choc que vous recevez du fait de l'écart entre votre attente et la réalité dont vous vous rendez compte, c'est ça la déception. Le ressenti varie, comme amplement énoncé jusqu'ici, en fonction de l'attachement.

Mais tout dépend aussi de "l'effet surprise" qui sera attaché à telle ou telle séparation. Selon qu'on s'y attendait ou non, l'impact n'est pas le même. Plus la perte, la séparation, la déception est imprévisible, plus le choc est grand. Le caractère générique de ce point de vue réside dans le fait qu'elle couvre aussi bien la sphère des sensations agréables, le plaisir, que celle des sensations désagréables, la peine.

Les blessures affectives sont donc directement liées au degré d'attachement matériel. Mais si les pertes et les séparations font autant mal, c'est surtout en raison de l'intensité de la surprise qui y est attachée. Alors autant il y a attachement, et plus c'est imprévisible, autant la blessure affective est énorme, et mettra plus de temps à guérir. Mais les blessures de l'esprit guérissent-elles vraiment ?

Quand vous aurez inculqué tout ceci à votre esprit, vous aurez insufflé une certaine grandeur réelle et réaliste à votre être, un soulagement potentiel à votre âme. Vous aurez ainsi garanti une couverture d'assurance affective dans une large mesure. Vous aurez ainsi accompli "le détachement".

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