Le Fil des Rêves - Chapitre 1 : Journal Intime

Lynn Rénier

20 mars 2003

Aujourd'hui, premier jour du printemps. Ça se sent. Les oiseaux chantent plus gaiement, les fleurs se font belles et fleuries, comme pour embaumer nos narines d'un parfum subtil. L'air est frais, le temps beau. De quoi donner envie de profiter pleinement de cette agréable météo.

À mon réveil, j'ai ouvert grand les volets pour respirer l'air pur du petit matin. De quoi bien commencer la journée. Et surtout : ne pas avoir envie d'aller en cours. Mon esprit est ailleurs. J'ai envie de flâner et d'écrire. Non, en vérité, j'ai BESOIN d'écrire.

Cette nuit, j'ai fait un rêve qui ne cesse de me travailler. Alors, j'ai un besoin irrépressible de le partager. Mais je ne saurai pas en parler à quelqu'un en particulier. De fait, je l'écris dans les pages de mon journal. Histoire de confier tout cela sans avoir à en discuter avec quiconque.

Je sais, ma mère me le dit bien assez : je n'aime pas parler de mes états d'âme, j'ai trop tendance à tout garder pour moi. Et c'est pourquoi elle m'a offert ce petit carnet il y a de ça déjà deux ans. Pour que j'y abandonne mes idées et tout ce qui me passe par la tête. Car, là, je peux coucher sur le papier tout ce qui défile dans mes pensées, sans être jugée ou critiquée. C'est une façon pour moi de me délivrer de ce qui peut me peser, de ce que j'ai peur de confier ou de pouvoir conserver précieusement ce que je ne veux pas oublier.


Bien des gens ont un journal intime. Écrire ne se perd pas, malgré les nouvelles technologies avec ordinateurs, téléphones portables ou tablettes de plus en plus perfectionnés. C'est un soulagement, car pour moi, rien ne vaut la plume et le papier. Je ne saurais exister sans pouvoir manier les mots. C'est un plaisir sans nul autre pareil dont je ne pourrais jamais me dispenser.

Dans ce petit carnet, unique et propre à chacun, on y écrit tout, on se confie, on laisse libre court à nos pensées les plus intimes. Libre à nous d'y confier ce que l'on souhaite. C'est un peu notre jardin secret. On peut y raconter nos secrets sans craindre qu'ils ne soient ébruités. Certains leur donnent un nom, d'autres y écrive leur journée comme une biographie de l'instant.

Pour ma part, mon carnet n'a pas de nom mais c'est un ami précieux. Il me suit partout. Où que j'aille, il est avec moi, dans mon sac. Il n'est jamais bien loin. Sa couverture est un peu abîmée par les voyages, ses pages sont un peu racornies, jaunies aussi à force d'avoir pris le soleil. Mais je prends grand soin de lui. Car j'ai un réel besoin de coucher sur ses pages toutes mes pensées. Je ne raconte pas mes journées, mais simplement mes sentiments. Et puis surtout, j'y retranscris mes rêves. Je me plais à les raconter à travers les pages de mon journal. Car ils ont, à mes yeux, un petit quelque chose de magique dont je veux pouvoir me souvenir. Je dois bien avouer qu'au fond, c'est un peu grâce à eux que j'écris toutes ces histoires. Ils sont ma plus grande source d'inspiration.


Ma grand-mère me dit toujours que pour qu'un rêve se réalise ou qu'un cauchemar ne puisse pas devenir réalité, il nous faut en parler à quelqu'un, le raconter, ou tout simplement l'écrire. Alors, depuis que mon carnet m'a été offert, je n'ai de cesse d'y conter mes songes. Et pour tout dire, c'est ce que j'aime le plus.

J'aurai douze ans cet été. Rêver a toujours été mon passe-temps favori. Rêvasser même, diraient certains. Qu'important. J'adore laisser mon esprit vagabonder, errer, flâner. Pas forcément en dormant, mais juste parce que je peux m'évader. Il m'arrive souvent de me laisser emporter par mes pensées, de jeter un regard vide par la fenêtre sans vraiment voir ce qu'il y a à l'horizon, juste parce que je ne suis plus tout à fait présente et que seul mon corps demeure en ce monde. Mon esprit, lui, est déjà parti très loin, ailleurs.

Mes amis me taquinent parfois en me disant que je suis dans ma bulle. Mes professeurs me reprochent de partir trop souvent sur mon petit nuage. Mes parents me font remarquer que je suis souvent dans la lune. Je n'y peux rien, j'ai toujours été ainsi, avec un esprit rêveur et vagabond, qui aime à inventer et laisser libre court à l'imagination. S'il m'était donné de vivre de cela, je n'hésiterai pas. Mais pourrais-je seulement en vivre ? Rien n'est moins sûr. Et puis, tout ceci est une autre histoire que je conterais peut-être une autre fois.

Enfin, là n'est pas la question. Pour l'heure, je suis encore loin de toutes ces préoccupations d'avenir. Je veux encore garder mon âme d'enfant, ne pas grandir trop vite, et ne pas m'assagir avant qu'il ne soit vraiment temps. Je tiens à profiter de mon insouciance pendant que je le peux encore. Parce que je ne veux pas devenir adulte trop tôt. Je tiens à garder cet esprit errant et rêveur.


Revenons à mes moutons, je m'égare. Une sale habitude. J'ai tendance à passer du coq à l'âne quand je suis lancée sur un sujet qui me plait. C'est affligent, je l'accorde, mais comment se raisonner quand on est passionné ? C'est compliqué. Et pourtant, à croire ou non, je ne suis pas d'un naturel bavard. Plus encore lorsque je dois parler de moi.

Je n'aime pas particulièrement parler de moi, de ce que je pense, de ce que je fais. C'est difficile. Je suis plutôt secrète et réservée. Et aborder le sujet de ce que je suis me gêne. Pas que je veuille cultiver le mystère, non, loin de là. Mais je suis ainsi. C'est comme ça. Quand il faut aborder un sujet qui me concerne plus personnellement, je ne peux m'empêcher de parler d'autre chose, d'éviter la conversation qui pourrait porter sur moi. En un mot, je fais l'anguille…

Je suis bien plus douée pour parler des autres, ou de toute autre chose d'ailleurs. Mais de moi, ça non. À l'écrit sans doute un peu. Alors à l'oral, quasiment jamais. Je ne sais pas m'épancher sur moi-même auprès des autres. Raconter ma vie, loin de moi cette idée.

Il est rare que je veuille me confier, je ne parviens à le faire que sur ces pages blanches offertes à mes pensées. Sans trop de complexe et de timidité. C'est plus facile pour moi d'écrire que de parler. Ça l'a toujours été, en vérité.


Et c'est pourquoi j'aime tant à écrire ce que mes nuits m'inspirent. Car au fond, ils parlent sans doute un peu de moi sans que je ne m'en rende vraiment compte. À ce propos, le songe que j'ai fait la nuit dernière ne cesse de me hanter. Et de seulement l'écrire dans mon carnet ne semble pas suffire à me l'enlever de la tête.

Ce n'est pas un cauchemar, rien de terrifiant qui puisse m'empêcher de fermer l'œil le nuit. Non, ce n'est pas cela. C'est simplement un rêve, qui m'a semblé si réel que je n'arrête pas d'y penser. Ce que j'y ai vu m'intrigue. Je sens que ça me concerne bien plus que je ne l'imagine. Qu'il y a un message derrière tout ça. Et de ne pas arriver à le voir attise plus encore ma curiosité et fait travailler mes méninges.

Peut-être est-ce pour une bonne raison. Après tout il n'y a rien de plus magique qu'un rêve...


Hier soir, je me suis endormie tard. Comme à mon habitude. J'aime veiller. Un défaut que je ne parviens pas à changer. Un rythme qui doit me convenir. Et le matin, forcément, il est difficile de sortir du lit…

Je suis une spécialiste pour veiller tard. Quand vient l'heure de dormir, je n'ai pas sommeil. Alors, je me plonge interminablement dans un livre, quand je ne tourne pas en rond dans les draps jusqu'à tomber à la règle. Hier soir, ne dérogeant pas à la règle, j'ai mis du temps avant de sombrer dans les bras de Morphée. Pourtant, une fois assoupie, j'ai été aussitôt transportée dans le monde des rêves. Et le voyage fut des plus magiques…


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© Lynn RÉNIER
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