Le Fil des Rêves - Chapitre 3 : Changement Animal

Lynn Rénier

Rêve de la nuit du 19 au 20 mars 2003 (suite)

Le repas à peine terminé, à la table des maîtres de magie, ça discutait fort. Je n'entendais pas ce qu'ils pouvaient se dire, mais ça avait l'air d'être un sujet sérieux. Puis, l'un d'eux se levait pour s'adresser à nous.

- Jeunes gens, je demande votre attention ! Je vais appeler les apprentis. Vous devez faire un choix. Quand celui-ci sera fait, nous vous appellerons. En espérant que le repas vous ai permis de le faire. Vous devrez vous rendre sous l'olivier de la clairière voisine. Mes confrères et moi-même vous y attendrons.

Je ne savais pas quoi penser de tout ceci. J'étais perplexe. Ma voisine de table se penchait vers moi pour m'expliquer. Un choix s'imposait à nous : souhaitions-nous poursuivre nos études dans la magie ?

Alice me jetait un regard. Elle voulait connaître ma décision mais je savais qu'il était inutile de la lui dévoiler. Elle était la même que la sienne. Et nous nous connaissions bien assez pour le savoir.

Pendant que nous tergiversions sur notre avenir au sein de l'école de magie, les maîtres nous appelaient. Un à un, les novices s'en allaient rejoindre la clairière voisine. C'était bientôt au tour du jeune homme assis en bout de table.

- Rowan, entendais-je appeler.

Je me sentais rougir en le voyant partir. Curieusement, je n'arrivais pas à le lâcher des yeux. Avant qu'il n'atteignît l'ombre des arbres pour rejoindre nos maîtres, un vieil homme lui posait un doigt couvert de peinture blanche sur le front. L'apprenti s'engageait ensuite pour gagner la clairière et je ne voyais qu'un éclair blanc jaillir des bosquets et disparaître dans la forêt. Une question me venait subitement à l'esprit : le reverrais-je ?

Je sentais mon tour venir et bientôt mon prénom résonnait. Suivant les pas de Rowan avant moi, je me dirigeais vers le vieil homme. Il posait son doigt de peinture au milieu de mon front, me laissant un rond blanc sur la peau. Puis, il me faisait signe de rejoindre les maîtres. Je m'exécutais.

à peine passais-je la barrière des arbres que j'entendais déjà des paroles ensorcelantes. Une formule magique, que nos maîtres récitaient. Mon corps me faisait soudainement souffrir. Un mal de tête affreux me prenait. Je ne tardais plus à m'effondrer sur le sol, tétanisée par la douleur. Je sombrais doucement dans un sommeil agité et sentais mon corps s'envelopper dans un cocon. Ensuite, ce fut le trou noir.

 

Quand je me réveillais enfin, j'étais dans la peau d'un loup. Je ne voyais que le pelage noir sur mon corps. Rejetant la tête en arrière comme un réflexe, je déchirais la membrane du cocon pour m'en extirper. Je découvrais alors l'immense olivier face à moi. Je n'avais pas le temps de l'observer d'avantage, de contempler son tronc noueux. Une force invisible m'appelait. Y répondant sans pouvoir y résister, je m'enfonçais dans la forêt sous la forme que j'arborais désormais : celle du loup.

Peu à peu, je distinguais une fontaine perdue au milieu des bois. Ma route s'arrêtait, je le sentais. Là, je retrouvais avec étonnement d'autres animaux. Une musaraigne, un lièvre, une biche, un faucon, une lionne, un mulot, une rainette, un rossignol, une hermine, un bulldog, une couleuvre, un corbeau, une chèvre, un sanglier, une chauve-souris, et même un grizzly.

Éreintée, je me couchais contre la pierre. Je me serais presque assoupie mais d'autres créatures arrivaient. Un chat venait se frotter contre moi en ronronnant : Alice. Une loutre, en laquelle je voyais Chandra. Une pie, qui devait être Mégane, que je n'avais pas remarquée au cours du repas. À mesure que le temps filait, d'autres animaux suivaient, terrestres pour la plupart quand ils ne volaient pas.

J'ignorais ce qui nous poussait à nous rassembler, et pourquoi nous étions tous là. Mais je savais que je ne tarderais à le savoir. Une jeune femme apparut au bout d'un certain temps, alors que plus aucune créature ne nous rejoignait. Habillée d'une longue robe couleur de feu, munies de larges manches serrées aux coudes et à la taille par des rubans blancs, elle était magnifique. Grande, mince et des cheveux dorés presque blancs, elle portait une petite tresse sur le côté qui venait se poser sur son épaule. Ses yeux d'un bleu sombre couleur océan scrutaient l'horizon à la recherche de retardataires éventuels. Mais il n'arrivait plus personne. Tout le monde devait être là.

Avec mes amies, nous nous rapprochions, l'observant avec curiosité. Elle dégageait une grâce certaine. C'était indéniable. Une aura de magie aussi. Et c'en était presque agréable. Elle avait un pentacle d'argent autour du cou, que l'on devinait à peine sur sa peau légèrement brunie par le soleil. Soudain, elle sifflait. Une mélodie légère qui avait sur nous comme l'effet d'un appel. Les autres animaux se rassemblaient autour d'elle, et elle nous fit signe de la suivre. D'un même mouvement, nous lui emboitions tous le pas.

La jeune femme nous menait à un magnifique palais de marbre. Les portes étaient sculptées dans un bois clair, les fenêtres semblaient être faites de cristal. C'était vraiment un édifice grandiose. Elle nous faisait entrer, nous guidant dans une grande salle emplie de statues de toute sorte. Une fois tous mes camarades entrés, elle murmurait une formule pour nous rendre notre forme initiale.

Sans surprise, le jeune chat laissait sa place à Alice. Je la reconnaissais sans mal avec ses longs cheveux châtains presque blonds et ses yeux clairs. Seule différence : un petit point blanc au milieu de son front qui me rappelait le doigt plein de peinture que le vieil mage avait posé sur nous avant notre métamorphose.

Il en était de même pour la loutre qui redevenait Chandra, et pour la pie qui était bien Meg dont je reconnaissais les cheveux blonds et les yeux bleu-vert. Elles avaient elles aussi cette petite tache blanche sur le front et je remarquais que c'était le cas pour les autres novices. J'en concluais alors qu'il devait en être de même pour moi et ne pouvais retenir le geste de porter un doigt sur ma peau. Mais j'étais tirée de mes pensées par la magicienne qui nous demandait de nous approcher pour que nous puissions entendre ce qu'elle avait à nous dire.


© Lynn RÉNIER
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