Le Friend Code

mazdak-vafaei-shalmani

Love Version (à paraître la trash version)

Comme vous tous, je cherche l’âme sœur, la femme de ma vie et un jour je l’ai trouvée. Mais je n’ai jamais rien reçu en retour de mon amour démesuré que l’amitié effrontée d’une garce qui ne voit notre relation qu’à travers le code de bonne conduite des amis qui ne couchent pas ensemble, le FriendCode. A mes yeux, elle est la seule femme au monde qui réussira à me tenir en haleine devant un épisode entier d’une sitcom de mauvaise qualité seulement parce qu’elle se trouve dans mon champ de vision, assise telle qu’elle est, devant la télévision. Et si je dois détourner mon regard de ce torrent de débilités incompréhensibles pour un cerveau humain, c’est seulement pour la regarder dans les yeux et pas ailleurs. Eh oui, le FriendCode, on s’y plie et on l’exécute sans poser de questions. Même si au fond de nous, on préférerait rayer ses articles un par un au stylo rouge sang pour s’épanouir dans une forme de révolte stérile issue d’une transgression de l’interdit que notre compagne ne manquera pas de nous rappeler systématiquement : « Tu sais que je t’aime bien hein, mais pour moi t’es comme un frère ».

 Comme vous, j’ai parcouru Paris d’Est en Ouest et du Nord au Sud pour me retrouver ma Nabilla Benattia, la seule femme qui pourrait me dire Allo ? sans que je ressente l’irrésistible envie de lui raccrocher au nez pour aller rejoindre ma bande de potes enfermée dans un skwat d’artistes à fumer tout ce qui se trouve sur le sol et à lécher tout ce qui pend au mur. Mais à chaque fois, elle était là, elle décrochait toujours à la place des autres et elle finissait par me raccrocher au nez. Elle était la bouée qui m’a permis de flotter sur la mer et le boulet tiré de mon propre bateau qui a coulé ce qui restait de mon navire. J’ai toujours été très mauvais à la bataille navale. 

Comme vous, j’adorerais refuser un classico Real-Barcelone entre mecs pour aller dîner dans un restaurant cossu du huitième arrondissement  avec ma petite Beyoncé qui me prendrait la main tout au long du repas et me glisserait à l’oreille des mots tellement doux que j’aurais aimé les entendre toute ma vie. Mais la main d’une diva est glissante et, lorsque sa paume quittera le dernier morceau de doigt que j’aurais laissé traîner, il me faudra passer à la caisse et régler la note de  la sorcière qui a fait de moi la Cendrillon des temps modernes. Et puis, finalement, si je dois payer pour faire l’amour, je préfère te payer un dîner dans notre restaurant. Là où tu m’as expliqué le principe du FriendCode, là où je suis entré dans la FriendZone. Je suis désormais le roi de cette zone couronnée par des générations entières d’écrivains qui ont dû choisir entre l’amour et la vertu. La vertu n’existe peut-être plus mais j’ai dû faire des concessions avec mon amour propre. Ce qui te rend si attirante finalement c’est que tu es complètement inaccessible. Comme vous, j’ai trouvé une amie.

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