Le fruit défendu

Est défendu le fruit de l'amour.
Défendu par le même cerbère qui garde les enfers. Car qui ne connaît pas les risques de l'amour ne pourra résister à la folie que la passion incarnera en lui. Il se laissera porter, comme tout nouvel arrivant vogue sur le Styx.
Le film de l'amour ne se développe et ne se projette que dans l'obscurité, quand les ardeurs s'exposent à un rayon qui a pour effet de créer du grain. Ce grain germé, poussera la toile de l'araignée qui a goûté au bonheur de déguster sa proie. Car les deux proies de l'amour ne peuvent y échapper. La seule voie de la sortie est de s'y abandonner. Toucher à tout ce que crée en nous cet amour, dans les moindres recoins, dans toutes les pièces, au prix de toutes les monnaies qu'on donnerait pour le connaître, ignorant vers quoi on s'engouffre. 
Car le tunnel de l'amour est sombre. Mais la destination finale brille des milles feux qui brûlent de chaque amour qui s'y est réfugié, qui y est consommé et consumé, à l'infini. 
Une fois dans le jardin du fruit défendu, le passant y remarque un tapis de fleurs qui nappe le sol, une végétation luxuriante et une faune des plus diverses. On peut y goûter à tout, tout nous est permis. 
L'Homme croit que sur la Terre il n'est pas libre de faire ce qui lui plait, qu'il aura des comptes à rendre. Et nos actes ont bien des conséquences concrètes. Mais pourquoi ne pas penser qu'on vit déjà dans cet eden, qu'en s'y connectant chaque jour et chaque nuit, on peut y accéder? Peut-être par la petite porte, mais on prépare alors déjà la voie à notre passage par la grande.
Le fruit défendu ne l'est plus depuis longtemps. 
Ce n'est pas une pomme, c'est la somme de tous les fruits délicieux, gorgés de soleil et de jus exotiques, érotiques. 
Il n'a pas de forme, pas de couleur, car il a toutes les couleurs en lui. Il est à tout le monde, et à personne. Il passe, d'âme en âme. Et il a toujours assez de contenu pour tous.
Pas besoin de le croquer, lui déposer un baiser est suffisant. En pensant à la vie et ses belles choses. Il suffit de le ressentir et l'éprouver. Car, comme sur Terre, il suffit de peu de choses pour nous rendre heureux. C'est le fruit défendu de l'amour gratuit, envers tous, et l'amour avant tout de la vie. La gratitude d'être vivants, de sentir ces choses qu'on sent, même la souffrance. Car la souffrance nous permet de nous rendre compte de la splendeur de la vie, et des bonheurs qu'on éprouve aussi. C'est elle qui voûte le chemin de nos paradis. Elle fait tout resplendir.
Passer par la souffrance pour connaître le bonheur est un chemin destiné aux plus aventureux, ou à tout autre. C'est en l'identifiant, en la fréquentant, en l'acceptant qu'on sait la chasser quand on le souhaite, ou doucement lui demander de partir. Et être prêt à lui dire au revoir, et merci. La lumière l'accompagne toujours mais parfois, elle éclaire tellement fort, qu'on ne les distingue pas. Quand la souffrance est là, la lumière ne nous demande que de continuer à la chercher, car elle est partout autour de nous. Mais sa quête nous rend aveugles, et on mélange tout.
Je ne crois ni à l'enfer, ni au paradis. Ils sont déjà et plus que jamais dans nos choix de vie, ici, et maintenant.
Ce fruit défendu ne l'est pas, il est en chacun de nous et on peut se le passer et se le transmettre à l'infini. Pour autant qu'on le veuille, et qu'on apprenne à sincèrement vouloir le bien des autres. Qu'on apprenne à s'unir parfaitement dans une totalité, à accepter qu'on en fait partie, et qu'on doit la préserver!
09/05/2011