LE JARDIN D’ÉBÈNE

Nous vivions jadis au jardin d’ébène, dans notre paradigme perdu. La lune couchée sur notre peau, faisait lever le soleil dans nos cœurs. Notre couleur était flambeau et nos cheveux de laine couronnaient notre grâce. Un vent enamouré insufflait sur nos capillaires. Nos mains noires empoignaient le ciel, pour ne jamais montrer patte blanche. Nous étions sans chaines, sans peines, sans haines, sans gênes, dans notre beau jardin d’ébène. La fierté coulait paisiblement, dans nos veines. Le savoir s’enracinait, sur la terre féconde de nos esprits, et fit rayonner le monde d’une aura pharaonique…Nulle brumes de soupirs, nulle ombres de présage, ne venaient augurer un spectre d’horizon. Les rêves épars songeaient à nos réalités sereines, telles des effluves éthérés s’abreuvant au lac de lumière, où nos âmes se miraient divinement. Nous passions tout notre temps, à le sceller d’éternité. L’histoire était notre compagnon de route, et de surcroit un fidèle serviteur. Tous les bruits du silence, étaient démuselés.

…Puis vint ce jour de nuit, ou le ciel se crasha sur le sol en éclats de larmes, en éclat de brumes, des bris de lueurs éparpillés ici et là. Des flambeaux de nuit, partirent en lambeaux de jour. Et les codes commencèrent, à gêner l’éthique. Nous étions perdus, de ne plus être éperdus. Chassés de notre beau jardin d’ébène, de notre mère-patrie. Et nous nous exilâmes, au gré des vents, vers ce sombre pays infâme et perfide, de l’aliénation. Pays où l’obscurantisme est roi, et où l’assimilation est reine. 

Beaucoup d'eau amère couleront sous les ponts séculaires,jusqu'à s'affranchir des ombres délétères de notre âme.Que les vents à jamais s’essoufflent, jusqu'à ce que l'on respire ; et que les soleils se plombent,jusqu'à ce que l'on transpire.Puisse les vestiges du futur,être à jamais rebâties ; et le spectre du passé à jamais enfouies sur la terre-mère,la terre meurtrie de notre beau jardin d'ébène,ou la fierté s'écoulait paisiblement dans nos veines,tel un fleuve céleste enivrant.