Le jeu du trône
sarah-okant
Papi André vivait seul depuis le décès de mamie Josette. Il avait souhaité continuer à profiter de sa petite maison de campagne tant qu'il était encore valide. Il n'avait plus guère de famille et sa seule fille était partie vivre à 400km de là. Elle n'appelait qu'une fois par mois. J'étais son unique petit fils et je comprends mieux aujourd'hui pourquoi il est important de ne pas laisser ses proches, isolés.
L'été était bien avancé et les journées devenaient de plus en plus chaudes.
Ma mère avait appelé papi quelques jours auparavant pour savoir comment il allait avec le temps et s'il n'avait besoin de rien. Papi allait bien
Comme chaque soir avant d'aller de se coucher, il éteignit la télé. Il s'attarda quelques minutes dans la cuisine pour prendre ses cachets et se rendit ensuite aux toilettes.
Papi ferma la porte et se détendit de longues minutes. Il renfila ensuite son pantalon de pyjama et quand il s'apprêta à sortir, la poignée de la porte lui glissa de la main. Elle tomba et se cassa net sur le carrelage.
Il y avait déjà plusieurs semaines que la poignée était abîmée, et ce soir elle avait définitivement rendue l'âme. Il se retrouva alors coincé dans les toilettes.
Personne ne se préoccuperait de lui avant au moins une bonne semaine. Il faisait une chaleur étouffante et bien plus dans l'espace confiné, dépourvu de fenêtre.
Il rabattit sereinement la cuvette et s'installa sur le trône. Il patienta sans perdre son calme; il ne savait pas combien de temps cela risquait de prendre.
Trois heures s'écoulèrent et la porte s'ouvrit enfin.
Gisou était arrivé. Il avait envie de disposer du trône à son tour. Quand il entra dans les toilettes, après avoir enclenché la poignée restée fixe de l'autre côté de la porte, il fut un peu surpris de voir son maître, à sa place. Il ne tarda pas à manifester son mécontentement par un miaulement grave et plaintif. C'était son tour ! Papi André sourit, se leva et releva la cuvette des toilettes. Le matou s'empressa de monter sur le rebord pour poser sa commission du soir.
Grisou était un chat que j'avais trouvé dans la rue. Ma mère ne voulait pas le garder. J'ai alors pensé à papi car il avait toujours adoré les animaux.
Je ne sais pas pourquoi, mais ce chat n'avait que faire de sa litière, il avait toujours préféré faire ses besoins aux toilettes ! Peut-être que papi lui avait appris, pour un jour, lui sauver la vie…