Le jour où j'ai engueulé ma plume
damephoenix
Stupide bécasse !
Oui, c'est bien à toi que je parle, foutue plume qui joue les aguicheuses, me promettant mille mots du plus doux en plus percutant et ne m'offrant au final qu'un hochement de mine indécis et boudeur. Des années que tu me voles dans les plumes mais que de toi je n'arrive à voler qu'un semblant d'écrit. Nous étions pourtant bonnes amies avant, peureuses ou joueuses, secrètes ou grandes gueules, nous avions toujours quelque chose à écrire à la face du monde qui ne nous offrait pas notre place, ou à la gloire du monde dont nous avions dessiné les plus infimes détails à coups de pavés littéraires. Certes nous étions jeunes, nous nous accordions plus de crédibilité qu'un millier de romanciers vendeurs, parce que notre encre, elle venait tout droit du cœur, elle ! J'en souris et j'en pleure à la fois tellement la futilité de nos ressentis pouvaient souvent nous échapper et s'envoler haut, très haut dans les affres de l'égo. L'âge remet les choses à leur place et nous cloue le bec.
Et voilà qu'à présent tu me fuis, fieffée lâche que tu es ! C'est ça, fais donc ta grise mine, ton charbon ardent ne trompe personne ; toi qui te disais Phoenix, tu as perdu la flamme, toi qui te voulais prédatrice, te voilà le bec dans l'eau. Mais qu'es-tu donc ? Les écrits vains que tu as autrefois posés, que te disent-ils aujourd'hui ? Ils te narguent, tu as été bien prétentieuse de croire que tes mots transcendaient autre chose qu'une réalité qui est la tienne. Qui est la mienne. L'épée a cela de plus que toi ; à la fin de l'envoi, elle touche. Et toi, qui as-tu touché depuis ces dernières années ? Oh je te vois venir tu sais ! Il y en eu, des amis chers que ta danse sensuelle a su troubler, émouvoir, amuser. Mais où sont-ils maintenant ? Loin de toi, stupide boa miniature, tes frêles courbes ne séduisent plus leurs yeux, car ils savent que tu es une ancre rouillée plus qu'une encre inspirée ; pesante, immobile, massive.
Ah tu commences à la sentir, cette pointe de honte, plus piquante que tous les mots qu'elle a pu exulter. Tu sens se hérisser ta plume sous la colère d'une vérité nette, claire, irrépressible : tu as perdu tes envolées lyriques. Et cesse donc de faire l'autruche, après tout, il n'y a aucune honte à ne pas être rareté. Tant que l'on offre un peu d'envolée, un peu d'échappée, un peu de . Mal armée que tu es, Vole ma plume, vole à t'en brûler les ailes, car au moins avant de s'occire, elles auront connu l'ivresse de l'envol.
Partir d'une simple plume et y exalter une quintessence, c'est signé d'une belle écriture
· Il y a plus de 7 ans ·Philippe Larue
encore un texte original, très bien écrit ! j'aime beaucoup.
· Il y a plus de 7 ans ·chaleur