Le Juge

Le voilà le Juge
De dos
Cambré
Avec ses épaules rondes
Son derrière de fille
Qu'à une époque
On avait envie de mordre dedans
Le voilà
Avec sa voix mourante
Belle
Parfois
Horripilante
Le voilà
L'Artiste Maudit
Devant son miroir
Étouffer les ricanements avinés tandis qu'il
Admire sa gorge de Juge
Ses mains de musicien
C'est ce que lui disait sa mère
Ses mains de musicien
Blanches
Ses mains lisses
Qui n'ont jamais gratté la terre à s'en arracher les ongles
À peine calleuses
Au bout des doigts
Le voilà
Qui croit qu'on ne le voit pas
Cacher sa queue
Entre ses cuisses
Pour ne rien manquer de son ventre plat
Avec ses cheveux longs
Chocolat
Ses hanches étroites
Qu'on lui a envié sans lui dire
Quand les marins sur le port
En passant
Nous disaient mesdemoiselles
Le voilà
Fragile
Ou pas tant que ça
Capricieux
Avec ses lèvres fines
Tellement douces
Qu'on aurait pu mourir d'en avoir goûté juste l'haleine
Et d'où ne sort plus jamais rien
De bon
De tendre
Moimoimoimoi
Altruiste
Moi
Tolérant
Moi
Ouvert
Moi
Aimant
Toi
Traînée
Folle
Toi
Un écran entier
Immense
Pour ses seuls yeux de Juge
Liquides
Comme sa crinière d'improbable Samson
De l'encre
Qu'on avait envie de crever parfois
Pour écrire avec
De belles choses
D'horribles choses
Le voilà la voilà
Salmakis qui s'exerce
À deux doigts
De la crise de nerfs
Ses jolies lèvres serrées
Son petit nez dilaté
Les yeux rageurs et les cheveux en
Bataille
Avec sa colère de starlette
Avec son innocence tordue
Le voilà

Là

Et moi

Je boirais bien autre chose