Le livre numérique, pas si dangereux que ça !

nicolasp

On l’aura entendu de la bouche de tous les professionnels des milieux littéraires. Le passage au livre numérique risque de nous faire perdre nos libraires traditionnels qui savent si bien nous conseiller. Pourtant, ces libraires moi je ne les vois jamais. Enfin si, pardon, je vois leurs photos dans les magazines, on me les conseille sur les blogs mais si je cherche un livre, je vais dans une grande surface culturelle. Visionnaires ou hasard, ils proposent déjà le service numérique :

-       Ils ont tout, tout le temps.

-       Les livres sont rangés dans la catégorie à laquelle vous vous attendiez le moins.

-       Ils n’en savent pas plus que vous sur les livres, simplement ce que la description Internet leur a appris.

-       Les employés sont aussi aimables que votre ordinateur

-       Ils vous vendent un livre comme un aspirateur

Pourtant vous avez le livre dans les mains quand vous repartez et on nous explique que pour ce petit plaisir encombrant il faut accepter de faire une heure de queue avec les visages mi-duveteux, mi-boutonneux des pré-pubères achetant le dernier single d'un quelconque boysband de rap.

On vous explique aussi, que le livre sent bon et que le livre est doux. Que rien ne peut remplacer le plaisir de caresser la couverture d'un livre et de plonger son nez dedans lorsqu'on l'ouvre... 

Qui fait ça ? A la limite l'odeur. C'est vrai quand je m'ennuie en cours ou quand je lis un livre en vacances, je vais peut être une seconde mettre mon nez dedans. Mais qui, lorsqu'il achète un livre, passe des heures à caresser cette douce couche de plastique qui recouvre la couverture, et s’extasiant de plus belle, plonge son nez à l'intérieur pour inhaler des heures durant l'enivrante odeur d'encre chimique ? 

Les vieux bouquins d'accord, on aime les sentir. Mais celui que j'achète demain à la Fnac : quelle différence entre son toucher et celui d'une tablette ? Quelle différence entre sa fausse odeur ou la non odeur numérique ?

Alors ce qui est vrai c’est que ça va tuer les libraires. Enfin pas plus que les grandes surfaces culturelles. Démonstration : vous avez besoin d'un livre, vous descendez à la librairie en bas de chez vous (si elle existe toujours), à moins de chercher du Houellebecq, du Musso, du Lévy, du Beigbeder, des auteurs classiques ou un auteur de leur sélection personnelle, ils ne l'ont pas. Ils vous proposent de le commander. Il arrive dans une semaine, vous en avez besoin deux jours après. Vous les remerciez, le commandez peut être pour leur faire plaisir et filez... à la Fnac ! Tant qu’à faire autant le commander sur une tablette.

Je mets de côté, il est vrai, ceux qui entrent dans une librairie sans savoir quoi acheter et qui aiment se laisser guider par les livres eux-mêmes. Je reviendrais dessus plus tard.

D’autant plus que le livre était le premier cadeau offert cette année à Noël ! Vous vous voyez le soir de Noël prendre votre tablette et transmettre par wifi un livre numérique à votre cousin ? Bien sûr que les gens vont continuer à acheter des livres ! Simplement au lieu d’acheter un bouquin d’occasion à 50 centimes pour sa consommation perso et un vrai livre pour l’offrir, ils téléchargeront le livre numérique à 1€ pour eux et achèteront de la même manière le livre à offrir.

Allons même plus loin. Une étude TNS Sofres réalisée pour La Croix en 2009 montrait que 30% de la population interrogée ne lisait pas du tout et que les 34% suivant lisaient 1 à 5 livres par an. Cela fait donc 64% de la population interrogée, donc si l’étude à été réalisée dans de bonnes conditions, 64% de la population françaises qui ne rentre jamais ou très rarement dans une libraire. Si au lieu de devoir se déplacer pour se retrouver cernés de livres qui les noient dans un tourbillon incompréhensible, ils n’avaient qu’à cliquer sur les sélections du mois de tel ou tel site Internet et avoir ainsi directement le livre dans leur tablette ? Et si la lecture leur paraissait moins rébarbative parce qu’on y a inséré des photos et des vidéos ? Les libraires ne vont pas pleurer de perdre un chiffre d’affaires qu’ils n’ont jamais eu. Par contre les maisons d’éditions peuvent applaudir l’arrivée de l’édition numérique. Moins de coûts et pléthores de nouveaux clients potentiels. Certes les grands gagnants de ce passage au numérique sont les auteurs grand public (ceux là même qui crachent sur l’édition numérique aujourd’hui, tentant vainement de légitimer leur posture d’écrivain en appelant à un retour à la tradition).

Les libraires vont-ils perdre les 36% restant ? Je ne crois pas. Simplement ils vendront plus de beaux livres et moins de livres de poches. Plus d’édition spéciales et plus d’offres promotionnelles. Leur chiffre d’affaire va-t-il chuter ? Tout dépend de leur capacité à faire preuve d’adaptation. Pour vendre il faut comprendre les habitudes des consommateurs. Celles des lecteurs vont être bouleversées et il faut en avoir conscience. Mais je pense honnêtement que les plus à plaindre dans cette histoire sont les grandes surfaces culturelles, les libraires ne perdront pas tant de clients que ça, parce qu’on n’y va jamais que pour le livre, mais aussi pour l’accueil, l’expertise et le conseil.

La société dans laquelle nous vivons est basée sur l’immédiateté et le règne du consommateur. On n’aime pas attendre, et on aime se sentir roi lorsqu’on achète. En cela les grandes surfaces ont eu une idée géniale dont la consommation numérique est la suite logique : en quelques clics, encore plus rapide que de se déplacer, on a accès à tous les livres et même toute la musique et tous les films souhaités. Encore moins d’attente, et un vrai sentiment de liberté dans l’achat. Les détracteurs pourront toujours dire qu’une telle rapidité ne permet pas d’apprécier réellement une œuvre ou le travail qu’elle a suscité, mais ce n’est pas la faute du gadget en lui-même. C’est parce que la paresse et les caprices ont conduit notre société dans l’état où elle se trouve aujourd’hui. Dans le règne de la consommation. Décider si c’est bien ou mal est une autre histoire mais une chose est sûre, ceux qui ont voulu enrayer le processus n’ont jamais été assez nombreux.

Alors effectivement, plus on avancera, plus on sera nombreux à trouver que l’on perd les valeurs qui nous ont construits. Plus les habitudes changeront, et plus rapide seront ces changements. Mais pour ma part, je n’accablerai pas le livre numérique, car il me permet d’acheter un Balzac, mort depuis longtemps, à un moindre coût tout en ayant conscience de l’immensité de son œuvre. Et puis certaines librairies ne sont pas forcément concurrencées par le livre numérique ou les grandes surfaces. Peut-être parce qu’on y entre pour des raisons différentes. Parce qu'on s'y ballade et qu'on se laisse guider par un libraire qui vous conseille des livres que vous ne verrez nulle part ailleurs. Je pense notamment à une petite librairie rouge, dans le quartier latin à Paris, où l’on entre pour se plonger dans toutes les éditions indépendantes du quartier, toutes aussi débordantes d’imagination et de talent les unes que les autres.

Etude TNS Sofres réalisée pour La Croix en 2009

(http://www.tns-sofres.com/points-de-vue/B679BED766C44335B8CF1A8C70D30AA5.aspx)

Petite librairie rouge : Pippa, 25 bis rue du Sommerard, 75005 Paris

  • Je suis en partie d'accord avec votre commentaire sauf pour dire que l'ebook ne s'imposera pas. Je pense que les deux formats vont coexister et qu'ils ne se marcheront que très peu dessus. Je ne crois pas que la tablette ait vocation a tuer le livre papier, c'est pas comme si il y avait deux camps : tablettes vs papier, ou grands lecteurs vs lecteurs occasionnels. Pour ma part je lis et lirais certains livres sur une tablette d'autres (et effectivement les plus longs) sur papier. Je trouve, pour finir, cette invention géniale pour permettre à la presse et à l'édition de trouver des solutions pour survivre.

    · Il y a plus de 12 ans ·
    Default user

    nicolasp

  • Et je voulais aussi parler des BD ! Une BD c'est papier ou ce n'est pas !

    · Il y a plus de 12 ans ·
    Skulltest

    apophis

  • L'ebook ne s'imposera jamais, c'est tout au plus une mode passagère des possesseurs de tablette. Qui n'est pas déjà découragé quand il voit 10 pages sur WLW ? Qui ne sait pas que c'est fatiguant de lire sur un écran à rafraîchissement ? Qui ne sait pas que nos actuels écrans sans rafraîchissement des tablettes de lecture sont à pixels binaires ?
    Ca marchera un peu, pour les petits lecteurs, oui, qui auront plaisir à avoir des illustrations accompagnant leur nouvelle.
    Mais le lecteur de romans qui bouffe son millier de pages en quelques jours restera toujours sur le format papier.
    Et les superbes illustrations d'Alan Lee accompagnant certaines éditions du "Seigneur des Anneaux" seront toujours plus belles imprimées que pixelisées !
    Et le possesseur de tablette préférera de loin regarder le dernier Ridley Scott en divX plutôt que se taper deux mille pages de Frank Herbert.

    · Il y a plus de 12 ans ·
    Skulltest

    apophis

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