le maréchal étain
Sandra Laguilliez
Chapitre 1
L’agent Etain avait en charge les paysans, il devait veiller à ce qu’aucun d’entre eux ne s’enfuit ou ne fasse quelque chose mal. C’était une charge qu’il remplissait avec un soin démesuré, jamais on n’avait vu, dans la région de Phulin, un agent aussi fier de son travail. Le maréchal Balkalo était ravi d’avoir Etain parmi les siens, pas seulement parce qu’il était un officier zélé mais également parce qu’on le voyait de loin et qu’il en imposait par sa haute taille et ses membres musclés. Les gens qui connaissaient bien l’agent savaient qu’il était bon et juste, que c’était un homme gentil et que sous ses cheveux noir et ses sourcils touffus se cachait un cœur tendre. Bien sur, ceux qui ne le connaissaient pas disaient qu’il était sans cœur, froid et que ses yeux noirs lançaient des éclairs, ces mêmes gens assuraient qu’il faisait le mal autour de lui, qu’il aimait torturer les pauvres paysans. C’est vrai, on pourrait penser comme ces gens mais le problème ne venait pas de l’agent Etain, bien au contraire, mais de ces supérieurs et du roi en particulier.
La belle région de Phulin était dépendante du compté des Bouil, elle-même sous la régence du royaume des Jouy, et les autres de l’agent Etain étaient dictés par le royaume, si en haut lieu on décidait d’augmenter les impôts que pouvait bien y faire Etain ? Absolument rien, alors il allait avec le collecteur d’impôts voir les maires des villages et les paysans pour récolter l’argent, ceux qui refusaient de payer, soit parce qu’ils ne pouvaient pas, soit parce qu’ils ne voulaient pas, étaient battus, ce n’était pas lui qui avait choisit les sanctions, ceux qui refusaient encore après les coups étaient mis en prison et saisis de leurs biens, et ceux dont les biens ne suffisaient pas à couvrir les impôts étaient envoyés au bagne.
L’agent Etain détestait ses mesures mais il aimait son travail, parce qu’il avait toujours cru que les lois étaient justes et bonnes et que l’on devait les respecter pour éviter que tout le royaume tombe en miette, mais au fur et à mesure il c’était aperçut que les lois ne faisaient du bien qu’aux riches, et les pauvres paysans n’avaient pas leurs mot à dire.
Au début de sa carrière, lorsqu’il avait quinze ans, les coups qu’il donnait aux pauvres paysans étaient brutaux, sans pour autant montrer de l’acharnement, à l’époque il pensait que si on ne payer pas c’était par contestation, il ne voyait pas la misère qui entourer ses semblables, maintenant, après vingt ans de carrière et un travail bien payer, il savait qu’il avait eu tord et les coups qu’il donnait été moins durs, ce n’était que pour la forme.
L’agent Etain n’était pas marié, il n’avait jamais rencontré une seule femme qui vaille la peine d’être épousée par lui, et elles le lui rendaient bien. Son travail était mal vu par certaines, d’autres le trouvait bien trop gentil, d’autres encore le trouvait trop laid, lui ne se trouvait pas laid du tout, bien sur si on ne l’avait pas obligé à porter la barbe, la lourde côte de maille et heaume d’acier il aurait sans doute parut plus beau. Mais il n’aurait le droit de se raser que lorsqu’il deviendrait maréchal, d’ici peu de temps alors il pourrait raser sa longue barbe noir, et enlever le casque lors de sortis public, peut être alors les femmes le trouveraient plus à leur goût et peut être en trouverait-il une qui ne soit pas trop vilaine et supportable.
Chapitre 2
Le maréchal Balkalo était maintenant devenu capitaine et l’agent Etain avait pris sa place devenant ainsi maréchal après vingt et un ans de service, un grade qu’il prenait au sérieux et qu’il espérait depuis toujours, il avait plus de responsabilités, puisqu’il devait veiller sur toute la garnison de soldats et sur les trente agents, mais cela lui plaisait beaucoup, même s’il regrettait toujours de ne pas avoir de femme. Il avait rasé sa barbe mais les femmes le regardaient toujours du même air condescendant, certaines ne voyaient en lui que l’argent que rapporter son travail et il ne voulait pas d’une femme qui ne voyait en lui qu’une bourse bien garnie et un rang dans la société, ce qu’il voulait c’était de l’amour et du bonheur, rien de plus rien de moins.
« - Maréchal ? Demanda un petit gaillard blond aux grosses joues bien lisses.
Etain leva la tête de son parchemin, on lui avait envoyé l’ordre d’informer les populations qu’en raison de la sécheresse les paysans n’auraient plus le droit d’arroser les récoltes. Etain trouvait cette restriction des plus abjectes, si on n’arroser pas les champs il n’y aurait jamais de récolte et les paysans mourraient de faim cet hiver.
- Oui, caporal ?
- Nous avons un problème prés de la ferme des Maureilles, l’agent Vulvain vous fait demander. »
Le maréchal Etain pris son épée et son casque, au moins cela lui laissait un peu de répit et il n’aurait pas à informer la population avant le lendemain, peut être qu’avec un peu de chance des soldats seraient blessés et il n’aurait pas à s’occupé de cette mesure avant trois ou quatre jours, alors certaines récoltes auraient le temps de pousser et d’être récoltées, ou alors la pluie tomberait et la mesure ne sera pas appliquée.
Il fallait une bonne demi-heure pour se rendre à la ferme des Maureilles, il le savait, souvent il avait fait ce chemin dans le passé. Dis ans auparavant les Maureilles était une des plus pauvres familles de paysans du comté, mais ils arrivaient toujours à payé à temps, où alors les nombreuses grossesses de Madame Maureilles faisaient retarder le payement des impôts, car comme la loi le stipulait, on ne pouvait faire payer d’impôts à une famille dont la femme était enceinte de plus de quatre mois, et avec ses vingt grossesses les Maureilles avaient eut de nombreux retardement d’impôts, c’était tant mieux, Etain aimait beaucoup ses gens, et il savait qu’aujourd’hui seuls trois des enfants Maureilles étaient encore en vie, cela ne le rendait pas triste, c’était le cas partout, les enfants mouraient très jeunes et s’ils réussissaient à survivre jusqu’à leurs dixièmes années la vie qui les attendaient ensuite se promettaient d’être des plus terribles.
Durant tout le trajet le caporal ne parla pas une seule fois de la raison pour laquelle Vulcain le faisait venir, en général les agents et les collecteurs se débrouillaient avec le caporal chef, un caporal, deux soldats et un aspirant, et puis les Maureilles n’étaient pas des gens résistants, même s’il avait fallut envoyer l’homme en prison et les saisir ils n’auraient pas résistés.
Chapitre 3
Arrivait à la ferme, Etain s’aperçut que quelque chose n’allait pas, la ferme était dans un état encore plus pitoyable que la dernière fois où il était passé devant, les deux volets de la maison étaient fermés, signe qu’il n’y avait plus de vitre, la porte ne tenait plus vraiment en place et quatre personnes qu’il voyait se dessiner au loin étaient vêtus de haillons élimés. Un petit cri déchira le silence, Etain reconnu les pleures d’un bébé, il savait pourtant que Madame Maureilles était maintenant trop âgée pour avoir un enfant, mais il fit comme s’il n’avait rien entendu, son travail ne lui permettait pas de faire des sentiments.
Les hommes tenaient leurs chevaux à la main, assis dans l’herbe sèche, l’un des soldats et l’aspirant étaient debout près de la famille pour les contraindre à rester en place, ce qui ne semblait pas difficile, les heures passaient debout sous la chaleur semblait avoir épuisé la famille.
Le maréchal observa les membres de la famille, il reconnu la mère, avec ses cheveux grisonnant, ses rides et son corps déformé par les grossesses, elle était sale, mal habillée, épuisée par le poids des années, courbée, malgré tout elle gardait un regard bon et doux et un sourire léger de bonne mère. A côté d’elle se tenait un garçon grand et maigrelet, aux cheveux de feu, comme l’était ceux de son père, il enlaçait sa mère avec dévotion, il ne devait pas avoir plus de treize ans et était d’une pâleur cadavérique. De l’autre côté de la mère, une fille, la plus âgée, les cheveux d’un noir corbeau et l’œil azur elle devait être la mère du bébé qui pleurer encore. Et un peu en retrait, une autre fille, plus petite et plus jeune. Lorsque le maréchal la vit il ne put cacher son trouble, elle était d’une beauté époustouflante.
Il en avait vu de belles femmes dans sa vie mais aucune n’avaient cette légèreté, cette innocence dans le regard. Aucun n’avait cet air fier et redevable, cette candeur et cette énergie. Aucun n’avait cette longue cascade brune chatoyante dans le dos, ni ses yeux si clairs qu’ils en paraissaient transparents, elle était plus petite que sa sœur, plus maigre aussi, mais cela n’altéré en rien sa beauté. Le bébé devait être seul à l’intérieur de la masure.
L’agent vient vers lui, tout en sueur sous son heaume, c’était un homme grand et fort, mais beaucoup moins que le maréchal.
« - Ils disent que le père vient de mourir et qu’ils n’ont pas d’argent. Dit-il, de façon à ce que la famille n’entende pas.
- Et alors ? Demanda Etain. Ce n’est pas à moi de régler cette affaire.
- Je le sais bien, mais la fille assure que son mari a été envoyé au bagne pour rien, qu’on lui a enlevé ses biens alors qu’elle était enceinte. Son bébé n’a que quelques jours et elle dit que son mari est au bagne depuis trois mois.
- La loi n’aurait pas été respectée ?
- C’est ce qu’elle dit, elle dit aussi, que si sa mère ne peut pas payer les impôts c’est parce qu’ils ont dû la recueillir. Et le fils est trop jeune pour le bagne. Que fait-on ?
- On doit enquêter. Si la loi n’a pas été respectée nous nous devons de punir les responsables.
- En attendant ?
- Pas d’imposition possible, avant la fin de l’enquête. Collecteur ! Appela Etain, d’une voix grave.
Le collecteur, un vieil homme fourbu, accourra. Le maréchal descendit de son cheval et retira son casque.
- Combien doivent ces gens ?
L’homme chercha fébrilement dans son rouleau de parchemin.
- Dix sous et quinze deniers. Répondit l’homme, d’une voix chevrotante.
Une fortune pour de pauvres paysans.
- Gardez cette somme, et à la fin de l’enquête, s’il s’avère qu’ils ont mentis, ils devront payer cette somme.
- Et s’ils disent vrai ?
- Je pense que cinq pièces d’or devraient suffire.
- Le maire ne sera pas content. Marmonna le caporal, qui s’était rapproché du maréchal.
- C’est moi qui décide. Assura le maréchal, d’une voix imposant le silence.
Etain s’avança vers la famille. Ce qu’il proposait été équitable, on puisque l’on ne pouvait réclamer l’argent d’un donner par un tribunal, donc ils auraient cinq pièces d’or, jamais ils ne devaient avoir vus autant d’argent à la fois, et s’ils mentaient, ils n’auraient pas à payés d’avantage que ce qu’on leur réclamait.
- Cela vous convient-il ? Demanda le maréchal à la vieille femme. Si vous mentez vous pouvez toujours implorer notre clémence.
- Nous ne mentons pas ! Assura la veille femme.
- Alors il en sera fait ainsi.
L’agent vient se placer au côté du maréchal, comme s’il avait quelque chose à dire.
- Et s’ils s’enfuyaient ? Demanda Vulcain.
Etain appréciait beaucoup cet homme, il était malin, mais parfois ses conclusions étaient un peu démesuraient et il envisageait toujours les choses les plus improbables.
- Nous devrions peut être emmené l’un des leurs avec nous. Proposa le caporal-chef. La plus jeune, elle ne s’enfuira pas et pourra être utile au cas où les autres décideraient de s’enfuir.
Cette idée ne plus guère au maréchal, mais puisque l’idée avait été formulé à haute voix et que le collecteur était d’accord, il n’eut d’autre choix que d’emmener la belle jeune fille. Mais elle ne serait pas jetée en prison, elle n’avait aucun tord. En discutant avec le collecteur, Etain appris que la pauvre fille ne gagerait que trois deniers par jours en travaillant aux champs, il lui en donnerait donc cinq pour faire le ménage et la cuisine.
Chapitre 4
Elle était restée fière et muette durant tout le temps qu’il avait fallut pour revenir à la caserne, marchant au pas des chevaux. Personne n’avait eu l’audace de protesté, sa famille devait savoir que le choix ne s’imposait pas.
Les quartiers du maréchal était confortable, une grande chambre, une salle de vie bien chauffée, et un bureau attenant. Il avait fait monter une paillasse et elle dormirait près du feu, il n’avait rien d’autre à lui proposé.
Elle se jeta sans retenu sur le pain et la viande, la pauvre fille devait mourir de faim. Lui-même ne toucha pas à la nourriture, bien trop occupé à la regarder. Elle était des plus mystérieuses, ne parlait pas, elle détournait toujours les yeux lorsqu’on lui parlait, mais elle restait d’une beauté à couper le souffle.
« - Comment tu t’appelle ? Interrogea le maréchal.
Elle leva le nez de son bol de soupe, ouvrit la bouche comme si elle allait répondre, mais se ravisa et replongea dans son bol. Il pouvait toujours aller se renseigner mais il aurait tellement aimé entendre le son de sa voix.
- Je ne te ferrais aucun mal. Assura Etain. Je te l’ai dis, je te paierais pour le travail que tu ferras ici. »
Elle n’ouvrit pas la bouche une seule fois de toute la soirée, ni le lendemain, pas plus que les jours suivants. Il ne chercha pas à apprendre son nom, attendant qu’elle le lui dise. Il veilla à ce que sa famille ne manque de rien, en leur envoyant quelques sous toutes les semaines. La Belle Muette eut le droit à de nouveaux vêtements, qu’il se fit une joie de payer. Il avait beaucoup d’or dans ses coffres, de l’or qui ne lui servait à rien.
Elle avait pris du poids depuis qu’elle vivait avec lui, presque trois mois maintenant, elle n’en était que plus belle, les autres hommes le remarquaient aussi et il en était jaloux. Il l’aimait sa Belle Muette, elle était tellement merveilleuse, si douce et si délicate. Il savait qu’elle ne l’aimait pas, il suffisait de voir les yeux qu’elle lui faisait, mais il ne lui en tenait pas rigueur, après tout quelle femme pourrait aimer un homme que l’on disait sans cœur, un homme qui faisait appliquer des lois insistes et qui ruinaient de pauvres paysans sans défenses, c’était simple aucune. Il se consolait en se disant qu’au moins elle était encore en vie, qu’il faisait tout ce qu’il pouvait pour elle.
Chapitre 5
Cela faisait maintenant six mois que l’on avait lancé l’enquête, il avait fallu envoyer le nom, la description, le motif et la date de l’emprisonnement aux deux cents trente prisons du royaume et aux quarante six bagnes, la plupart étaient si éloignés qu’il faudrait un an avant qu’une réponse ne parvienne au maréchal et peut être Jacquein Cangai, le mari de la pauvre sœur de la Belle Muette serait mort lorsque les réponses arriveraient.
Mais un matin, alors qu’Etain était d’une humeur noire, à cause de tous les soldats qui faisaient les yeux doux à sa protégée, qu’il ne pouvait décemment pas enfermer dans ses quartiers, un homme demanda à lui parler.
C’était un capitaine, le maréchal le reçu avec tous les honneurs dû à son rang, fit les salut et les révérences qu’il se devait, proposa nourriture et boisson, que l’homme s’empressa d’accepter.
Le Capitaine avait tout de ce qu’un capitaine devait avoir l’air, de la poigne, une stature ferme, un regard charbonneux et une voix autoritaire, sans pour autant montrer de la colère. Il avait une lettre d’un colonel directeur de bagne. Avec un empressement indigne et mal élevé, Etain ouvrit la lettre, sans se préoccupé du Capitaine, fort heureusement ce dernier ne lui en tient pas rigueur. La lettre était daté d’un mois plutôt, le colonel y affirmait avoir dans sa prison un dénommé Jacquein Cangai, arrivé six mois plutôt, et correspondant à la description, il attendait les directives du maréchal pour le faire transférer à Phulin.
« - Le colonel ne m’a pas dit, de quoi il retournait. Intervient le Capitaine.
- Une triste affaire d’injustice et de non respect des lois, un homme a été mis au bagne alors qu’il n’avait rien à y faire, je ne peux laisser cela impuni.
- Un notable ? Demanda l’homme.
- Un paysan.
Le Capitaine parut choqué, puis il partit d’un rire guttural que le maréchal trouva abjecte.
- Les lois sont les mêmes pour tous.
- Par chance non. Coupa le Capitaine, toujours hilare. Les lois sont bonnes pour les petites gens, les riches ou les gens comme nous non fort heureusement rien à faire des lois. Laissez donc ce miséreux en prison. Reprit le gradé, plus sérieux. Il y sera bien mieux que chez lui, il y mourra plus vite.
- Mais c’est injuste et contraire aux lois. S’opposa Etain, avec douceur.
- Allons bon, vous n’êtes pas un aspirant, à votre stade on n’a plus de pareilles sornettes en tête. Je vais vous donner un petit conseil, laissez vous conduire par vos instincts, vous voulez vous enrichir, augmenter les impôts et mettez en dans vos coffres, vous voulez des femmes prenez les, vous voulez la gloire, triomphez, mais par pitié ne respecter pas les lois, c’est bon pour les pauvres et les mauviettes.
Le maréchal bien que très en colère ne répondit pas, il devait le respect à son supérieur et critiquer un supérieur n’était pas dans ses habitudes, il préférait ne rien dire et garder ses propres opinions.
- Qui est cette jeune fille que j’ai vue dans la cour ? Votre fille ?
- Non, c’est la sœur de la femme du bagnard.
Le Capitaine haussa les sourcils puis esquissa un sourire ravi.
- Que fait-elle ici ?
- Elle travail pour moi. Assura le maréchal. Comme nous n’étions pas sur que sa famille disait la vérité le collecteur et les hommes ont pensés plus sage qu’elle reste ici, au cas où il arriverait quelque chose à sa famille.
- Une garantie ? Proposa l’autre.
Etain n’eut pas d’autre choix que d’acquiesçait, même s’il trouvait cela ridicule, les Maureilles n’avaient jamais voulus fuir, seulement rétablir la justice, mais le Capitaine était étranger dans ces terres et il ne pouvait se douter de la bonne foi de ces gens.
- A combien est la grande caserne ?
- Trois jours, Capitaine.
- C’est fâcheux, je suis épuisé et je n’ai pas envie de repartir tout de suite.
Le maréchal aurait volontiers grimaçais mais le Capitaine l’observer. Etain savait que son supérieur n’avait aucune envie de porter secours à ce pauvre Jacquein, et que c’était pour cette unique raison qu’il restait ici. Il annonça même qu’il comptait rester durant une ou deux semaines avant de reprendre la route, par conséquent Etain fut obligé de lui cédé ces quartiers.
Chapitre 6
« - Comment s’appelle-t-elle ? Questionna le Capitaine, en posant les yeux sur la Belle Muette.
- Je ne sais pas. Répondit Etain, d’une voix tranchante, il ne supportait plus cet homme.
- Où vit-elle ?
- Ici, avec moi.
- Dans vos quartiers ! S’écria le gradé, manquant de suffoqué.
- Oui ! Rétorqua le maréchal, exaspéré par la question.
- Viens ici ! Brailla l’étranger, à la Belle.
Elle se dépêcha d’accourir. Jamais Etain ne lui manquait de respect, il la considérait comme son égal, lui parler avec douceur et jamais elle ne s’approchait de lui, alors que cet homme, qu’elle ne connaissait pas, lui donner des ordres, l’appeler comme on appelle un chien, et elle se dépêchait de lui obéir, il en aurait pleuré de souffrance. Cette fille n’avait donc aucune considération pour lui, elle ne lui portait pas la moindre estime, la moindre amitié, malgré tout ce qu’il faisait pour elle. Les femmes le trouvaient donc si horrible que ça ? Il fallait le croire.
La Capitaine attrapa le poigné de la jeune femme et le serra dans son énorme main.
- Comment tu t’appelles ?
Etain cru reconnaître la belle et fière jeune fille qu’il avait vu la première fois, cette fille hautaine qu’il avait ramenée avec lui le premier jour. Le Capitaine serra un peu plus sa main, mais elle ne parla pas pour autant. Il répéta trois autres fois sa question, serrant de plus en plus le poignet de la Belle.
- Tu vas répondre, oui ! Hurla le Capitaine, se levant de son siège.
Etain bondit devant lui, son épée à la main menaçant le Capitaine, qui recula lâchant la Belle.
- Vous allez au devant de graves ennuis. Cancana l’homme.
- Qu’importe. Gronda Etain. Les gens savent qui je suis et ce que je défens.
- Je vais vous faire pendre ! Hurla le supérieur.
Un caporal-chef qui passait par là, entendit les cris de rages et entra dans les quartiers du maréchal.
- Jourbin, emmené donc le Capitaine se préparer pour demain. Annonça Etain, rengainant son épée.
- Qui y a-t-il demain, maréchal ? Demanda le dénommé Jourbin.
- Un duel, caporal-chef, un duel, et vous en êtes le témoin.
C’était une chance pour Etain que Jourbin soit passé à ce moment là, il n’aurait pas su quoi faire du Capitaine sans ça. Il ne s’était pas battu en duel depuis des années, pas dans de vrais duels, s’entend, seulement à des entrainements avec d’autres gradés, mais il s’avait se battre, et s’il gagnait il était sur de devenir sergent, mais ce n’était pas pour le prestige qu’il se battait, c’était pour la Belle, parce qu’il l’aimait et qu’il n’avait pas apprécié le mal que l’étranger venait de lui faire.
- Et qui sera votre second, maréchal ?
- Pas de second, le perdant devra s’en remettre au jugement du roi, pour les tords dont il est coupable.
Le caporal-chef recula d’un pas, peu enthousiaste d’être le témoin de ce duel là. Les duels avec jugement royaux étaient très rares, plus encore que les duels à morts, mais sans second cela pourrait se révéler mortel pour les deux participants.
- Vous êtes d’accord, Capitaine ? Bredouilla Jourbin.
Etain lança un regard noir au Capitaine, il ne pouvait refuser, sous peine de mort immédiate et l’autre le savait. Alors il hocha la tête et partit. Etain retient sa respiration jusqu’à ce que la porte ne se referme sur le caporal-chef. Il lui faudrait rédiger ses dernières volontés avant le matin, cela lui laisserait toute la matinée pour se préparer. Il fixa la porte avec une réelle intensité, comme si tout son destin reposer derrière elle.
Sa respiration était rapide et son souffle court. Tout cela serait terrible et finirait mal, pour les deux participants, il le sentait. Cela en valait-il la peine ? Bien sur que oui, lui souffla sa conscience, la justice vaut que l’on se batte pour elle. Il faut la respecter et tout faire pour la préserver. Quelque chose de frais et de doux se posa sur son bras. Lentement, il regarda la chose. La Belle se tenait à côté de lui, une main sur son bras. Il posa sa main libre sur la bouche de la jeune fille.
- Non, tu n’as pas parlé jusque ici, ce n’est pas le moment. Chuchota Etain, avec une profonde douleur.
Elle le regarda avec tendresse. Il posa la main sur son épaule, comme elle était petite et frêle, il avait si peur de lui faire du mal.
- Ne t’en fais pas, il ne t’arrivera rien. Je te le promets. Jura-t-il. »
Chapitre 7
Il n’avait pas dormi de la nuit, trop occupé à rédiger son testament et à la regarder dormir, c’était la première fois qu’il l’observait durant son sommeil. Il la trouva encore plus belle qu’avant, la plus belle, la plus douce et la plus merveilleuse des créatures. Tout ce qu’il espérait c’était d’avoir le temps d’entendre son prénom, rien qu’une fois, le reste, sa vie, sa mort, le jugement du roi, ne comptait pas, seulement elle, et rien qu’elle.
Il était prêt, avait revêtu sa lourde armure et son heaume. Le duel ne commencerait que dans une demi-heure, devant toute la garnison, à midi. Depuis des heures, il avait peur, non pas pour lui, mais pour elle, il se demandait ce qu’il adviendrait de sa vie une fois qu’il serait mort, bien entendu il lui avait presque tout légué, en dehors de quelques petites choses qu’ils donneraient à des camarades.
Les soldats faisaient des paris et misés sur le vainqueur du tournois, il était le favoris bien entendu, mais cela ne le réconforter pas pour autant, des paysans alentours été mêmes venus pour soutenir le maréchal ou le voir se faire tuer. La Belle Muette avait disparue, il pensait qu’elle n’avait pas envie d’assister à un tel spectacle, elle aurait eu raison et s’il n’avait pas été le lanceur du duel il s’en serait volontiers passé. Mais il ne pouvait plus reculer, il n’avait pas le choix.
La cour d’entrainement avait été transformée pour le duel. Tout d’abord, les deux concurrents se battaient à cheval, utilisant la lance pour désarçonner l’opposant, il fallait faire vite et être précis, tenir la lance d’une main et de l’autre avoir le bouclier et les rennes du cheval, c’était tout un art et Etain devait avouer que ce n’était pas là son point fort. La seconde partie du duel se dérouler à l’épée, heureusement il ne fallait plus être à cheval, ce qui était déjà un grand soulagement. Les règles étaient simples, comme ils seraient jugés pas le roi, ils ne devraient pas essayer de se tuer délibérément.
Il était maintenant en selle, la lance et le bouclier était en place, la foule était exacerbée, les cris de joies ou de peurs, les échos des conversations résonnaient aux oreilles de Etain. Personne n’avait jamais vu le Capitaine au combat et il semblait puissant, mais cela n’effraya pas le maréchal, il avait le même âge que le Capitaine, mais sa force il l’avait toujours eu, déjà tout petit Etain était puissant et musclé et avec le temps il ne l’avait pas laissé se détériorer.
Ils n’attendaient plus que le début du combat, à midi le témoin, Jourbin abaisserait son épée, de la tribune, alors les deux cavaliers séparaient par un couloir s’élanceraient chacun de leur côté pour arriver au centre se pourfendre de leurs lances, si au premier tour aucun des deux ne tombaient de cheval, ils recommenceraient deux autres fois. Si à la troisième fois aucun des deux n’étaient tombés ils abandonneraient leur chevaux et se prépareraient à combattre à l’épée, mais Etain espérait qu’une seule fois suffirait et qu’il mettrait à mal le Capitaine, c’était bien trop difficile de se relever avec une si lourde armure.
Au beau milieu de la tribune, à distance égale des deux concurrents, le témoin se leva, tremblant, Etain fixa l’objet long et brillant sur lequel le soleil d’hiver se refléter. Etain constata alors que l’hiver était fini, que la neige avait fondue et que le soleil redevenait chaud, que le sol était sec, et que finalement il n’avait pas fait si froid que ça cet hiver là. On n’était encore qu’en février mais on pouvait déjà sentir que le printemps serait là de bonne heure. L’épée s’éleva encore. Et soudain, fendit l’air d’un mouvement vif.
Chapitre 8
Le maréchal s’élança à toute vitesse vers son ennemi, qui faisait de même, la lance en avant tournée vers l’ennemi. Le bruit des sabots, les cris de la foule lui bourdonnaient aux oreilles, mais il continua d’avancer, espérant renverser son adversaire, mais celui-ci se protégea de son bouclier. Au moins, il ne l’avait pas touché.
Le règlement accordait quelques minutes de répit aux chevaux et à leurs cavaliers, entre chaque joute. Le maréchal se sentit très triste, mais se consola le coup portait au bouclier du Capitaine était rude et l’on n’avait pas le droit de changer d’équipement.
Il ne c’était pas attendu à ça. Il la regarda s’avancer avec une grâce et une élégance infinie, elle était rayonnante sous le sol, elle tenait quelque chose de léger dans les mains, une étoffe, un voile blanc. Elle lui souriait, jamais elle n’avait souris, il baissa sa lance et elle noua le voile en gage d’amour et de porte bonheur. Avec ça, il ne pouvait pas perdre, se réjouit-il. Après avoir noué son cadeau, elle disparut, retournant auprès de la foule. Il se remit en place, observa une nouvelle fois l’épée, encore un peu plus flageolante que lors de la première avancée. Le témoin s’assura que les deux cavaliers étaient en place et abattit son épée.
Cette fois encore Etain s’élança de toutes ses forces visant le centre de l’armure, le Capitaine faisait de même et les deux lances s’abattirent sur les boucliers, un morceau de celle du maréchal resta planté au beau milieu du métal, décrochant des protestations au public, mais au moins son bouclier serait inutilisable lors du combat à pieds.
Elle l’attendait, lorsqu’il s’arrêta elle vient poser la tête contre sa cuisse et le regarda avec amour, c’était la première fois qu’une femme lui lançait un tel regard, elle était si belle, si merveilleuse.
« - Pardon. Murmura-t-il, pour elle seule. Je ne sais pas me battre.
Elle secoua la tête, en signe de désapprobation, le Capitaine était seulement un adversaire à sa hauteur, pas un simple soldat mais un combattant acharné et méritant. Il ne la regarda pas, observant son ennemi qui faisait faire les cents pas à son cheval avant de se stabiliser à hauteur du départ, lui-même était déjà prêt, bientôt ce serait la fin, peut être allait-il mourir.
- Je m’appelle Elwine. Dit-elle, avant de disparaître.
- Elwine. Murmura-t-il, avant de s’élançait vers son assaillant. »
Cette fois, il fallait donner le maximum de sa force, de son courage, tout faire pour vaincre et faire souffrir l’ennemi. Il le devait à Elwine, il le devait pour tous ceux à qui il avait fait du mal, il le devait au nom de la justice, au nom de l’amour.
Il fit toute la scène au ralentit. La lance ricocha sur le bouclier et frappa la lourde armure, explosa lorsque le cheval poursuivit sa coure, le projetant en arrière, son cheval partit au grand galop, le choc fut difficile, l’armure était pesante et le tirer vers le sol. Dans un bruit métallique, il tomba à plat dos sur le sol, à moitié sonné. Il resta allongé, n’essaya même pas de se relever. Il ne tira pas non plus l’épée de son fourreau. Il était sur le sol les bras en croix, les jambes écartées, comme mort.
La foule hurlait à pleins poumons mais il n’entendait qu’un vacarme assourdissant, des bruits filtrés par le casque, par le sang qui lui battait aux oreilles, par ce besoin de combattre, de triompher, d’aimer et d’être bon et juste. Mais il ne bougea pas.
Chapitre 9
Non, il n’était pas mort, d’une main il releva la visière du heaume, de l’autre il tenait toujours son épée. Le Capitaine était allongé sur le sol, il paraissait incapable de remuer. Etain pointa son épée entre le haut de l’armure et le heaume. Il avait gagné, le Capitaine serait envoyé à la cour et jugé par le roi, la justice allait triompher une fois de plus, on ne pouvait que s’en féliciter.
La foule hurlait de joie, et des soldats vinrent féliciter le champion. On l’aida à retirer son casque et il put enfin prendre une grande bouffée d’air, le soulagement, la joie, l’honneur, tout ça se mêla en lui et le fit prendre conscience d’une chose très importante, on est jamais pleinement heureux sans amour. C’est pourquoi il chercha Elwine. Elle était en retrait, loin des autres, calme et silencieuse. Des hommes proposèrent de festoyer. Il retira ses gants et les donna à cet homme, en signe d’accord et se dirigea vers elle.
Elle était d’une splendeur inégalé, presque irréelle, ses longs cheveux flottaient dans son dos, elle lui souriait, baignait par un rayon de soleil. Il crut qu’il lui faudrait des heures pour arriver jusqu’à elle, mais après quelques lourdes enjambées il arriva.
« - Elwine. Murmura-t-il, en la soulevant de terre. Elwine.
Elle posa ses petites mains sur ses épaules. Il maudit son armure qui l’empêcher de sentir le contact de ses doigts sur sa peau. Etain la tenait à bout de bras, elle était si légère qu’elle aurait pu s’envoler. Alors il se mit à tourner sur lui-même, comme s’il avait voulu qu’elle vole, qu’elle ne devienne que légèreté, elle riait aux éclats, jamais elle n’avait rit, en sa présence. Il aimait ce rire mélodieux et doux, il aimait tout en elle. Il la reposa à terre, Elwine mit ses mains dans les siennes.
- Je vous aime. Dit Etain, d’une voix des plus douces.
- Je vous aime, tout autant. Répondit Elwine. »
Alors il se pencha vers elle et posa ses lèvres sur les siennes, et l’embrassa.
Chapitre 10
Le retour de Jacquein fut une véritable fête. L’agent qui l’avait envoyé au bagne s’excusa de sa bêtise et paya les cinq pièces d’or, convenu par le maréchal. C’est le jour même de la fête que l’on apprit la sentence du roi, dans sa grande noblesse, il n’avait pas fait exécuter le Capitaine, mais l’avait fait envoyer au bagne pour quelques années, car il avait menti, triché et volé de pauvres gens. Le maréchal ne contesta pas la punition infligée, même si beaucoup la trouvait bien trop faible.
Personne ne s’opposa au mariage d’Elwine et d’Etain, surtout pas la famille d’Elwine, qui voyait en Etain l’homme parfait. Le mariage fut donc célébrer, juste après le retour de Jacquein au village. En même temps le maréchal fut nommé Capitaine, sous les ordres du roi, et ce fut son grand ami le Capitaine Balkalo qui lui remit l’épée et le heaume des Capitaine.
Jamais Etain n’avait connu autant de joie et de bonheur, le reste de sa vie s’annonçait sous de meilleurs jours, car l’amour était entré dans sa vie, et il n’en ressortirait plus. Comme s’il avait voulu s’assuré qu’il ne s’agissait pas d’un rêve, il embrassa sa femme, sous un tonnerre d’applaudissement.