Le matin

diane_writes

Le matin. Dehors le ciel est gris et brumeux, les toits et la brique se chevauchent. Au loin dans le brouillard les tourbillons de fumée s'envolent; tout là-haut. La buée colle aux vitres de l'appartement. Une sonate de Beethoven monte en volutes dans le salon depuis l'enceinte Böse. Quelles sont les pensées qui viendront crapahuter aujourd'hui? 

Chaque note remplit l'air de sa présence. Chaque mesure est parfaite. Elles existent et s'évanouissent à toute allure, comme si elles couraient après leur propre instantanéité.
Elles ont ce pouvoir qu'on leur confère, cette puissance créatrice qui taille l'espace et l'air, cisèle et déforme le monde pour en extraire la substance la plus pure. Il suffit alors de plonger dans l'immensité et l'infinité de l'univers.

À ce moment précis, sans revêtir aucune autre forme de sens, aucun autre but, la musique "est" tout simplement. Alors, ce matin, la musique a été; elle est; et elle sera toujours, par et pour elle même, à travers les contingences de l'existence.

Temps et Espace se sont retrouvés. Pour une seconde et pour l'éternité. Puis, enfin, dans un murmure évanescent, elle dépose son silencieux vacarme et vient cristalliser sa mélodie inachevée, dont les notes résonneront, pourtant, à jamais. 

Signaler ce texte