Le meilleur n'a pas que du bon

Thierry Kagan

Cher vainqueur,


je connais parfaitement cette sensation d'être, pour un temps, le meilleur d'entre tous.


Le plus souvent, c'est lorsque je me retrouve seul dans la salle de bains, nu devant les miroirs plus ou moins déformants qui se renvoient mes balles sous des angles divers – et parfois, hop ! je gagne - lob, set et match et, surtout, ramasseuses !!! – et je trouve, parmi tous les reflets de mes moi(s), avec émoi, l'un d'entre eux, le meilleur, qui dépasse nettement tous les autres, car beaucoup moins chauve, moins gras et moins ingrat que ne le racontait – avant que je ne la balance - la balance électronique et vocale qui devait, à l'origine, se cantonner à mon poids doublé d'une IMC et qui rajoutait, sans que je le lui demande, tous les matins, « trapus », avec cet accent d'occasionnelle ménopausée do Brasil qui donnait «  tou es trlé trlapou, mon gland » - jusqu'à ce que je lui enlève les piles.


À la balance, pas à la pute.


Tu es le meilleur mais, comme diraient des exégètes tardifs, tout aussi désopilants que les premiers du genre, « mon pote, faut pas charria : tu ne peux pas vraiment être le meilleur puisque tu te hisserais au niveau de celui dont les Juifs ne disent pas le nom et celui dont on ne montre pas le visage nous fait te dire que tu es peut-être le meilleur en ce microscopique instant mais, forcément, faillible partout ailleurs et vachement, puisqu'une fine lame posée délicatement sur ton cou le ferait verser plus rapidement qu'il n'en faut à une main pour s'aplatir sur ta gueule, comme lorsque tu nous les brises menu avec les histoires de ton ex qui a trouvé moins mou et plus magique, qui moquait la prétendue matinale maintes fois promise, toi lui assénant chaque jour qu'elle l'avait encore manquée parce qu'elle se réveillait trop tard ».


Oui, ils auraient pu dire ça, les exégètes.

Plus ou moins.


Et oui, tu es faillible !

Tu le sais très bien, car parfois, putain ! mais qu'est-ce que t'es pas drôle !


Et en tant que faillible, j'ai pensé qu'il fallait que tu puisses compter sur autre chose que tes petits bras frêles pour te défendre.


Ce cadeau que tu attends... tu ne t'y attendais sûrement pas.


(grand sabre fait à partir d'une très grosse ronce droite, au manche sans épines pour le maintien)


Je vois dans ton œil que tu penses déjà au pire.

En effet, mal employé, il peut se retourner contre toi jusqu'à ce que te regarder nous fasse aussi mal qu'à toi.


Aussi, je te recommande vivement de t'entraîner à son usage.


Par exemple, dans ta salle de bains, nu, de manière à voir, avec les miroirs croisés,

comment il te faut le balader tout autour de toi,

pour piquer au vif ceux qui, aux éclats, ne rient pas,

à ton humour que tu vises tranchant et qui, parfois, tombe à plat.


Tu étais faillible.


Tu viens de gagner une séance en moins chez ton psy.


Te voilà maintenant faillible et... armé pour le supporter.


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