Le mercredi, s'il n'a pas fait froid

sbeno

Le mercredi c’est le soir que ca se passe.

Le mercredi, on a déjà parcouru un bon bout de chemin.

A midi, c’était déjà la moitié de la semaine. Et pour fêter ça, on déjeunait, en terrasse, dos au soleil, le nez dans les pots d’échappement, en paix. Ca se passait rue de la Paix, avec Régine, toujours aussi grande et blonde, toujours ma mère aussi. On discutait, on échangeait, elle me lisait sa dernière nouvelle. Elle pleurait un peu aussi. Je finissais alors l’histoire qu’elle s’était racontée le matin même, dans son tout petit bureau, plaqué or, de la place Vendôme.

Il y avait eu foule l’après midi au sortir des écoles. Maternelles, primaires. Les enfants se chahutaient les bonbons carambar, les bonbons tout ronds, qui collent aux molaires.

On aurait dit une journée d’été dans une ambiance d’hiver.

Dans les rues Parisiennes, on attrapait au vol les discussions de la foule. Ca parlait météo. Tous s’étaient demandés si l’été Indien s’en irait le lendemain vers d’autres chemins. Tous avaient consulté les applications météo de leur Iphones. Alors tous s’étaient attablés en terrasse, comme ça, pour un café ou une choppe de bière, pour pas grand chose finalement. Juste pour se dire, j’y étais. 

Et déjà, le soir.

Les journées passent vite quand il fait beau.

Le mercredi soir, on se réjouit que le plombier ait enfin réussi à déboucher la tuyauterie. Et on sort dehors, car les odeurs acides qui remontent et envahissent mon petit studio, assassinent mes narines.

On claque la porte.

On ferme pas à clefs.

On va rejoindre son copain Beny.

Beny nous raconte sa vie. Beny parle de tout, de rien. C’est intéressant aussi « tout et rien ». Entre chaque phrase, Beny consulte Facebook, Twitter et ses mails. Pour vérifier qu’on ne loupe rien. C’est devenu une habitude dont il serait difficile de se passer désormais. Tu veux sortir en boite, deux clics : Facebook, événement. Tu veux connaître la toute dernière actu mondiale, un seul clic : Twitter. Tu veux savoir si elle pense à toi, un seul clic : Boite mail. Pas de chance, pas de mail.

En fait, c’est un peu comme tous ces trucs qu’on fait sans s’en rendre compte. L’Iphone c’est un peu une brosse à dent, du papier toilette, une fourchette, un couteau, l’interrupteur de ta lampe. Ce truc dont tu as besoin pour continuer de vivre. C’est un peu comme un masque à oxygène ou un verre d’eau, ça dépend des moments. Et ça crée même du suspens quand ton pote te raconte sa vie. Ca rallonge les histoires. Ca crée du silence entre les phrases. On attend la suite. On l’imagine.

Tiens, où sont mes clefs ?      

On rentre vite.

On appelle le serrurier. C’était pas le moment.

Le mercredi, si le soleil s’est montré sous sont plus beau jour d’hiver, s’il fait vraiment encore froid le soir, si Beny n’a pas encore fini son histoire, on est presque chez soi et la vie continue encore et toujours.

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