Le métro

Jonathan Penglin

Consigne : Écrire une pérégrination.

Le métro. Le métro et ses stations. Montparnasse d'abord, bien sûr. À la fois point de départ et d'arrivée. Pour moi, et pour tous ceux qui comme moi — avant moi — ont quitté l'Ouest pour « monter » à la Capitale. Montparnasse, mais pas n'importe quel quai. Celui de la ligne 4, à minuit. Le bout du quai, qui pue la pisse. L'air surchauffé, et le grondement du métro qui s'y engouffre, avale sa dernière ration de voyageurs. Montparnasse, bienvenu.

Porte de Clignancourt, ensuite. Le terminus, où l'on n'est presque plus à Paris. Ça sent le bout du monde, les banlieues nord. La maison, aussi. Clignancourt et ses rats, ses bastons, ses vigiles. Le métro du matin quand on part et du soir quand on rentre.

Gare du Nord, toujours sur la 4. Un cloaque vert — pourquoi vert ? jamais compris — qui débouche via un foutoir de couloirs dans ce grand hall tordu. Un hall traversé de part en part par des passerelles et des escaliers. Un cœur sale et tachycardique qui pompe les voyageurs et les renvoie à travers toutes ses aortes, jour et nuit, vers partout.

Vers la ligne 5 par exemple. Descente à Austerlitz. Le quai de fer forgé suspendu dans les airs. Et puis la descente aux Enfers, en suivant cette longue succession de boyaux de béton qui plongent sous terre. Jusqu'où ? Jusqu'au quai du RER, ligne C. Un tunnel immense et noir. Un quai double, sous-élevé, qui oblige à se hisser dans le train trop vieux.

La suite ? Bibliothèque François Mitterrand, sûrement. Architecture monumentale. Murs blancs, escaliers interminables, et foule pressée. Terminus du matin et point de départ du soir. Contraste parfait avec Clignancourt. Yin et yang. Blanc et noir, dans tous les sens du terme.

Quoi d'autre ? Lamarck peut-être, avec sa sortie en plein milieu de l'escalier qui monte vers Montmartre. Porte d'Orléans, l'autre bout de la ligne 4, version sud qui ressemble tellement à son pendant nord. Saint Michel aussi. Ah, Saint Michel ! Ses flots de touristes en juillet, qui s'extasient. Ses quais bondés, la tension qui va avec, et la fatigue. Et puis son alter-ego du RER B, veine cave blanche et bleue, tube interminable de mine moderne. Porte de la Chapelle, à la fois jumelle et voisine de Clignancourt. Strasbourg-Saint-Denis, un labyrinthe de couloirs en travaux, sans panneaux. Le piège du nouveau-venu, la fierté de l'ancien. Et puis tant d'autres — Châtelet, Simplon, Barbès, toutes celles de la ligne 4, en fait. La ligne qui permettait d'aller de chez moi à chez moi.

Mais aussi d'autres, plus loin. Le long du RER B, pour quitter Paris, ou y revenir. Bures-sur-Yvette notamment. Un quai en pleine campagne, calme, gazouillant. Vert aussi, mais chlorophylle cette fois. Une autre étape de la maison. Et pour finir, Massy-Palaiseau. Là où je suis arrivé pour de vrai. Un océan de béton gris sous un ciel de même couleur. Une horreur. Une monstruosité. Du ciment et des câbles. Des rails et des poteaux. Ma première vision de Paris. Et ma dernière aussi. Bitume et façade de verre. Passerelle blanche et nouveaux bâtiments. Ballast rouge et ciel qui pleure.

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